
Guerre en Ukraine : retour sur un an d'un conflit qui a bouleversé l’équilibre mondial

Le bilan à l’aube de cette deuxième année de guerre? Les renseignements provenant de sources britannique, américaine, russe, ukrainienne et norvégienne divergent. Mais le coût humain de cette guerre semble se situer autour des 120.000 soldats russes tués pour 60.000 soldats ukrainiens. À cela, il faut ajouter des dizaines de milliers de militaires blessés et la perte de 30.000 civils ukrainiens. La guerre d’Ukraine est, d’ores et déjà, le conflit européen le plus sanglant depuis la Seconde Guerre mondiale. Plus de huit millions d’Ukrainiens, ont, selon le Haut Commissariat aux réfugiés, fui leur pays.
Les destructions matérielles civiles et militaires se comptent en centaines de milliards d’euros. Nos économies ont, elles aussi, été impactées. Outre l’aide financière et militaire consentie par l’UE et nos gouvernements, nous avons subi, suite à la tension sur les prix de l’énergie, une forte inflation et une diminution du pouvoir d’achat.
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Tout ça pour quel résultat?
“La méthode première de réflexion et d’analyse d’un conflit, c’est l’analogie avec les précédents”, affirme Michel Goya, docteur en histoire contemporaine et colonel en retraite de l’armée française. Cette année de guerre nous a fait vivre une succession d’analogies. La première d’entre elles c’est une comparaison avec l’invasion en 1939 de la Pologne par les armées allemandes. “La guerre c’est la surprise”, nous rappelait, il y a quelques semaines, André Dumoulin, professeur à l’ULiège spécialisé dans la défense et la sécurité.
Et ce 24 février 2022, c’en fut une. Stupéfiante. Cette stupeur fut, rapidement, remplacée par une nouvelle analogie militaire dans le chef des observateurs plus ou moins avertis. La “guerre éclair”. L’armée allemande avait conquis la Belgique en 18 jours et la France en une “blitzkrieg” de moins de deux mois. Les armées russes ont, durant les premières semaines de leur invasion, conquis de grandes parties de l’Est ukrainien. Kiev était assiégée.
Qui a oublié ces terrifiantes images de cette colonne de dizaines de kilomètres de blindés et de transports de troupes russes, marqués de la lettre Z, s’apprêtant à envahir la capitale? Qui n’a pas craint pour ces civils trouvant refuge dans les stations de métro de Kiev, pour les habitants des alentours de la centrale nucléaire de Zaporijjia, pour ces familles réfugiées dans les abris du théâtre de Marioupol bombardé par l’artillerie russe?
Blitzkrieg et contre-attaque
Et puis, cette guerre éclair s’est embourbée. Comme la colonne de véhicules censée envahir la capitale ukrainienne. Cette horde motorisée est passée du statut de menace à celui de gibier. On a vu alors les images d’une armée et d’une population ukrainiennes rivalisant d’ingéniosité pour stopper l’adversaire. Des petits drones bricolés avec des grenades à main mettant hors de combat des chars ou des blindés. Une armée de geeks mettre au point des systèmes d’écoute des transmissions russes renseignant des brigades de commandos ukrainiens organisés en très petites unités sur les objectifs à détruire. Les maires des villes ukrainiennes organisant barricades et souricières.
La guerre éclair stoppée net laissera ainsi la place à une autre analogie guerrière. Celle de la guerre de Corée. En 1950, la Corée du Nord avait rapidement envahi presque toute la Corée du Sud. Et puis, celle- ci, avec l’aide des Américains, avait en quelques mois reconquis les territoires perdus. Exactement ce qui s’est passé en Ukraine entre avril et septembre. L’armée ukrainienne, équipée par les Occidentaux, reprit aux forces russes une grande partie des villes et villages gagnés par ceux-ci.
Et révéla des crimes de guerre commis par l’armée russe. Civils exécutés en pleine rue, salles de torture, viols, charniers. Le ciel semblait punir ces belligérants pour leur non-respect des lois de la guerre: pendant quelques semaines les Russes semblaient perdre bataille après bataille. Des officiers supérieurs et des généraux tombaient par dizaines. À l’automne, la défaite russe semblait inéluctable.
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Tranchées russes, stratégie allemande
“Et puis, on est passé à autre chose, commente le colonel Michel Goya. Poutine a annoncé la mobilisation partielle et a fait adopter, de toute évidence, par son état-major une stratégie Hindenburg 1917.” Comprenez: creuser des lignes de défenses, des tranchés, des redoutes. Comme l’avait fait l’armée allemande sous le commandement du maréchal Hindenburg en 1916-1917.
D’une guerre de mouvement, on est passé à une guerre de positions. Très semblable à la Première Guerre mondiale. Cette comparaison est renforcée par cette réalité: en 1916 est apparue pour enfoncer les lignes de défense d’Hindenburg une nouvelle arme - le char d’assaut. Un équipement attendu impatiemment par les Ukrainiens. La perspective actuelle s’inscrit dans cette lignée. Un conflit de tranchées dont malheureusement on craint de devoir fêter d’autres anniversaires…