
"Emmerder les non-vaccinés": Macron et la tentation de la petite phrase

Il aura tenu trois semaines. Invité le 16 décembre sur TF1 et LCI, Emmanuel Macron avait porté un regard critique sur sa manière de communiquer. Concernant ses nombreuses petites phrases qui, par le passé, ont pu heurter l’opinion (outre-quiévrain, on parle même de " macronades ") le locataire de l’Elysée avait admis qu’il ne " mesurai(t) pas suffisamment de choses ", durant les premières années de son quinquennat. Presque un mea culpa : " J’ai acquis une conviction : il faut bousculer et donc je reste avec autant de volonté de bousculer le système (…) mais on ne fait rien bouger si on n’est pas pétri d’un respect infini pour chacun ".
Un " respect infini " pourtant plus difficile à discerner dans les propos tenus par le président, mardi 5 janvier. " Les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu’au bout. C’est ça, la stratégie ", a déclaré Emmanuel Macron lors d’une interview donnée au Parisien. Des propos qui ont entraîné un nouveau report des travaux de l’Assemblée Nationale, occupée à examiner le projet de loi sur le pass vaccinal. Ils rejoignent une longue liste de " macronades ". Morceaux choisis.
" Le Kwassa-kwassa pêche peu "
Ce sont les premiers mots polémiques du quinquennat. En déplacement dans un centre opérationnel de surveillance et de sauvetage, début juin 2017, Emmanuel Macron avait tenté une plaisanterie : "Le kwassa-kwassa pêche peu. Il amène du Comorien ". L’Elysée avait du rapidement reconnaître que la plaisanterie était "regrettable et malvenue ", les kwassas-kwassas étant des embarcations typiques comoriennes, notamment utilisées pour transporter illégalement des migrants à destination du département français de Mayotte. Bateaux régulièrement à l’origine de tragédies.
" Des gens qui ne sont rien "
" Une gare, c’est un lieu où on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien ", déclare-t-il sans hésitation le 29 juin 2017, lors de l’inauguration d’un incubateur de start-up dans l’ancienne Halle Freyssinet à Paris.
Ne pensez pas que si vous réussissez, tout est fait. Non. Transformez notre pays. #StationFLaunch pic.twitter.com/TNKiNoMF0t
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) June 29, 2017
" Pognon de dingue "
Dans une vidéo publiée le 12 juin 2018 sur compte Twitter, Emmanuel Macron regrettait qu’on mette " un pognon de dingue dans les minima sociaux " et que " les gens pauvres restent pauvres ". " On doit avoir un truc qui permet aux gens de s’en sortir ".
Gaulois réfractaires
En visite au Danemark, le 29 août 2018, il dit son admiration pour le modèle danois de " flexisécurité ", et déplore ironiquement, par opposition, " le Gaulois réfractaire au changement ! "
Au chômage ? Traversez la rue
Sans doute la phrase qui aura le plus marqué les esprits. En septembre 2018, un jeune horticulteur au chômage rencontre Emmanuel Macron dans le parc de l’Élysée lors des Journées du patrimoine. Le président lui suggère de chercher un emploi dans " l’hôtellerie, les cafés et la restauration " ou " le bâtiment ". Un emploi, " je traverse la rue, je vous en trouve ! ", assurait-t-il.
VIDÉO – Macron à un jeune chômeur qui peine à obtenir un travail : " Je traverse la rue je vous en trouve " #JEP2018 pic.twitter.com/clfFlBuL52
— Arthur Berdah (@arthurberdah) September 16, 2018
Clin d’œil électoral?
On le voit, la dernière saillie jupitérienne en date s’inscrit dans une logique communicationnelle mêlant " parler vrai ", proximité et une bonne dose de provocation. Mais comme le confirmait l’un des proches du président à France Info, il ne faut voir nul dérapage dans cette volonté " d’emmerder " les " non-vaccinés " : " Ce n’est pas une petite phrase, c’est un raisonnement. Il y va fort mais il faut nommer le mal. Notre électorat est 100% pro-vax et ne comprend pas les non vaccinés ".
En toile de fond, donc la présidentielle, pour laquelle Emmanuel Macron ne s’est toujours pas officiellement déclaré. Pour la plupart des observateurs, il ne fait pourtant pas de doute qu’il sera à nouveau candidat. Et ce genre de propos, presque une déclaration de candidature, sont sans doute là pour le rappeler.