
Ecologie : les crises influencent-elles nos comportements écoresponsables ?

Le réchauffement climatique préoccupe de plus en plus de consommateurs. Au cours des dernières années, ils sont nombreux à avoir modifié leurs comportements et adopté des gestes écoresponsables, en privilégiant par exemple des produits issus de l’économie circulaire.
Cependant, la multiplication des crises (guerre en Ukraine, crise de l’énergie, crise du coût de la vie, pandémies) perturbe ces nouvelles habitudes, et peut même générer des comportements opposés. Cette problématique a fait l’objet d’un ouvrage intitulé « La consommation sous contrainte », signé Dominique Desjeux, anthropologue et sociologue français, et Philippe Moati, professeur d’économie à l’université de Paris.
Les crises économiques, sanitaires et géopolitiques deviennent sources d’inquiétude pour de nombreux consommateurs, et pourraient supplanter la crise climatique et écologique : « Ce détrônement pourrait s’expliquer par la différence de temporalité et de proximité de ces différents dangers. Les crises économiques et les guerres sont des évènements brutaux, avec des effets immédiats, alors que la crise climatique s’inscrit dans un temps long », affirme Adeline Ochs, professeure au département marketing à l’Audencia Business School, en se basant sur le contenu du livre cité ci-dessus.
En effet, les individus ont tendance à prioriser les événements qui sont plus proches d’eux dans le temps et dans l’espace : « Et ce phénomène s’accentue lorsque l’avenir est perçu comme incertain. La perte de confiance dans l’avenir, associé au caractère immédiat et subi des crises, contribuent ainsi à une ‘dé-priorisation’ de la crise climatique, venant interférer avec les comportements de consommation », ajoute-t-elle dans The Conversation.
Coût de la vie
La crise du coût de la vie peut encourager certains consommateurs à se tourner vers une consommation plus durable, en privilégiant une forme de sobriété par exemple. C’est-à-dire qu’ils vont consommer moins, pour dépenser moins. D’autres vont, quant à eux, privilégier des alternatives moins coûteuses, comme les achats d’occasion, le partage, la location, ou encore la réparation plutôt que l’achat.
Cependant, les consommateurs peuvent aussi renoncer à l’achat de produits durables et écologiques, jugés trop chers, au profit de produits premiers prix : « Le coût des produits reste l’un des principaux freins déclarés pour consommer de manière plus responsable, il y a fort à parier que cette dimension soit exacerbée par la crise économique ».
🡢 À lire aussi : Climat : 3 mythes sur le changement climatique
Recentrage sur sa personne
Les crises actuelles génèrent de nombreuses émotions négatives, telles que la peur, l’inquiétude, la tristesse, le désespoir, ou encore la colère. Dans ce contexte, les individus ont tendance à se « recentrer » sur eux-mêmes et à faire preuve d’un « égocentrisme plus élevé ». Les petits gestes écolo comme le tri des déchets, ou la consommation durable, peut alors passer au second plan : « Car ils demandent un effort et ne répondent pas à un bénéfice immédiat d’autoprotection », analyse la professeure.
Toutefois, la crise du coronavirus a accentué la sensibilité des consommateurs à certaines problématiques liées à leur santé. La crise sanitaire pourrait donc favoriser à long terme une consommation de meilleure qualité et plus locale. Ce phénomène répond au mouvement « du repli sur soi, sur son environnement, gage de réassurance et de confiance ».
Consommation et plaisir
A contrario, le contexte actuel peut nous pousser à privilégier l’instant présent, le plaisir immédiat, au détriment des choix réfléchis à long terme. Ce qui est pourtant nécessaire pour adopter des comportements écoresponsables. La consommation, ou la surconsommation, nous aide en quelque sorte à soulager un mal-être, et stimule un sentiment de joie sur le court-terme.
Pour l’auteur, il est important de valoriser les bénéfices des produits écoresponsables, que cela se fasse par des lois, ou des leviers psychologiques et sociologiques. Elle soulève également l’importance du mouvement collectif en citant la campagne de Back Market (« Économisez de l’argent. Et même de l’or, du pétrole, du cobalt. Acheter un smartphone conditionné plutôt que du neuf permet de réduire de 91 % l’extraction des matières premières nécessaires à sa production ») qui associe bénéfices individuels et environnementaux.
🡢 À lire aussi : Comment notre consommation de viande a-t-elle évolué ?
« De la même manière, Vinted et Yuka ont réussi à rendre extrêmement simples et efficaces les achats des produits d’occasion ou ceux meilleurs pour sa santé. Inscrire la consommation écoresponsable dans un mouvement collectif, par un système d’influences sociales, avec un imaginaire et des récits aspirationnels et désirables pourrait aussi contribuer à faire évoluer les normes et des modèles », conclut-elle.