Delhaize : les grévistes sont-ils toujours aussi motivés ? "Physiquement et moralement c’est très difficile"

Cela fait plus d'un mois que la direction de Delhaize a annoncé la franchisation de 128 de leurs magasins. Ni une ni deux, les employés concernés ont décidé de se mettre en grève. Mais est-ce que leur motivation du début est intacte ? Nous les avons rencontrés.

Delhaize grévistes ©Léna Gheys (st.)
Delhaize grévistes ©Léna Gheys (st.)

Ce matin du jeudi 13 avril, quelques travailleurs se retrouvent, comme tous les jours depuis un mois et une semaine devant le magasin Delhaize de Marcinelle dans la région de Charleroi. Le supermarché est ouvert et, depuis le début de la grève, un garde reste planté devant la porte automatique les empêchant d’entrer. Seuls quelques clients sont venus faire leurs courses. Malgré cela, les allées restent bien vides avec seulement six employés fidèle au poste. De leur côté, le personnel qui a décidé de faire grève se regroupe dans le parking en parlant de leur ressenti et de la suite du mouvement.

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Fabian Chiarello délégué SETCa du magasin est mobilisé depuis le début de la grève : « Physiquement et moralement c’est très difficile. En plus, maintenant, Delhaize met la pression en envoyant les huissiers avec la police pour rouvrir le magasin. Le lendemain on va refaire le piquet et ainsi de suite et on verra. » Malgré la fatigue et des jours entiers sous la pluie, ses collègues et lui continuent de venir bloquer l’entrée.

Il raconte leurs motivations : « En fait, on fait grève parce que Delhaize fait une restructuration cachée en disant qu’ils vont franchiser leurs magasins. C’est tout simplement nous revendre parce qu’un franchisé ne va jamais nous garder. Par exemple au Delhaize de Marcinelle, on est 80 personnes. Un franchisé ne travaillera jamais avec 80 CDI. En moyenne pour une superficie comme ici de 2500 mètre carré, il va travailler avec 20 ou 25 CDI et le reste ce sont des contrats d’apprentissage et des étudiants. Tout ce qu’on demande, c’est la Loi Renault. Qu’on puisse partir décemment avec un préavis, qu’on puisse choisir. »

 

Delhaize | Delhaize ©BelgaImage

Delhaize  ©BelgaImage

« On n’est pas de la marchandise »

Devant une voiture, un groupe de femmes de tous âges discute. L’une d’entre elle travaille chez Delhaize depuis 30 ans, elle se sent trahie par la direction : « Ils vendent le magasin avec le personnel, on n’est pas de la marchandise. ». Un sentiment partagé par ses collègues qui ont l’impression d’être mises en rayon en attendant qu’on les achète. Une d’entre elle rajoute : « on refile la responsabilité de virer les gens aux franchisés pour que Delhaize ne passe pas pour le méchant de l’histoire. »

Au début de la contestation l’ambiance restait calme et bon enfant mais depuis quelques temps la direction prend des mesures de plus en plus fortes contre les grévistes. Des huissiers sont venus leur rendre visite en leur interdisant de manifester sur le parking du magasin sous peine d’amendes. Ils sont donc obligés de se réunir sur le parking juste à côté.  D’autres décisions ne plaisent pas à Fabian Chiarello : « Ils ont été de plus en plus loin, ils nous empêchent aussi d’aller aux toilettes alors que c’est un droit. C’est comme si on ne faisait plus partie du personnel. On ne peut plus rentrer dans le magasin parce qu’on est gréviste, plus de toilettes, plus de sas d’entrée, plus rien. Mais ils sont hors la loi, d’ailleurs les partenaires sociaux fédéraux ont déposés une plainte au tribunal. A l’heure actuelle je n’en sais pas plus. »

Un manque de confiance flagrant s’installe entre les représentants des syndicats et la direction, la situation reste bloquée d’après lui : « Comme je suis membre du Conseil d’Entreprise effectif, j’ai pu parler à la haute direction belge. Le problème c’est que ce sont des robots. Ils répondent à travers Ahold Delhaize, les hollandais. Ils répètent inlassablement la même chose. » 

Delhaize

© BelgaImage

Le soutien des clients

Les clients présents aujourd’hui ne font pas plaisir au personnel en grève. Ils décrivent un sentiment de « rage » ou encore de « dégoût » en voyant des personnes venir acheter parfois que deux simples paquets de chips. Une employée raconte qu’une femme en sortant du magasin leur a fait signe « comme pour nous narguer ». Finalement, ils ne peuvent empêcher personne de venir faire des achats mais ils espèrent tout de même que le chiffre d’affaires de Delhaize diminue drastiquement.

Même si quelques personnes sont venues les soutenir en leur donnant des denrées alimentaires ou qu’ils voient sur les réseaux sociaux que la population les supportent, ils n’oublient pas qu’il y a une certaine défiance dans l’opinion publique.

Toujours dans la bataille

La guerre n’est pas finie. C’est ce que veulent faire comprendre les grévistes du Delhaize de Marcinelle. Fabian Chiarello ne perd pas espoir : « Les moments marquants ce sont les victoires. Ici on est en train de perdre quelques batailles mais on en a gagné aussi. La dernière en date c’est vendredi et samedi, la veille du week-end de Pâques. Il faut savoir que dans le commerce alimentaire c’est le deuxième plus gros week-end après Noël. Malgré les huissiers, on a joué aux chats et à la souris et on a réussi à bloquer le magasin jusqu’au bout. Ils n’ont jamais su ouvrir, ni le vendredi, ni le samedi. Ça c’est une belle bataille de gagnée. »

Pour finir, tous les employés manifestant sur ce parking sont d’accord de continuer à se battre et d’aller jusqu’au finish. Ils ne veulent rien lâcher car, de toute façon, ils n’ont plus rien à perdre.

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