Le business de la fake news démasqué : des sociétés achètent et trafiquent l'information pour le compte de sociétés et d'Etat

Des réseaux d'influence, c'était connu. Mais ce que met en évidence le consortium Forbidden Stories dépasse l'entendement.

Le business de la fake news démasqué : des sociétés achètent et trafiquent l'information pour le compte de sociétés et d'Etat
@Pexels

Le consortium Forbidden Stories, regroupant une vingtaine de rédactions, a enquêté durant plusieurs mois sur les entreprises spécialisées dans les manipulations de l'opinion publique et la diffusion de fausses informations au profit de clients bien particuliers.

Infiltration dans des médias classiques, emprise sur les réseaux sociaux, utilisation d'influenceurs, mise à disposition de milliers de faux comptes pour les utiliser comme caisse de résonance et même mise en scène... Tous les moyens sont bons !

Un journaliste de BFM suspendu  

En France, l'affaire fait grand bruit. La chaîne d'infos en continu, BFM-TV en a fait les frais. Fin 2022, le présentateur Rachid M'Barki présente son journal. « L'Union européenne annonce un nouveau train de sanctions contre la Russie (...) qui font craindre le pire aux constructeurs de yachts à Monaco; le gel des avoirs des oligarques met leur secteur en grande difficulté. (...) Ils en appellent au prince Albert pour éviter de couler : 10.000 emplois sont en jeu sur la Côte d'Azur. » Cette séquence épinglée par le quotidien Le Monde paraît relativement anodine. Pourtant, les révélations interpellent. Ces quelques mots ne seraient pas le résultat du travail journalistique mené par la rédaction mais bien des éléments envoyés par « un agent d'influence travaillant pour le compte d'une entreprise israélienne spécialisée dans les campagnes de désinformation. »

La mécanique est bien huilée. Le sujet piloté depuis des intérêts économiques ou politique extérieur à la rédaction - ici une entreprise de yachts touchée par la guerre en Ukraine - est diffusé à l'antenne à une heure durant laquelle l'audience est faible. Dans un journal de nuit pour le cas d'espèce. Si la caisse de résonance de BFM n'est jusque là que peu importante, l'orchestration qui suit est imparable.

Fausse manifestation relayée

Une armée de comptes Twitter et Facebook pilotée par la société Team Jorge se charge de donner une seconde vie à ce contenu jusque-là resté confidentiel. Sur ces comptes factices, le business du yacht y est ardemment défendu. Mais la machinerie ne s'arrête pas là puisqu'ils se chargent également de raids contre les concurrents de la société aux manettes. Des happenings sont aussi réalisés avec une fausse manifestation devant les locaux londoniens de la société de yacht concurrente ou une campagne de diffamation savamment orchestrée par un lâcher de tracts accusant cette société de collaborer au massacre d'enfants ukrainiens.

Ces faits totalement bidons ont été repris par Rachid M'Barki dans ses journaux de nuit. Une enquête interne est aujourd'hui ouverte à l'encontre du présentateur qui s'est vu être provisoirement retiré de l'antenne. Si toute la lumière n'a pas encore été faite, il n'en reste pas moins soupçonné d'avoir délibérément construit certains de ses journaux pour le compte de gouvernements étrangers. S'il se défend d'avoir été rémunéré, il reconnaît avoir diffusé ces messages pour rendre service à un ami. Un ami intermédiaire justement de ces campagnes d'influence à grande échelle. C'est cet intermédiaire qui aurait même fourni les images utilisées et même parfois les textes lus.

Si ce dernier nie également avoir rémunéré M'Barki, il n'en reste pas moins qu'au sein même de la rédaction de BFM, un autre journaliste aurait lui aussi été approché pour rendre ce genre de "services", contre une importe somme d'argent.

La société Team Jorge, tel un fantôme tapis dans l'ombre, téléguiderait de nombreuses manoeuvres de ce genre. Fondée par des anciens du Mossad et de l'armée israélienne, elle s'est spécialisée dans la désinformation au profit de clients pouvant être des Etats.

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