
Permettre l’avortement jusqu’à 18 semaines ? L’extension de la loi sur l’IVG à nouveau au menu de la Chambre

Deux ans après, le dossier IVG sort enfin du placard. Rappelez-vous, en septembre 2020, il y avait une majorité à la Chambre, pour modifier la loi de 1990 sur l’avortement. Mais l’aile chrétienne-démocrate de ce qui allait devenir la Vivaldi n’en voulait pas. Le CD&V prévenait même : pas question de monter au gouvernement, si la loi était modifiée.
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Pour sortir de l’impasse, les partenaires vivaldiens ont fini par dégainer une solution bien de chez nous : geler le débat, en attendant les recommandations d’un comité d’experts créé pour l’occasion. Celui-ci a rendu son rapport il y a quelques semaines. Mardi, ce comité scientifique- incluant des experts de sept universités du pays, des gynécologues, des praticiens de première ligne, des sociologues, etc.- doit présenter aux députés fédéraux ledit rapport.
Ses principales conclusions sont déjà connues : la loi de 1990 (dont certaines contraintes et procédures ont été levées en 2018), ne correspond plus «ni à l’état d’esprit de la société d’aujourd’hui, ni à la place qu’y occupent les femmes, ni aux avancées de la science, de la pratique médicale, ou de l’expérience accumulée depuis plus de trois décennies». Les 35 experts recommandent donc la révision de la loi, «dans le sens d’une plus grande place laissée à l’autonomie des femmes».
Ce qui passe notamment par l’extension du droit à pouvoir recourir à l’IVG jusqu’à 18 semaines minimum après la conception (ou 20 semaines d’aménorrhée), contre 12 semaines actuellement.
Une "évolution qui ne met pas en danger l’équilibre éthique de notre société"
Pour les experts, cette extension se justifie, alors que de 330 à 800 IVG sont pratiquées chaque année aux Pays-Bas par des femmes domiciliées en Belgique, souvent en raison de la limitation à 12 semaines post-conception.
De quoi accroître les inégalités, toutes les femmes n’ayant pas les capacités financières et/ou matérielles pour pouvoir avorter à l’étranger. Sur le plan éthique également, le groupe d’experts recommande à l’unanimité l’extension à 18 semaines.
«Nous avons très extensivement repris toute la littérature sur l’évolution du fœtus et sur la perception de la douleur qui – selon les données actuelles de la science – se situe au-delà de 22 à 26 semaines, expliquait à la RTBF Yvon Englert, gynécologue, ex-recteur de l’ULB et co-président du groupe d’experts. Bien sûr le conflit éthique fondamental reste. Mais je crois que l’expérience qu'on voit de l’étranger, que ce soit la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas qui ont depuis des décennies la possibilité d’accès à l'IVG même au-delà de 18 semaines, montre que c’est une évolution qui ne met pas en danger l’équilibre éthique de notre société».
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Trouver un accord, à un an des élections
Côté CD&V, c’est justement cette extension du délai de 12 à 18 semaines qui coince. Craintes de banalisation de l'acte médical, de porte ouverte à des dérives (comme un avortement par choix lorsque le sexe de l'enfant ne conviendrait pas aux parents), avortement trop proche du seuil de viabilité du bébé… sont autant de raisons invoquées par les chrétiens flamands. D’aucuns voient dans ces arguments une manière d’infantiliser les femmes.
Le délai de 6 jours de réflexion avant l’IVG est ainsi «vécu comme humiliant, suggérant une immaturité des femmes auxquelles il faudrait imposer un délai de réflexion obligatoire, supposant qu'elles ne seraient pas aptes à le prévoir elles-mêmes», pointaient notamment les scientifiques dans leur rapport.
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Les travaux du comité scientifique achevés, plus rien n’empêche désormais le Parlement de se pencher sur le dossier en commissions réunies de la Santé et de la Justice, comme le prévoit l’accord de gouvernement. Au sein de la classe politique, l'idée serait de trouver un compromis que puisse rallier le CD&V.
«On essaie d'avoir de la compréhension face au CD&V, mais il n'est pas question de reporter le dossier au prochain gouvernement, ce serait même inconvenant pour ces nombreux experts qui ont travaillé à ce rapport», expliquait une source socialiste à l’Echo. Reste à voir si un accord acceptable par toutes les parties est possible, a fortiori à un an des élections, ou si dans le cas contraire, les partenaires de la Vivaldi oseraient s’appuyer sur une majorité alternative à la Chambre, pour modifier la loi…
Comme le relayait Le Soir en fin de journée lundi, les chrétiens-démocrates flamands seraient prêts à accepter de prolonger l’IVG jusqu’à 14 semaines de grossesse, (soit deux de plus que le délai actuellement, mais quatre de moins que ce qui est préconisé par les experts), voire plus au-delà en cas de circonstances «exceptionnelles» comme un viol. Le début d’un énième compromis à la belge ?