Vaste opération contre la mafia ‘Ndrangheta : quelle est la suite des événements ?

Pour le juge Michel Claise, des membres présumés de la ‘Ndrangheta arrêtés en Belgique pourraient se repentir.

Michel Claise
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On sait déjà que sept des treize personnes interpellées dans la province du Limbourg sont concernées par un mandat d’arrêt européen délivré par l’Italie. “Elles ont comparu jeudi devant le juge d’instruction. La procédure de transfert est désormais enclenchée. Elle sera examinée le 16 mai par la chambre du conseil de Tongres, a précisé le parquet fédéral. Parmi les six autres personnes interpellées mercredi, cinq ont comparu devant le juge d’instruction. Deux sont incarcérées sous les modalités du bracelet électronique, deux autres ont été libérées sous conditions et une a été placée sous mandat d’arrêt.” Dans le cadre d’une autre affaire similaire, trois personnes avaient déjà été placées sous mandat d’arrêt. Leur dossier est désormais joint au dossier “Eureka” qui concerne la mafia ‘Ndrangheta. Le juge d’instruction Michel Claise, habitué des affaires de corruptions internationales, nous éclaire sur la suite des événements.

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Quelle est, selon vous, la suite des événements?
Michel Claise - La chambre du conseil de Tongres rendra sa décision dans une semaine au sujet du transfèrement vers l’Italie des sept personnes interpellées. On imagine mal qu’elle s’oppose à ce transfert. En attendant ces sept personnes sont détenues, chez nous, sous haute surveillance. J’imagine que le transport vers la justice transalpine - s’il a lieu, mais c’est fort probable - sera l’objet de mesures de sécurité extraordinaires. Ce qu’on vit là, c’est un vrai film!

Dans le dossier “Eureka”, il restera, en Belgique deux personnes sous bracelet électronique et quatre personnes détenues, que va-t-il se passer pour elles?
L’instruction suivra son cours, pendant certainement plusieurs mois voire un an. Enfin, le temps qu’il faudra, mais étant donné l’ampleur de l’enquête - cinq ans -, on imagine que le dossier est déjà bien avancé, bien construit. Et donc, que l’instruction sera relativement rapide.

Pourrait-on imaginer que l’un d’entre eux puisse obtenir un statut de “repenti”?
C’est tout à fait possible. Encore faut-il que l’un d’entre eux le demande. Et que le juge accepte. Le dossier ne requiert peut-être pas d’informations supplémentaires et les charges sont possiblement suffisantes pour que le juge décide de poursuivre et de punir. Se poseraient des problèmes de sécurité: on sait que certains magistrats et policiers sont corrompus. On sait également que c’est le cas également de certains gardiens de prison. Un “repenti” serait, sans nul doute, l’objet d’un contrat émis sur sa tête…

Est-ce qu’un “grand procès” en Belgique de la mafia calabraise serait possible?
Il me semblerait même souhaitable. Cela donnerait un signal fort aux réseaux criminels que les autorités belges sont prêtes à se battre. Cela obligerait certains bandits de grand chemin à ne plus considérer la Belgique comme un paillasson où sont frottées leurs chaussures souillées du sang des autres…

Coup de filet contre la ‘Ndrangheta

Dans huit pays européens, 147 membres présumés de la mafia calabraise - dont treize en Belgique - ont été arrêtés à la suite d’une enquête ouverte par le parquet du Limbourg.

La ‘Ndrangheta est, avec un chiffre d’affaires annuel estimé à 100 milliards d’euros, le clan mafieux le plus puissant du monde. Ce qui s’est passé notamment dans le Limbourg ce 3 mai lui a porté un coup sévère. Après cinq années d’enquêtes dont une réalisée avec un agent infiltré travaillant undercover (il s’était lié d’amitié avec un membre haut placé de la ‘Ndrangheta), treize chefs de file limbourgeois de la mafia calabraise ont été arrêtés. Selon les enquêteurs, cette cellule limbourgeoise était chargée de collecter l’argent des commandes de drogue en Amérique du Sud, de contacter les clans mafieux sud-américains, de faire transiter la drogue, de faire appel à des sous-traitants au port d’Anvers pour récupérer la drogue et de l’acheminer aux quatre coins de l’Europe à partir du Limbourg. Ils ont également organisé le blanchiment de l’argent de la drogue par l’intermédiaire de l’industrie hôtelière italo- limbourgeoise.

La ‘Ndrangheta n’a peut-être pas été décapitée lors de l’opération du 3 mai, mais l’importante tentacule limbourgeoise a été coupée par la plus grande enquête jamais menée sur ce clan mafieux. Dans sept autres pays d’Europe, 134 personnes ont été arrêtées par au moins 4.000 policiers et soldats.

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