Nouvelle déclaration fiscale : quatre changements révélateurs de notre époque

La période fiscale s’ouvre et promet quelques changements. Certains, dont la disparition du genre pour les couples, sont révélatrices des changements de société.

déclaration fiscale
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Dès la fin du mois d’avril, les Belges pourront remplir leur déclaration fiscale via Tax-on-Web. Plus lourde que jamais, elle comprendra 740 “codes” pour le fédéral et entre 830 et 849 codes selon la Région. Un record! “Mais la déclaration fiscale évolue avec son temps. Elle témoigne d’une époque, de ses valeurs”, pose l’historien de la fiscalité de l’ULB Simon Watteyne.

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Parmi les 20 changements, l’un fait particulièrement écho. Pour les contribuables en cohabitation légale ou mariés, il ne faut plus remplir la colonne de gauche, c’est-à-dire la “principale” avec les données du mari ou de l’homme, et celle de droite, soit la “secondaire”, avec celles de la conjointe, de la femme. Le modèle en vigueur pour les partenaires de même sexe s’applique désormais à tous: la colonne de gauche est destinée au conjoint le plus âgé. Celle de droite, au plus jeune. Bref, l’âge prédomine sur le genre. Plus qu’une adaptation pratique, il s’agit d’une décision hautement symbolique. “L’usage du genre induit un biais sexiste qui avait tendance à laisser les femmes en retrait. Que cela évolue enfin a du sens, d’autant que l’ancien modèle reposait sur une réalité où Monsieur gagnait plus que Madame.” Ce n’est pas la première fois que la déclaration fiscale est utilisée pour défendre une vision de la société. “La prise en compte des couples dans la déclaration est apparue avec la réforme de 1962 portée par une majorité social-chrétienne dans une volonté de faciliter le revenu des ménages et, grâce à cet argument, encourager les mariages. Le message était le suivant: si vous êtes mariés, vous payez moins d’impôts grâce au cumul des revenus. Ce dernier permettait de faire passer certains ménages dans une tranche d’imposition inférieure.

Deux autres changements “sociétaux” apparaissent cette année. D’une part, l’apparition dans l’avertissement-extrait de rôle à l’impôt des personnes physiques des primes énergétiques sous la forme d’une “cotisation spéciale énergie”. Cette case sera préremplie. Plus tard, il sera ainsi possible de constater l’impact de la crise énergétique de 2022-2023 en lisant simplement la déclaration. D’autre part, un code pour la réduction d’impôt pour les bornes de recharge des véhicules électriques pour les dépenses jusqu’à 1.750 €, symbole d’un monde qui s’électrifie.

Certaines taxes au niveau de la consommation sont également révélatrices. Par exemple, le taux de TVA réduit sur les produits de première nécessité. En 2017, le combat contre la taxe Tampon visant à réduire de 21 à 6 % l’impôt sur les produits d’hygiène féminine a aussi marqué l’époque. La réforme fiscale sur la table du gouvernement prouve à nouveau que la fiscalité est une sorte de photographie de l’époque, car elle entend notamment soulager les bas revenus et lutter contre les inégalités. “Derrière chaque taxe se cache un combat politique ou un compromis”, conclut l’historien.

Contre les inégalités

L’impôt progressiste est apparu au début du XXe siècle en Belgique. “Il y avait à l’époque cette volonté politique de faire contribuer davantage les plus hauts revenus et de soulager les plus faibles revenus”, explique l’historien Simon Watteyne. Le débat portait notamment à l’époque sur le type de revenus à prendre en compte. Le salaire, évidemment, mais plus globalement l’ensemble des revenus immobiliers et mobiliers. Un sujet encore d’actualité, notamment au niveau des avantages en nature comme la voiture de société ou les chèques-repas. La plupart des experts sont pourtant convaincus que la base “un revenu égale un autre revenu” est le système le plus sain.

Verte déclaration

À travers l’impôt, la plupart des élus entendent désormais faire contribuer davantage les pollueurs que les autres, via un certain nombre de taxes. Cette notion de pollueur-payeur est même l’un des principes fondamentaux de la politique environnementale de l’Union européenne. Pour certains, cela pourrait aller encore plus loin, via notamment une taxe du kérosène dans le milieu de l’aviation. Simon Watteyne regarde cette évolution avec intérêt. “On réfléchit depuis longtemps à une forme de progressivité dans l’impôt sur la consommation. Or lorsque la TVA augmente, les plus faibles revenus la subissent davantage. Ce principe de pollueur-payeur pourrait être une manière d’y parvenir.

Budget trop serré

En Belgique, les gouvernements parlent plus de “tax shift” que de nouveaux impôts. Pourtant, on pourrait ne pas y échapper. L’état des finances publiques est dramatique. Le dernier budget à l’équilibre date de 2007. Selon l’agence de notation Fitch, le déficit budgétaire sera de 27 milliards d’euros en 2023. Dans 15 ans, il devrait atteindre 54 milliards. Pour retrouver l’équilibre, tous les impôts devraient à cette échéance être augmentés de 13 %. Le problème n’est pas seulement arithmétique. Il vient aussi d’une mauvaise gestion des budgets et d’une mauvaise répartition des dépenses. Si les politiques ne parviennent pas à sortir la tête de l’eau, hausser les impôts représente toutefois une solution de facilité pour les gouvernements.

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