Les banques bientôt obligées de remonter leurs taux d’épargne ?

Le secteur financier n’entend pas relever les taux d’intérêt sur les comptes d’épargne réglementés. Cédera-t-il à la pression politique ?

© Adobe Stock

«Il n'est pas normal que les taux d'intérêt appliqués aux emprunts soient beaucoup plus élevés que les taux d'intérêt que les épargnants perçoivent sur leurs comptes», jugeait la semaine passé, Melissa Depraetere, chef de groupe Voortuit (socialistes flamands) à la Chambre. C’est un constat que peuvent faire les Belges depuis quelques mois : le coût de l’argent est en hausse, tandis que ce qu’il rapporte, via l’épargne, ne progresse pas, ou très peu.

Les taux d’intérêt appliqués aux emprunts, comme les crédits hypothécaires, remontent ; d’après les chiffres de la Banque centrale européenne (BCE), le taux d’intérêt moyen sur les comptes d'épargne réglementés proposé par les banques belges s’élevait lui à 0,35% en février 2023. Soit à peine plus haut que le taux plancher de 0,11%, garanti par la loi en Belgique.

Ces intérêts en rase-motte ne couvrent même pas l’inflation. Ainsi, le pouvoir d’achat d’un dépôt sur un livret d’épargne est progressivement rongé par la hausse des prix.

Dans le même temps, les banques bénéficient elles de conditions beaucoup plus avantageuses lorsqu’elles placent leur argent auprès de l’institution européenne ; la BCE leur accorde en effet du 3% pour la facilité de dépôt, depuis la fin mars. Grâce à cette différence, les banques font grimper leurs marges.

 

 

Un manque de concurrence?

Le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V) a récemment écrit une lettre à la fédération bancaire Febelfin, faisant état d’une pression sociale accrue en faveur d’une augmentation des taux appliqués aux comptes d’épargne, et mettant en demeure le secteur. Mais pour Vooruit, ce n’est pas suffisant. Les socialistes flamands font pression pour que le ministre oblige le secteur bancaire à augmenter ses taux d’épargne.

«Appuyant» la démarche de Vincent Van Peteghem, la secrétaire d’Etat au Budget et à la protection des consommateurs Alexia Bertrand (Open VLD) plaide pour  «augmenter la concurrence » s’exerçant sur les banques belges, via le compte e-DEPO, afin de forcer ces dernières à remonter leurs taux d’intérêt sur l’épargne.

Ce compte e-DEPO offre une rémunération nettement plus élevée que les livrets d’épargne «classique». Jusqu’il y a quelques semaines, le taux d’application était celui des obligations d’Etat (Olo) à un an, pour autant que l’argent soit placé pendant un an minimum). Un taux pour l’instant plafonné à 2,5% alors que l’Olo belge rapporte aujourd’hui 3%. La secrétaire d’Etat considère que obliger les banques à relever leur taux d’intérêt minimum (pour rappel, fixé à 0,11%) est une «arme ultime» à dégainer en dernier ressort.

 

 

De la marge pour augmenter les intérêts sur l'épargne

Du côté du secteur bancaire, on met justement en avant ce taux d’intérêt plancher, qui bien que minime, a dû être maintenu, alors que les banques devaient placer leurs liquidités excédentaires à des taux d’intérêt longtemps restés négatifs auprès de la BCE. «Les épargnants belges n’ont donc jamais connu de taux d’intérêt nuls ou négatifs sur leurs comptes d’épargne réglementés, contrairement à de nombreux autres épargnants européens», a notamment avancé Febelfin dans un communiqué.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management (Paris, Lille), les banques tardent à répercuter la hausse des taux directeurs sur les épargnants. «La différence entre le taux d’épargne que les banques versent à leurs clients et le taux d’intérêt qu’elles obtiennent de la BCE pour leurs liquidités excédentaires n’a jamais été aussi grande».

Selon lui, la BCE versera au moins 6 à 7 milliards d’euros aux banques commerciales belges cette année ; de quoi augmenter les taux d’épargne sans trop entamer leur rentabilité.

 

 

Dans un post publié sur Linkedin, l’économiste Bruno Colmant pointait toutefois un effet potentiellement contre-productif d’une hausse des taux d’épargne : «si les dépôts bancaires sont mieux rémunérés, le coût des crédits bancaires, y compris ceux donnés à l'Etat, va augmenter», avançait-il.

Débat
Sur le même sujet
Plus d'actualité