
Faut-il arrêter de dire « du coup » ?

« Du coup, qu’est-ce qu’on fait ce soir ? ». La locution adverbiale « du coup » est entrée dans le vocabulaire de nombreux francophones, jusqu’à en devenir un véritable « tic de langage » chez certains, au grand malheur des défenseurs de la langue française, qui la jugent incorrecte.
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Le Figaro consacrait déjà un article à ce sujet en 2017 : « ‘Du coup’ : ne faites plus la faute ! ». En se basant sur des recommandations de l’Académie française, le quotidien expliquait à ses lecteurs pourquoi la locution est erronée lorsqu’elle est utilisée en tant qu’adverbe.
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Sens propre ou synonyme d'« aussitôt »
Selon les recommandations, « du coup » ne peut être employé que dans deux cas : au sens propre et pour remplacer le mot « aussitôt », qui exprime « l’idée d’une cause agissant brusquement ». « Un dehors de ces deux sens, ‘du coup’ est incorrect et son emploi relève de l'abus de langage », note le quotidien français. Il serait donc incorrect d’utiliser la locution « du coup » comme synonyme de « donc » ou de « de ce fait » : « Formules pour leur part correctes et regrettablement évacuées au profit d'un français toujours plus rétréci et simplifié... », conclut le Figaro.
Evolution de la langue
Du coup, faut-il arrêter de dire « du coup » ? La langue française a bien évolué au fil des siècles, et selon le linguiste Jean Szlamowics (Université de Bourgogne), les « usages périmés » des mots ne doivent pas légitimer leur emploi contemporain. C’est ce que fait l’Académie française qui se réfère au Bon Usage de Grévisse pour prêter à « du coup » le sens de « aussitôt » : « Selon quel(s) critère(s) considérer qu’une forme parfaitement attestée et banale serait fautive, méprisable ou constituerait ‘un tic de langage’ ? », s’interroge Jean Szlamowics dans The Conversation.
De même que « du coup », n’a plus la signification de « suite à un coup » mais d’« étant donné ce qui vient d’être dit » : « L’idée de soudaineté en a disparu au bénéfice de l’idée de consécution. On ne voit pas pourquoi cette locution devrait subir une condamnation morale, sociale et esthétique la présentant comme une incorrection d’un français mystérieusement ‘rétréci et simplifié’ », ajoute-t-il. Le phénomène est d'ailleurs fréquent : « Une fois qu’on a remarqué un fait, on ne voit plus que lui, d’où cette impression que « du coup », qui passait inaperçu malgré sa fréquence, est désormais sous le feu des projecteurs ».
Snobisme
En réalité, seuls les « puristes » auraient un regard social négatif sur cette locution adverbiale. Jean Szlamowics prévient qu’un certain « purisme » peut « nous aveugler sur la réalité linguistique » : « Le réflexe coupable est de considérer ‘qu’on parle mal’ tant on est habitué au discours normatif et au poids d’une vision scolaire de la langue fondée sur l’apprentissage de l’écriture », renseigne le linguiste. « Or, le français se caractérise par une profonde différence de structuration entre l’oral et l’écrit : essayez de vous passer de ‘euh’, qui est sans doute le marqueur le plus fréquent de notre langue, et on verra si vous arrivez encore à vous exprimer ! », conclut-il.