Nucléaire : faut-il prolonger Tihange 1 ?

C’est la question (éternelle) qui divise (encore et toujours). Faut-il sortir du nucléaire ou le prolonger ? Si les deux camps usent de tous leurs arguments dans le débat, une chose est claire : il est temps de choisir.

Tihange
© BelgaImage

C’est la sortie politique du week-end. Samedi matin, le président de l’Open Vld, Egbert Lachaert s’est prononcé sur la question nucléaire. Pour lui, la loi sur la sortie du nucléaire (dont le texte date de 2003) « doit être complétement remplacée, il faut une nouvelle loi avec de nouveaux délais », demande-t-il. De plus, ce dernier souhaiterait prolonger la durée de vie de la centrale nucléaire de Tihange 1 de dix ans.

A l’heure actuelle, trois partis du gouvernement sont prêts à revoir cette fameuse loi sur la sortie du nucléaire. Et vendredi dernier, le Conseil des ministres évoquait déjà la prolongation de réacteurs supplémentaires pour assurer l'approvisionnement en électricité de la Belgique. Mais pourquoi prolonger le nucléaire en Belgique ?

Des risques de pénurie

Vendredi, Elia, le gestionnaire de réseau haute tension, avertissait le gouvernement de risque de pénurie d’énergie. En cas de pic de consommation, la Belgique pourrait souffrir d'un déficit de 900 MW à 1,2 GW, selon ces derniers.

C’est pour pallier ce risque que le gouvernement se penche sur la possible prolongation du nucléaire en Belgique. Prolonger Tihange 1 permettrait de combler (en partie) ce gouffre et d’éloigner le spectre d’une possible pénurie. En économisant du combustible nucléaire en été, lorsque l'énergie renouvelable est plus abondante, les réacteurs pourraient alors être utilisés pendant deux hivers de plus.

Car ce sont les hivers 2025-26 et 2026-27 qui inquiètent le plus. Ces deux périodes correspondraient à l’arrêt (actuellement programmé) de Doel 2 le premier décembre 2025 et de Doel 1 le 15 février 2025 et de Tihange 1 le 1eroctobre 2025. Dans ce cadre, le gouvernement examine la possibilité de maintenir Doel 1 et 2 ainsi que Tihange 1 en tant que « réserve nucléaire ».

Une pression de plus en plus forte pour prolonger le nucléaire

Avec cette déclaration du président de l’Open Vld, le camp des « pro-nucléaire » s’accroit. Actuellement, trois partis du gouvernement fédéral se disent favorables à la révision du texte régulant la sortie du nucléaire en Belgique : l’Open Vld donc, mais également le MR dont les nombreuses sorties de son président, Georges-Louis Bouchez affichent clairement les intentions.

Mais également le CD&V, dont le président Sammy Mehdi s’est exprimé ce matin, au micro de la Première. Ce dernier a un avis très tranché quant à la sortie du nucléaire : « Non, on aura besoin du nucléaire. Au moment où on a décidé d'en prolonger 2 et potentiellement 5, et que l’on est en train d'investir dans l'innovation pour de nouvelles centrales nucléaires, il faut m'expliquer quelle est l'utilité de de maintenir la loi et de sortir du nucléaire. Et en même temps de prolonger les centrales ? »

Ecolo et Groen à la barre

Pourtant, face à cette pression toujours plus en forte, et à l’heure où la Belgique est l’un des derniers pays européens à entamer sa sortie du nucléaire, les partis écologistes maintiennent le cap. Et appliquent la loi. «La loi ne sera pas modifiée sous ce gouvernement», affirme la Vice-Première Ministre Petra De Sutter (Groen). Cette révision de la loi de sortie du nucléaire n'est pas dans l'accord du gouvernement et ce ne sera donc pas (à moins d’une énième surprise) sous cette législature que la loi passera à la trappe.

Et puis reste la question du budget également, où les travaux pour remettre les centrales aux normes sont pharaoniques. "Les vieilles centrales nucléaires ne peuvent pas continuer à fonctionner éternellement", reconnaît Egbert Lachaert. Il faudrait donc réinvestir pour les prolonger.

La question des déchets nucléaires

Dernier argument en faveur de la sortie du nucléaire : la question des déchets nucléaires et de la gestion de ces derniers. Actuellement, les déchets sont soigneusement étudiés, classifiés, monitorés et stockés sur plusieurs sites en Belgique. Cependant, le stockage des déchets nucléaires n’est clairement pas une solution à long terme.

Afin de minimiser la charge des déchets nucléaires aux générations futures, des solutions à plus long terme sont étudiées. Pour l’instant, la piste privilégiée par l’ONDRAF (Organisme National des Déchets Radioactifs) est l’enfouissement géologique. L’idée est d’enterrer et d’entreposer les déchets radioactifs dans la terre. Cette dernière fait office donc de barrière naturelle et absorbe le rayonnement. Cependant, cette possibilité ne sera rendue possible qu’en 2045. Que faire des déchets nucléaires d’ici là ? Et prolonger le nucléaire ne fait qu’augmenter la quantité de ces derniers.

Une chose est certaines en tout cas, c’est que la question continue d’embraser le monde politique et qu’elle sera très probablement au cœur de la prochaine campagne en vue des élections de 2024.

Sur le même sujet
Plus d'actualité