Les 8 nouvelles habitudes de consommation des Belges

Après la baisse du pouvoir d'achat, les consommateurs adoptent de nouveaux comportements qui risquent de bouleverser notre consommation dans le futur.

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Le consommateur se tourne de plus en plus vers le (hard) discount et les produits blancs. © Adobe Stock

Par le passé, il fallait des décennies pour changer les comportements des consommateurs. Cette fois, il n’a fallu que quelques mois. Nos habitudes d’achat ont été totalement perturbées par la crise sanitaire et ne sont pas revenues “à la normale”. La crise du pouvoir d’achat est ensuite passée par là. “Du jamais-vu en si peu de temps”, pose Pierre-Alexandre Billiet, économiste chargé de cours à la Solvay Business School et CEO de Gondola. Et de quoi, déjà, nous inspirer pas moins de huit nouvelles habitudes de consommation.

1. On privilégie le moins cher

Le consommateur se tourne de plus en plus vers le discount (type Colruyt) ou le hard discount (type Aldi ou Lidl). Les marques des distributeurs (comme Boni, Le petit lion…) cartonnent. Celles-ci ont gagné 1 % de parts de marché en un an. Delhaize avec ses petits lions l’a bien compris. Pourtant, c’était loin d’être gagné. “C’était même un couteau à double tranchant parce que les distributeurs ne gagnent pas ou très peu sur ces produits qui étaient réputés bas de gamme. L'ex-CEO d'Aldi, Dieter Brandes, s'est lui-même inquiété à une époque concernant certains produits qu'il considérait comme de la merde industrielle et qu'il ne souhaitait pas vendre. Mais ces dernières années les produits blancs ont évolué en qualité, explique Pierre-Alexandre Billiet. Le consommateur comprend aujourd’hui que c’est correct. Les marques des distributeurs n’ont pas l’aura d’une référence connue mais dans un contexte de pression sur le pouvoir d’achat, ils font l’affaire. Les gens achètent donc du pas cher en petite quantité.”

Le panier idéal, c’est désormais un mixte entre des produits industriels et de marque. Sur des produits comme l’eau ou le beurre, par exemple, les marques ont du mal à se différencier. Côte vêtements, c’est pareil. On achète du vraiment pas cher et du seconde main ou alors du luxe et du très haut de gamme. “Le secteur était mal positionné pour répondre à cette évolution. Le résultat ce sont des marques comme Kookaï ou Burton qui ferment. Le moyen de gamme n’a plus de public”, relève Pierre-Nicolas Schwab, fondateur de l’institut d’études IntoTheMinds. Et puis, tant qu’à faire pour l’alimentaire, on passe la frontière pour réduire sa facture. Cette démarche en expansion concerne déjà un Belge sur huit. Certains jours, des supermarchés français vont jusqu’à organiser des promotions spéciales pour les Belges.

2. On mise sur les promos directes

Dans le même temps, nous sommes devenus très sensibles aux promotions, interdites à un moment pendant la crise sanitaire. Ce sont les promotions de masse, plutôt que celles qui sont individualisées qui marchent le mieux. “Les consommateurs ont en tête que les promotions individualisées sont faites pour qu’ils achètent plus. Avant, les promotions fun et de toutes sortes fleurissaient et le consommateur était perdu. Aujourd’hui, les consommateurs veulent une promo simple, efficace, rapide”, décrypte Pierre-Alexandre Billiet.

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3. On fait les courses plusieurs fois par semaine

Pour faire baisser la facture, on a tendance à acheter en petites quantités et en plusieurs fois. On préférera désormais le petit paquet de chips au maxi familial. Pendant le Covid, c’était l’inverse. Les gens stockaient. Les grosses courses hebdomadaires, avec le caddy qui déborde, n’ont plus la cote. Aujourd’hui, on achète en fonction du pouvoir d’achat. On retourne plus souvent en magasin. Le panier moyen diminue et le nombre de visites augmente. Alors que les consommateurs allaient de moins en moins en magasin jusqu’il y a un an, ils y vont désormais au contraire de plus en plus souvent parce qu’ils achètent moins à la fois afin de garder du cash disponible.

4. On a de moins en moins de choix

Des produits disparaissent. Faites le test: cela commence à se voir dans les rayons. Les assortiments dans les supermarchés ont diminué en quelques mois de 25 % et dans les commerces de proximité de 10 %. “Les magasins gagnent pour le moment deux fois moins qu’avant. Les distributeurs classiques doivent réduire leurs coûts fixes et dans ce but ils procèdent à du déférencement. Ça coûte cher d’offrir du choix. Moins on a de références à gérer, moins on a de coûts fixes”, relève Pierre-Nicolas Schwab. Les marques réduisent leurs assortiments, comme Danone qui ne propose plus les yaourts Sveltesse.

À côté de cela, on assiste au phénomène de la “réduflation”. Des paquets d’un kilo passent à 900 grammes sans réduction de prix. Mais ces petits jeux de dupes ne sont pas anodins et les consommateurs ne sont pas des pigeons. “Les consommateurs ont des habitudes par rapport aux marques qu’ils aiment et achètent systématiquement. Si cette marque disparaît, le client peut très bien changer d’enseigne du jour au lendemain”, signale Pierre-Nicolas Schwab. Et puis, dans le même ordre d’idées qui consiste à réduire les coûts, des magasins réduisent leurs jours d’ouverture. Chauffer sa surface commerciale s’il y a peu de clients, ce n’est plus gagnant. Ainsi la librairie Filigranes à Bruxelles, qui était ouverte 365 jours par an, n’ouvre plus le lundi.

5. On boude les produits bio

Les supermarchés classiques proposent un quart de produits bio en moins désormais. Les producteurs de bio prennent une claque. “Le lait bio a dû être déclassé en lait normal pour pouvoir être vendu, par exemple. La demande en bio s’effondre alors qu’il y a de plus en plus d’offres de produits. C’est une vraie catastrophe”, rapporte Pierre-Nicolas Schwab. C’est bien ce que confirme Pierre-Alexandre Billiet. “Pendant le Covid, il y avait de plus en plus de produits locaux et bio. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Les marques coupent dans le nombre de produits référencés et ce sont les produits locaux qui en souffrent en premier.” Même Bio-Planet (groupe Colruyt) est à la peine.

 

L’investissement dans la cause climatique n’a pas disparu mais l’urgence c’est le coût. Or le problème, c’est que les gens pensent que le bio est plus cher même si quand on gratte c’est surtout ceux qui n’en achètent pas qui en sont convaincus. “Pendant la crise sanitaire, les gens ont acheté du bio parce qu’ils n’avaient rien d’autre à mettre dans leur frigo. La grande conversion de la population au bio observée en 2020 était un effet d’optique. Les gens ne dépensant plus pour leurs loisirs ont eu plus de moyens alors que des magasins étaient fermés”, analyse Pierre-Nicolas Schwab. Toujours est-il que l’écomachine s’est enrayée. “On était partis en une décennie sur une tendance bio qui devait être durable. Tous ces investissements risquent d’être perdus sans incitants du gouvernement à manger mieux”, déplore Nicolas Lambert, expert en consommation durable.

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© Kanar

6. On ne se rue plus dans les centres commerciaux

Les centres commerciaux, qui ont subi le confinement de plein fouet, voient leur fréquentation augmenter de 18 % en 2022. “Mais c’est toujours moin 11 % par rapport à 2019 avant le Covid”, souligne Pierre-Nicolas Schwab. Le secteur a beau jouer la carte de la méthode Coué en clamant que si les fréquentations sont moindres, les gens dépensent plus, on peut en douter. “Les centres commerciaux essaient de remonter mais l’état d’esprit de la société n’est plus au tout à la voiture, tout à la consommation. La clientèle vieillit. Les jeunes n’entrent plus dans le modèle qui consiste à acheter un maximum. Les valeurs changent”, signale Jean-Luc Calonger, président de l’Association de management de centre-ville (AMCV). Les retails parks (bâtiments commerciaux séparés les uns des autres) ont mieux résisté que les centres commerciaux (enseignes réunies sous un même toit). “Les loyers sont plus élevés dans les centres commerciaux. Beaucoup d’enseignes comme H&M ou C&A envisagent d’ailleurs de se déplacer dans les retails parks.”

7. On s’offre moins d’extras pour le plaisir

Les dépenses contraintes (loyers, frais médicaux, énergie…) ont fortement augmenté et elles comprennent désormais l’alimentaire alors que ce n’était pas le cas avant, comme l’explique Jean-Luc Calonger. Ce qui reste et sur lequel le consommateur peut arbitrer a été réduit alors que vêtements, chaussures ou équipement de la maison ne représentaient déjà qu’entre 7 et 9 % du budget d’un ménage. Résultat: la vente de chaussures, de vêtements, de cadeaux et de jouets est en perte de vitesse. Seuls les secteurs de la santé et de la beauté ainsi que l’équipement de la maison tirent leur épingle du jeu depuis la crise sanitaire. Mais rien ne dit que ce besoin post-Covid de bien-être et de cocooning qui pousse à investir dans son habitat va perdurer encore longtemps.

8. On évite les frais de livraison

S’il continue à augmenter en France, la poussée du e-commerce constatée en Belgique pendant la crise sanitaire - confinement oblige - retombe. L’e-commerce n’a pas remplacé la moindre vente dans les magasins. C’est bel et bien le budget des ménages qui a rétréci. Entre octobre 2021 et octobre 2022, le cumul des ventes en magasin et en ligne a ainsi enregistré une diminution de 1,1 % de chiffre d’affaires alors que l’inflation a grimpé en flèche. “Le Covid a accéléré les achats en ligne alors qu’avant le Covid, 90 % des achats en termes de valeurs étaient toujours faits en magasin physique. Mais je ne vois pas ce phénomène aller plus loin, en tout cas pour l’alimentaire. La livraison à domicile et les drives entraînent des frais importants, donc ils ne vont pas se développer.” Delhaize vient de le comprendre. Pour réparer son image un peu rognée par les mouvements syndicaux, la chaîne offre pour le moment les frais de livraison.

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