
La Commission européenne maintient le label vert controversé du gaz et du nucléaire

La Commission européenne a validé mercredi un règlement controversé visant à octroyer, à titre transitoire et sous des conditions qu'elle présente comme très strictes, un label "vert" aux investissements privés dans certaines activités gazières et nucléaires de production d'énergie. Des ONG et plusieurs États membres y voient de l'écoblanchiment,
Cet acte délégué sur la "taxonomie", adopté sans changement majeur par rapport à sa version du 31 décembre soumise à consultation, doit aider à orienter jusqu'à 340 milliards d'euros d'investissements privés par an vers les secteurs les moins polluants, en vue d'aboutir à la neutralité carbone en 2050. Les entreprises de plus de 500 employés devront classer leurs investissements selon ce système, qui ambitionne de devenir la norme de référence à l'échelle planétaire.
Avant d'entrer en vigueur, le texte sera soumis au Parlement européen, qui pourra y objecter à la majorité simple (353 députés au moins), ainsi qu'au Conseil (États membres), qui devra pour ce faire réunir une improbable majorité de 20 capitales. Il ne peut être qu'accepté ou rejeté, sans amendement.
En attendant les énergies renouvelables...
L'équipe Von der Leyen n'a pas pu trouver de consensus sur ce sujet épineux lors du collège de ce mercredi, à Bruxelles. Elle a donc validé le texte, sur base d'un "appui massif", selon Mme McGuinness, qui s'est refusée à dévoiler le vote. Le commissaire européen au budget, l'Autrichien Johannes Hahn, avait prévenu qu'il refuserait le texte.
La Commission fait valoir le pragmatisme: à côté des investissements dans le renouvelable déjà reconnus durables, il convient à ses yeux de favoriser aussi les investissements dans certaines activités gazières et nucléaires, dans la mesure où ces dernières permettront d'assurer l'approvisionnement en énergie le temps que le renouvelable - qui souffre de son caractère intermittent et est trop peu avancé dans certains États membres - prenne le relais. Le règlement prévoit donc des limitations dans le temps et l'obligation de recourir aux meilleures technologies disponibles.
Les conditions strictes évoquées par la Commission assignent aux activités gazières ou nucléaires labellisées l'obligation de contribuer à la transition vers la neutralité climatique; pour les activités nucléaires, de satisfaire à des exigences de sûreté nucléaire et environnementale, notamment concernant les déchets; et pour les activités gazières, de contribuer au délaissement du charbon au profit de sources d'énergie renouvelables.
"Favoriser la transition"
Pour répondre à certaines critiques, l'exécutif européen a renforcé les exigences de publication et de transparence imposées aux entreprises, afin que les investisseurs sachent clairement s'ils s'apprêtent à soutenir des activités gazières et nucléaires, et dans quelle mesure. "Il n'y a pas d'écoblanchiment (greenwashing), puisque tout est transparent. Ni le gaz ni le nucléaire ne peuvent être considérés comme verts, mais ils font partie d'une catégorie qui peut favoriser la transition", se défend la Commission.
La France, qui promeut l'atome, a fortement soutenu ce texte, tout comme plusieurs autres pays (Tchéquie, Hongrie, Finlande). Mais des pays comme le Luxembourg et l'Autriche, traditionnellement opposés au nucléaire en raison du danger d'accident et des déchets qu'il génère, ont d'ores et déjà menacé de combattre le texte en justice. Avec le Danemark et les Pays-Bas, ils contestent aussi l'inclusion du gaz.
L'Allemagne est plus ambiguë: opposée au nucléaire, elle mise sur de nouvelles centrales au gaz pour sortir du charbon. Quant à la Belgique, qui n'a pas encore tranché définitivement la question de sa sortie du nucléaire en 2025 et mise elle aussi sur le gaz à titre transitoire, elle attendait le texte final de la Commission pour prendre position.