

Quand s'arrêteront donc les dérives de Laurent Minguet ? C'est la question qui se pose aujourd'hui après que cet entrepreneur, fondateur de l'entreprise EVS et membre de l'Académie royale de Belgique, s'est fendu d'un nouveau tweet désigné comme islamophobe. Une déclaration qui visait cette fois la docteure en sciences politiques Fatima Zibouh, en charge du projet pour faire de Bruxelles la capitale européenne de la culture en 2030.
Publié la semaine dernière sur Twitter, le chef d'entreprise dénigrait la militante écologiste en reprenant une formule mnémotechnique connue des enfants. "Mon chou, mon bijou, Viens sur mes genoux, avec des cailloux pour lapider ce vilain Zibouh, Plein de poux…", a-t-il écrit. Rapidement, son message est qualifié d'injurieux et de raciste.
L'incitation à la haine est un délit...
Et @laurentminguet, avec qui l'@Academie_be a déjà pris ses distances, récidive. Jusqu'à quand cette impunité ? #islamophobie pic.twitter.com/xyzG59ruUB
— Collectif pour l'Inclusion & contre l'Islamophobie (@CIIB_be) February 11, 2023
Cette accusation s'inscrit dans un contexte tendu, Laurent Minguet multipliant des déclarations proches du vocabulaire d'extrême-droite. En 2020, il accusait des associations d'être des "trucs islamo-gauchistes". En 2022, un autre de ses tweets fait polémique. Il s'attaque alors au "QI des noirs" qu'il décrit comme inférieur à celui des blancs, d'où de vives protestations, le virologue Emmanuel André dénonçant par exemple la "promotion de théories racistes sans fondements".
La semaine dernière, son message se voulait être une réponse au député François De Smet qui s'émouvait des séquelles de l'auteur Salman Rushdie, poignardé en août 2022. “De l’émotion face à cette photo de Salman Rushdie pour The New Yorker, blessé mais vivant, comme l’est la lutte pour la liberté d’expression“, écrivait l'élu DéFI. “Et sur la nomination de Zibouh rien à dire ? #hypocrisie", ripostait Laurent Minguet avant de faire son autre message controversé.
Depuis début février, le choix de Fatima Zibouh à la tête de "Bruxelles 2030" est critiqué, notamment à droite, celle-ci ayant cofondé en 2013 une asbl avec un ex-membre des Frères musulmans (devenu depuis militant pour un islam libéral): Empowering Belgian Muslims (EmBeM). Un député DéFI, Christophe Magdalijns, s'interrogeait par exemple sur la proximité de la militante écologiste avec des figures islamistes. Réponse du ministre-président bruxellois Rudi Vervoort (PS): la nomination s'est faite de manière ouverte et sans problème. "Il a semblé que le profil répondait aux exigences posées. L’intéressée dispose d’un doctorat de l’université de Liège traitant de la politique culturelle des minorités. J’imagine que cela a dû jouer. Je ne pense pas qu’il y ait jamais eu le moindre problème avec la porteuse du projet qui travaille depuis plusieurs années chez Actiris" (au service anti-discrimination).
Interrogé par BX1, Laurent Minguet a expliqué ce samedi que son "tweet est ironique" (d'où l'usage d'un emoji, fait-il valoir) et assure avoir un humour similaire à celui de Charlie Hebdo. Il se plaint même de ceux qui "hurlent au scandale (avec mauvaise foi) pour tenter de museler la critique de l’islamisme". "Ce tweet n’a rien à voir avec de l’humour", réplique dans Le Soir Didier Viviers, le secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Belgique.
"La comparaison avec l’humour Charlie ne tient pas car, quand j’achète Charlie, je sais ce que j’achète. La perception de l’humour est toujours liée à un contexte. Ce n’est pas parce qu’on met un emoji que c’est de l’humour". Le directeur de l'Unia (le centre de lutte contre le racisme) a également précisé que les propos de Laurent Minguet contre Fatima Zibouh pourraient tomber sous le coup de la loi Moureaux.
Suite aux prises de position de l'entrepreneur, l'Académie réfléchit à une modification de son règlement disciplinaire. En l'état, elle ne prévoit pas de sanction pour ce type de situation. Cela pourrait changer à l'avenir. En attendant, la RTBF fait savoir que l'Académie a déjà lancé une action en justice contre Laurent Minguet. L'Unia ira aussi en justice mais seulement si la victime donne son accord, ajoute L'Écho. Ce lundi, le compte Twitter du fondateur d'EVS, un temps suspendu, a été rouvert.