
Comment nos appareils électroniques pourraient nous faire rater notre transition écologique

Nos appareils numériques menacent-ils de nous faire prendre du retard sur nos objectifs climatiques? C'est ce qu'il faudrait craindre à en croire un rapport publié ce lundi en France par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep). Si rien n'est fait, l'Hexagone pourrait par exemple ne pas atteindre la neutralité carbone prévue pour 2050 (et votée au niveau européen afin de rester sous la barre des +1,5°C de l'accord de Paris). Pour cause: l'empreinte carbone du numérique augmentera de 372% en 30 ans, selon le scénario le plus pessimiste. Un constat qui interpelle, la croissance de l'impact environnemental du numérique ne se limitant évidemment pas qu'à nos voisins français. En Belgique, les autorités s'intéressent également de plus en plus à la question.
Une dérive préoccupante avec les habitudes de consommation actuelles
À l'heure actuelle, selon l'Arcep, 3-4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont liées au numérique. Pour savoir ce que cache ce chiffre, les deux institutions françaises ont examiné quels appareils sont responsables de ces rejets de carbone. En 2020, il apparaît ainsi que les équipements les plus polluants sont les smartphones (14,3% du total des appareils ménagés, notamment du fait de leur renouvellement rapide), les télévisions (13,7%, leur consommation électrique augmentant avec la taille de leurs écrans), les ordinateurs portables (12,4%) et les ordinateurs fixes (10%), ces derniers étant plus gourmands en énergie mais moins nombreux que les portables. Ensemble, tous les produits numériques présents dans les foyers représentent 78,4% de l'empreinte carbone totale (du moins en France), le reste (21,6%) étant lié aux datacenters et aux réseaux.
Ça, c'est la situation aujourd'hui. Mais par la suite, l'augmentation de notre appétit pour le numérique pourrait changer la donne, notamment avec les objets connectés. Si ces derniers ne sont pour l'instant responsables que de 5% des émissions de carbone outre-Quiévrain, leur nombre pourrait être multiplié par 43 d'ici 2050, alors que celui des équipements numériques ne serait multiplié "que" par 14 par rapport à 2020. De quoi faire exploser le compteur, autant du fait de la consommation de matériaux que d'énergie.
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En Belgique aussi, le problème inquiète. L'Agence wallonne du Numérique rappelle ainsi via une étude européenne que le nombre de déchets électroniques (DEEE) devrait augmenter de 40% entre 2020 et 2030. Les téléviseurs représentent à eux seuls 21,5% des DEEE. Au total, la fabrication de technologies numériques est déjà responsable de 26,4% de la consommation mondiale de ressources, matériaux et métaux rares, ce qui plombe irrémédiablement son bilan environnemental.
Comment passer d'un bilan carbone de +372% en 2050 à... -45% !
Face à ces chiffres inquiétants, l'Ademe et l'Arcep peuvent aussi se montrer optimistes. Oui, les émissions de carbone du numérique pourraient bien exploser d'ici 2050, mais c'est dans l'hypothèse où "les modes de vie du début du XXIe siècle sont sauvegardés", avec un foisonnement de biens technologiques irraisonné. Ce constat pourrait être sensiblement différent selon d'autres scénarios. En optimisant l'efficacité énergétique et matérielle, les émissions du numérique passeraient de +372% à +183%. Si on y ajoute des principes de sobriété (des institutions publiques, du secteur privé, etc.), tout en gardant les habitudes de consommation de la population en 2020, on tombe à +32%. Enfin, si des changements de comportements très importants sont également constatés (usage sobre des loisirs numériques notamment), les perspectives sont beaucoup plus réjouissantes, avec une baisse des émissions de 45%.
Pour que ce dernier scénario devienne réalité, il faudra toutefois faire des efforts. Le nombre d'objets connectés doit rester stable et les équipements gourmands en ressources doivent être remplacés par d'autres types d'équipements. Il serait par exemple intéressant de remplacer son téléviseur par un vidéoprojecteur. Les ordinateurs fixes seraient tous remplacés par des portables, ces derniers étant moins énergivores et pouvant être partagés au sein du foyer. Enfin, les écrans publicitaires doivent disparaître.
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En Wallonie, dans cette même logique, les autorités insistent pour allonger la durée de vie des appareils électroniques. Ces derniers doivent être éteints lorsqu'ils ne sont pas utilisés (y compris le routeur de la télévision par exemple). L'usage du Cloud doit être limité, ainsi que le streaming et l'envoi de pièces jointes par mail. "Pour atteindre l’objectif des accords de Paris en 2050, le numérique doit prend la part qui lui incombe : un effort collectif impliquant toutes les parties prenantes est donc nécessaire", concluent l'Ademe et l'Arcep.