
La guerre de l'eau douce est déclarée en Europe : la situation est déjà critique dans de nombreuses régions

Ce lundi 8 mai, vingt-six Espagnols sont arrêtés pour vol. L'épisode aurait pu en rester à la rubrique "Judiciaire" des gazettes locales. Mais si l'affaire dépasse aujourd'hui les frontières andalouses, c'est que l'objet du vol n'est pas anodin. Au point de remplir le bas de la septième page du Monde. Mais cette fois, l'usurpation a quitté les chroniques judiciaires pour s'inviter au feuillet "Planète".
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Placés en garde à vue, les présumés voleurs se retrouvent privés de liberté pour "délits contre les ressources naturelles et l'environnement" et "usurpation d'eaux publiques". Ce premier coup de filet est le résultat d'une vaste enquête incluant une centaine d'agriculteurs. L'Andalousie, terre agricole par excellence, fait face à de larges restrictions d'eau suite aux sécheresses à répétition vécues dans la région. Une raréfaction de l'eau disponible que les agriculteurs ont décidé de contourner, notamment en forant des puits illégaux. Au total, 250 infrastructures clandestines seraient disséminées sur l'ensemble du territoire andalous. 26 millions de mètres cubes d'eau auraient dans ces conditions été dérobés pour irriguer 240 hectares de plantation d'avocatiers et de manguiers. Un vol estimé à 10 millions d'euros.
Une catastrophe à venir
Mais au-delà de l'aspect strictement pécuniaire, ce sont les conséquences sur les nappes phréatiques qui sont les plus interpellantes. Le biologiste Rafael Yus confie à nos confrères : "Lorsque survient une sécheresse météorologique comme celle dont nous souffrons actuellement, les réserves d'eau superficielles permettent de pallier ses effets le temps que reviennent les puies. Malheureusement, dans ce cas, la sécheresse météorologique aboutit immédiatement à une sécheresse hydrologique du fait de leur surexploitation."
L'expert avertit : "Nous sommes aux portes d'un effondrement hydrique avec des conséquences aussi bien pour la population que pour les agriculteurs dans la zone, qui perdront leur investissement."
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Mais le phénomène dépasse l'Espagne. Il y a peu, le programme de recherches mené par les Etats-Unis et l'Allemagne à travers les missions satellites GRACE rendait ses dernières conclusions. Ce sont elles qui déterminent les variation en eau douce des réserves du continent européen. Les résultats étaient sans appel : sur ces vingt dernières années, l'Europe n'a cessé de voir ses ressources en eau douce s'estomper. "Chaque année, la plupart des aquifères du continent (hormis quelques exceptions comme en Scandinavie) perdent plus d’eau qu’ils n’en récupèrent par le biais des précipitations et autres phénomènes", constate au National Geographic l'hydrologue Jay Famiglietti, directeur de l'Institut mondial pour la sécurité de l'eau à l'Université de la Saskatchewan au Canada.
Chaque années, l'Europe perd en moyenne 84 milliards de tonnes d'eau. La cause principale de cette fuite en avant : l'extraction excessive des nappes pour alimenter l'agriculture, l'industrie et les villes. Le problème est que la majorité de cette eau s'évapore pour revenir sous forme de pluie qui tombe pour l'essentiel dans les mers et océans et pour le reste qui arrive sur terre pour retourner vers les ruisseaux dans la majorité des cas. Une infime parte retourne finalement dans les nappes. Un cercle vicieux dans lequel l'Europe s'enfonce, sans prendre la pleine mesure des conséquences que ce phénomènes peut engendrer.