
70 demandeurs d’asile occupent un bâtiment fédéral à Bruxelles : «On ne sortira pas avant qu’une solution durable ait été trouvée»

Dimanche vers 15h, une septantaine de demandeurs d’asile ont pénétré dans un bâtiment vide de l’État fédéral, situé rue Georges Matheus à Saint-Josse-ten-Noode. Cet immeuble, qui vient d’être rénové, est destiné à abriter le futur centre de crise national. Peu après, des discussions ont eu lieu sur place entre la police et des membres du collectif Stop à la crise de l’accueil.
Mais quelques heures plus tard, vers 19h, les effectifs policiers sur place ont été renforcés et ceux-ci ont bloqué les accès au bâtiment. Vers 20h, de nouveaux effectifs encore sont arrivés, certains avec des chiens, ainsi que plusieurs fourgons et des autopompes munies de canons à eau de la protection civile. Cette occupation intervient après que le groupe de demandeurs d’asile ait été évacué vendredi de l’ancienne «Allée du Kaai» dans l’avenue du Port. Il a ensuite été hébergé temporairement dans un centre culturel schaerbeekois vendredi soir et samedi soir.
.@PhilippeClose expulse des demandeurs d'asile qui avait trouvé refuge dans un bâtiment régional, après avoir été expulsés du Canal, devant le #petitchateau
Responsabilité partagée avec @Nicole_demoor, @alainmaron et @rudivervoort. Plus d'explications de cette nvlle honte 👇 pic.twitter.com/LQvUvLOQPd— Réseau ADES (@ReseauADES) March 11, 2023
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«La police entoure actuellement le bâtiment avec des canaux à eau, des chiens et un nombre important de combis.(…)Le dispositif est aussi celui d’une expulsion éventuelle», témoigne lundi après-midi sur Facebook le réseau Ades, qui milite pour plus de justice sociale et écologique, et qui est présent rue Georges Matheus.
Ceci a amené des situations violentes, hier soir, où la police a gazé et menacé au flashball, dans une grande confusion générale, des soutiens qui souhaitaient faire entrer des vivres. Les citoyen.ne.s trouvent une solution d’urgence dans un bâtiment fédéral. Et la réponse des autorités aux solutions que les citoyen.ne.s trouvent à leur place, c’est d’abord de couper toute possibilité à cette solution de perdurer. Rappelons que les demandeur.euse.s d'asile présent.e.s sont porteur.euse.s de l'Annexe 26, qui prouve leur demande de protection internationale auprès de l'Etat belge. La loi oblige notre pays à les accueillir dignement dans ce cadre».
Une arme pointée en direction des militants
Le Soir a relayé une séquence filmée par la journaliste indépendante Anneleen Ophoff, et publiée sur Twitter. On y voit un policier pointer un fusil FN-303 en direction de militants. Ceux-ci auraient essayé de faire entrer de la nourriture dans le bâtiment. Le FN-303 est une arme tirant des balles de caoutchouc, et est qualifiée d’arme «à létalité réduite».
Selon Le Soir, Yan Verhoeven, activiste au sein du mouvement «Stop à la crise d’accueil», s’est retrouvé visé. «Il est choquant de voir que cette arme a priori utilisée de manière expérimentale en Belgique est utilisée hors des règles d’usage (..)« En France, où l’usage de ces armes est beaucoup plus généralisé, on voit qu’elles font des dégâts», a-t-il déclaré au quotidien.
Getrek, geduw, een dosis pepperspray en een geweer in het gezicht: zo eindigt voor velen de avond aan de Koning Albert II-laan, iets voor middernacht. pic.twitter.com/n1EbzLmMIY
— Anneleen Ophoff (@anneleenophoff) March 13, 2023
Du côté de la zone de police Bruxelles-Nord, on déclare que l’arme a été utilisée dans les règles. «Son usage ne peut se faire que dans le contexte d’un grand rassemblement de personnes potentiellement violentes et dans un contexte de tentative de commission d’infraction judiciaire», a expliqué Audrey Dereymaeker, porte-parole de la zone, auprès du Soir.
Ravitaillés après 24h
«Après 24 h d’occupation environ, nous avons enfin reçu un ravitaillement en nourriture, nous raconte Clara, membre de Mur-Mures, un collectif de soutien des demandeurs d’asile également présent au sein du bâtiment rue Georges Matheus.
Jusqu’ici, on ne nous a proposé comme solution que de l’hébergement d’urgence et temporaire, et même pas pour l’intégralité des 70 personnes. On nous propose dix places par-ci, dix places par là… notamment au Samusocial. Or le Samusocial, c’est un dispositif d’urgence, c’est seulement pour quelques jours et ensuite, les demandeurs d’asile se retrouveraient de nouveau à la rue… Si les autorités voulaient vraiment trouver une solution, ça serait fait en une heure. Des bâtiments vides, il y en plein, la preuve avec celui qu’on occupe actuellement. 70 personnes, ce n’est pas grand-chose pour une ville comme Bruxelles», ajoute Clara, qui prévient : On ne sortira pas, à moins d’être expulsé, avant qu’une solution durable ait été trouvée pour l’ensemble des demandeurs d'asile présents».
Les associations de défense des sans-papiers ont réclamé l’activation du plan fédéral de crise. Sotieta Ngo, directrice générale du Ciré a demandé qu'un plan fédéral de crise soit mis en place pour venir en aide aux personnes dans le bâtiment et pour leur trouver une solution de logement, faute de quoi les demandeurs d’asile risquent d’être constamment évacués. « S’il n’y a pas de réquisition de site, cette situation va se reproduire tous les jours, voire toutes les six heures», a-t-elle déploré.
Lundi après-midi, le cabinet du bourgmestre de la commune de Saint-Josse-ten-Node, Emir Kir a convoqué une réunion réunissant les services de police, la Régie des Bâtiments et Fedasil. Emir Kir affirme vouloir faire en sorte que les responsabilités qui incombent à chacun puissent être prises.
«La gestion de l'accueil est une compétence fédérale, le bien occupé appartient au Fédéral et nous voulons bien aider à sortir de l'impasse», a expliqué le bourgmestre. «La question du ravitaillement des personnes à l'intérieur doit être tranchée rapidement, de même que la situation des personnes qui devront en sortir et être relogées si elles entrent dans les conditions. Sans cela, c'est une chaîne sans fin que nous n'avons pas à subir», a-t-il ajouté.
Un accord "insuffisant"
Cet événement intervient quelques jours après que le gouvernement fédéral ait annoncé avoir trouvé un accord visant à répondre à la crise de l’asile en Belgique. Pour le Collectif Mur-Mures, cet accord est cependant «complètement insuffisant. On évoque la création de 2.000 places supplémentaires environ. Mais dans quels délais ?, s’interroge le collectif (selon Le Soir, ces places ne devraient en effet pas être disponibles au mieux avant la fin 2023, voire pendant l’hiver 2024.
«L’accord pose toute une série de problème: il est prévu qu’une expulsion suive plus rapidement une décision négative, le regroupement familial va également être durci… Clairement, on ne va pas dans le bons sens», pointe le collectif Mur-Mures.