Human Rights Watch incrimine l'Ukraine pour l'usage de mines antipersonnel «papillon» interdites

Après avoir documenté à plusieurs reprises l’utilisation par la Russie de mines antipersonnel en Ukraine, l’ONG pointe maintenant du doigt Kiev dans un nouveau rapport.

Un démineur ukrainien dans la région de Kherson, en novembre 2022
Un démineur ukrainien dans la région de Kherson, en novembre 2022 @BELGAIMAGE

250.000 kilomètres carrés, soit une surface à elle seule plus grande que celle de la péninsule coréenne. En Ukraine, la guerre aurait accouché du plus grand champ de mines du monde, selon l’évaluation du premier ministre du pays, Denys Chmyhal. Depuis le 24 février 2022, Human Rights Watch (HRW) a documenté l’utilisation de mines terrestres antipersonnel par les forces russes, et a publié trois rapports sur la question.

«Les forces russes ont fait un usage répété de mines antipersonnel et commis des atrocités dans tout pays», a déclaré Steve Goose. Pour autant, «cela ne justifie pas l'utilisation par l'Ukraine d'armes prohibées», ajoutait le directeur de la division armements de HRW.

L’ONG publie en effet ce mardi 31 janvier un nouveau rapport, incriminant cette-fois Kiev. «L’Ukraine devrait enquêter sur l’utilisation apparente par son armée de milliers de mines terrestres antipersonnel tirées par des roquettes dans et autour de la ville d’Izioum dans l’est du pays, pendant que les forces russes occupaient la zone [entre avril et fin septembre 2022, ndlr]».

Convention de 1997

Selon HRW, des roquettes projetant des mines antipersonnel PFM, aussi appelées mines «papillon » ou mines «pétale» ont été tirées sur des zones occupées par les troupes russes dans et autour de la ville d’Izioum (est de l’Ukraine) lorsque la Russie occupait la zone. «L’utilisation de mines antipersonnel viole le droit international humanitaire, car ces armes ne font pas la distinction entre civils et combattants, pointe le rapport. Les mines terrestres non neutralisées provoquent des déplacements, entravent l’acheminement de l’aide humanitaire et empêchent les activités agricoles». Et ce, pendant des années, parfois des décennies après la fin des combats.

En ayant recours à ces armes, l’Ukraine romprait ses engagements internationaux, le pays étant signataire de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel de 1997, qui interdit leur utilisation et exige la destruction des stocks existants. Après l’éclatement de l’Union soviétique, l’Ukraine a hérité d’un important stock de mines antipersonnel. Le pays a détruit plus de 3,4 millions de mines antipersonnel entre 1999 et 2020, notamment des mines PFM. En 2021, l’Ukraine faisait état de 3,3 millions de mines PFM devant encore être détruites.

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Contrer la propagande russe

Depuis le début de la guerre, les Occidentaux ont prévenu les forces ukrainiennes contre les dérapages ou les exactions qui entacheraient leur soutien auprès de l’opinion publique. La publication d’un rapport comme celui de HRW sera donc scrutée avec d’autant plus d’attention que cet été, un autre rapport, cette-fois d’Amnesty International, avait été très critiqué. Pour certains, l’ONG, en accusant l'Ukraine d'avoir utilisé des écoles ou des hôpitaux comme bases militaires, donnait en effet le sentiment de mettre sur un pied d'égalité l'envahisseur et celui qui se défend. La propagande russe ne s’était ainsi pas privée de relayer le rapport d’Amnesty.

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Pour autant, du côté de Human Rights Watch, on assume la publication, malgré le contexte : «Ce rapport rappelle que les lois de la guerre sont claires et s’appliquent à tous les belligérants, résumait dans Le Soir Fred Abrahams, directeur adjoint des programmes chez HRW. La litanie des violations commises par la Russie n’exonère donc pas l’Ukraine de ses obligations (...). Et ce rapport n’excuse ni ne justifie en aucun cas le comportement global des forces russes que nous continuons à dénoncer. Notre travail, à HRW, c’est de rapporter des situations problématiques pour mieux protéger les droits des civils, et pas d’appuyer un pays ou un autre. Dans ce cas-ci, il s’agit de souffrances infligées à des civils ukrainiens, dont des enfants : ces personnes ont perdu un pied, une jambe, et leur vie est parfois en danger. Nous pointons ces faits pour presser les Ukrainiens de mieux se comporter».

 

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