
Adopter un chien de Roumanie pour le sauver d'un terrible sort : ces Belges l'ont fait

“On voulait un petit chien sympa. Mais dans les refuges, rien ne nous correspondait. On s’est renseignés pour ne pas tomber sur des trafics.” Un jour, en ligne, Dorothée a vu une photo qu’elle trouvait “trop mignonne”. Elle a postulé en vue d’une adoption. Elle a rempli un formulaire dans lequel elle s’engageait à prendre soin de l’animal. Une des bénévoles belges du refuge Alina et Anda lui a téléphoné. Elle a voulu des photos du jardin, dont la barrière s’est révélée trop peu haute. Et puis, la mécanique s’est mise en place. L’ASBL roumaine effectue un rapatriement de quarante chiens toutes les six semaines et toutes les démarches initiales se déroulent sur Facebook. Une fois les chiens arrivés, une bénévole belge comportementaliste encadre les candidats à l’adoption. Pipsi (ce qui veut dire “légèrement éméché”), sept mois, est arrivé chez Dorothée. “Au début, il montait sur la table mais il a vite compris. On a payé 310 euros pour un chien vacciné, vermifugé, castré avec un passeport. Notre vétérinaire nous a dit que c’était bien fait.”
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Les Belges sensibles à la cause animale en Roumanie sont assez nombreux. Là-bas, sous Ceausescu, les chiens errants ont proliféré en ville. Après un fait divers sordide où un enfant est mort à cause d’un chien, le gouvernement a décidé d’organiser des ramassages musclés (par des “catcheurs”) des chiens errants avant de les euthanasier en masse. Des associations se mobilisent depuis lors en Roumanie pour les faire adopter, notamment en Belgique. Cela donne de belles histoires.
Micheline, après avoir adopté un chien qui était attaché jour et nuit à un poteau - une opération compliquée car l’animal n’avait pas été éduqué petit -, s’est tournée vers l’ASBL Nous pour eux. Lila, une petite chienne de 10 ans, est arrivée. “Elle est absolument reconnaissante parce qu’elle avait été traitée comme un déchet dans la rue. Au début, elle faisait pipi sur le tapis. Maintenant plus.” Peu de personnes adoptent les chiens plus âgés. C’est donc un engagement qui demande encore plus de cœur. “Elle est d’autant plus attachée à nous. Là-bas, elle a été tabassée. Elle a fait 25.000 kilomètres dans un camion pour parvenir jusque chez nous.”
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L’épreuve d’une vie
Marie-Christine a eu pendant 17 ans des chiens de race avant d’en adopter tour à tour trois qui venaient de Roumanie: Moka, Love et Ulysse. La première fois, elle a vu sur le site chienchat.be la tête d’un canidé tellement triste qu’elle l’a recueilli. “Ils ne sont même pas très beaux. Mais je n’ai eu que du bonheur, se félicite-t-elle. J’avais aussi adopté chez l’ASBL Sans collier mais le sort des chiens en Roumanie est tellement terrible que j’ai décidé de m’engager. J’ai eu un chien qui avait été torturé. Il s’est très bien adapté alors que le chien belge que j’avais adopté ne pensait qu’à fuguer. Il n’y a pas de règle générale.”

© Kanar
Elle reconnaît que certains vétérinaires ne sont pas toujours enthousiastes face aux chiens roumains qui peuvent ramener en Belgique des maladies qu’on avait plus vues depuis des années. Et pour un premier chien, Marie-Christine ne conseillerait pas un roumain. Très souvent, ils sont adultes, car les chiots partent très vite et il faut refaire toute leur éducation. “Je fais du sauvetage de chiens qui ont un vécu. Il faut plus de patience et de savoir-faire. J’ai mis quatre ans avant de pouvoir prendre Ulysse dans mes bras. Moka est génial, je pourrais faire le tour du monde avec.”
Souvenirs terribles, mais pas indélébiles
Pour Julie Willems, spécialiste du comportement des animaux, il est même plus facile de travailler sur les expériences négatives vécues par ces chiens étrangers que pour ceux (nombreux pendant le Covid) qui n’ont pas reçu de socialisation en étant chiot chez nous. “Pour les chiens qui ont vu leur maman se faire catcher, c’est un souvenir terrible en plus du fait qu’ils ont été séparés trop tôt. Les chiens qui ont été catchés eux-mêmes sont touchés dans leur chair. Mais on peut remédier à ça.” Quand on adopte un chien d’un refuge, en Belgique comme en Roumanie, ce n’est pas forcément un problème - même si ça peut l’être. “Ce sont avant tout chez nous des chiens qui sont tombés sur un mauvais maître qui les a abandonnés. D’autres l’ont été parce qu’ils avaient des problèmes liés au fait qu’ils n’allaient pas se promener et perdaient leur propreté à force d’être enfermés.”
Sébastien de Jonge, directeur de refuge et vice-président de l’Union wallonne pour la protection animale dit n’avoir rien contre le fait de sauver un chien roumain plutôt qu’un wallon. Mais il justifie avec conviction le haut niveau d’exigence de nos refuges. “De notre côté, on trouve trop de gens un peu pressés avec des exigences comme avoir des chiens de moins de 10 kilos capables de rester seul. Au niveau des conditions d’adoption, les refuges en Belgique sont effectivement de plus en plus professionnels. Moi, je refuse des adoptions tous les jours parce que le job d’un refuge, c’est de réussir l’adoption. Par exemple, on refuse les personnes qui veulent enfermer leur chien dans un chenil. On exige un foyer parce que la protection animale est prioritaire.”
Alors? Adopter un chien de refuge c’est en fait moins de travail qu’un chiot né dans un élevage, dont il faudra faire toute l’éducation. “Les chiots sont dissipés, avec une période inévitable d’exploration buccale où ils mordillent tout ce qu’ils trouvent, rappelle Julie Willems. Un chien adopté, lui, a tellement envie de plaire à son nouveau maître que ça va très vite. Quant au chien venu de Roumanie, j’ai parfois un peu plus de problèmes mais en deux ou trois séances, c’est réglé.”
À lire
Le guide incontournable. On y trouve tous les conseils pour accueillir son nouveau compagnon, préparer sa maison, le présenter à son entourage ainsi que des méthodes d’éducation pour établir la complicité, des recommandations en matière d’alimentation et de soins. Et même un répertoire de races canines pour comprendre les traits caractéristiques des différentes races de chiens.
Adopter un chien en refuge, Larousse, 176 p.