Clap de fin pour le nucléaire en Allemagne: vers une énergie plus durable ?

Ce samedi 15 avril à minuit au plus tard, les trois derniers réacteurs nucléaires allemands seront mis à l'arrêt, marquant la fin de plus de 60 ans d'exploitation nucléaire dans le pays. En vertu d'une décision prise en 2011, Isar 2 en Bavière, Emsland en Basse-Saxe et Neckarwestheim 2 à Bade-Wurtemberg cesseront leur activité, bien que la sortie du nucléaire continue de soulever de vives critiques outre-Rhin.

Nucléaire en Allemagne
© Belga Image

Forcée de trouver d'autres sources d'énergie, l'Allemagne s'est tournée vers les centrales au gaz et à charbon, ce qui augmentera ses émissions de dioxyde de carbone alors que le pays représente déjà le plus gros émetteur de CO2 de l'Union européenne.

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La question d'une transition énergétique sans heurt - grâce à laquelle la grande majorité de l'électricité de la plus grande économie d'Europe proviendra de sources renouvelables - nourrit également des inquiétudes Les trois derniers réacteurs allemands devaient normalement être arrêtés le 31 décembre mais le gouvernement leur a accordé un sursis de 100 jours, pour répondre à la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine.

En 2022, l'énergie nucléaire représentait encore 6% du mix énergétique allemand. Bien loin toutefois des 25% assurés au tournant de l'an 2000 par les 19 réacteurs. La première centrale nucléaire allemande, à Kahl en Bavière, était entrée en service en 1962. Elle constituait alors un symbole de progrès.

Un long chemin vers la dénucléarisation 

Ce n'est que dans les années 1970 et 1980 que la construction de réacteurs nucléaires a commencé à diviser, donnant lieu à des actions de protestations parfois violentes. Le parti écologiste trouve d'ailleurs sa genèse dans le mouvement anti-atome. Après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en 1986, les Verts ont été rejoints par les Sociaux-démocrates.

Portés au pouvoir fédéral en 1998, le SPD et les écologistes ont alors décidé de fermer progressivement les centrales. La durée de vie de ces infrastructures a ainsi été limitée à 32 ans et la construction de nouveaux réacteurs interdite. Sous l'égide de la chancelière Angela Merkel, le gouvernement cette fois composé des chrétiens-démocrates et des libéraux a opéré une marche arrière en 2010 en décidant de prolonger cette durée de vie.

La catastrophe de Fukushima en 2011 a toutefois mis un terme définitif à cet élan. Huit centrales ont été mises à l'arrêt dans la foulée, tandis qu'une échéance a été fixée pour les neuf dernières. L'an passé, seules trois d'entre elles étaient donc encore en activité. "Les risques liés à l'énergie nucléaire sont imprévisibles. C'est la raison pour laquelle délaisser cette source d'énergie rendra notre pays plus sûr, tout en nous épargnant des déchets nucléaires supplémentaires", soulignait la ministre allemande de l'Environnement Steffi Lemke, issue du parti écologiste, fin mars dans la presse.

Un impact carbone catastrophique

Le ministre de l'Économie Robert Habeck, lui aussi sous la bannière de l'Alliance 90/Les Verts, avait pour sa part qualifié d'"irréversible" la sortie du nucléaire. À présent dans l'opposition, les chrétiens-démocrates dénoncent néanmoins les conséquences climatiques de cette décision. Leur président Jens Spahn a ainsi accusé les écologistes de "préférer laisser tourner des centrales à charbon plutôt que de viser la neutralité carbone".

"C'est un jour noir pour la protection de l'environnement en Allemagne", avait-il ponctué cette semaine. Les industriels se montrent également critiques face à l'arrêt complet des réacteurs. Ils craignent une hausse des prix de l'énergie et des problèmes d'approvisionnement. Pour le président de la chambre allemande de commerce, Peter Adrian, l'Allemagne doit "tout faire pour élargir l'offre énergétique, et non la limiter". Les experts se veulent cependant rassurants: l'Allemagne ne se retrouvera pas plongée dans l'obscurité ce samedi soir. Le pays devra peut-être néanmoins importer de l'énergie à certains moments critiques, relèvent-ils. L'État pourrait alors se tourner vers la France, qui dispose encore de 56 réacteurs et reste le pays le plus "nucléarisé" par habitant.

 

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