Face à la hausse des prix de l'immobilier, les locations ont la cote : bonne ou mauvaise décision ?

Taux des crédits hypothécaires en hausse, besoin de libérer du capital, arrivée de nouveaux expatriés, la demande de biens à louer explose… Tout comme les loyers.

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Le nombre d’exclus du marché de l’acquisitif immobilier ne cesse d’augmenter, et en corollaire, le locatif gonfle. À la fin janvier 2023, la société immobilière Trevi révélait dans son dernier baro­mètre une augmentation de 12 % de ses opérations locatives sur une année. “Le marché locatif est en pleine forme, ­confirme Kim Ruysen, managing director de Trevi. On voit que de plus en plus de gens restent beaucoup plus longtemps en location parce qu’ils n’ont pas le choix. Avec les taux de crédits hypothé­caires actuels, l’acquisitif n’est pas atteignable pour les jeunes. Ensuite, on remarque que des gens vendent leur bien pour devenir locataires. Ils doivent libérer du capital, et à cause de la hausse des prix de l’énergie, ils choisissent de devenir locataires, de vendre une maison qui est mal isolée et de louer quelque chose avec un bon score PEB.” À Bruxelles et dans ses alentours, le nombre d’expatriés entraîne également la location d’un grand nombre de biens. “Énormément d’étrangers viennent travailler à Bruxelles et ça pousse encore les prix vers le haut.”

Car il est clair qu’en parallèle de cette augmentation du nombre de locataires s’observe une sensible hausse des loyers. En moyenne en Belgique, les loyers pour les appartements et maisons ont grimpé de 4 %. Et à Bruxelles, pour la première fois, la moyenne a passé la barre des 1.000 €. “Bruxelles a traditionnellement été une ville de locataires. 80 % de la population y loue son logement, 20 % en est propriétaire. C’est l’inverse dans le reste de la Belgique. Mais la tendance se marque partout dans le pays. Partout, on voit que quand un bien est sur le marché, il se loue très vite, alors que les biens à la vente restent plus longtemps dans nos portefeuilles qu’avant.

Pénurie d’offres

La situation actuelle est-elle inédite? Pas spécialement, mais son ampleur impressionne. Jusqu’il y a quelques années, l’argent ne coûtait pas grand-chose, les taux étaient bas et les crédits atteignables pour une bonne partie de la population. Aujourd’hui, en sortie de crise sanitaire et d’une surchauffe du marché, qui a connu énormément de transactions et au sein duquel les gens se sont pressés pour vendre et acheter, tout se calme. Mais avec des prix historiquement hauts. “Pour la grosse majorité des gens, devenir propriétaire est beaucoup plus difficile. Mais c’était aussi le cas au début des années 80. Sauf que les prix de l’immobilier étaient plus bas, et ceux de la location aussi. La situation actuelle est spécifique dans le sens où les taux augmentent alors que les prix aussi. Et on n’observe pas encore de baisse, donc ça in­fluence d’un côté le marché de la location et celui de la vente. Et dans les deux cas, ça fait grimper les prix.

Pénurie de biens neufs

Comment faire pour éviter que Bruxelles ne ­connaisse le même destin que Paris ou Londres, capitales dans lesquelles il faut vendre un rein pour louer un 15 m²? Pour Kim Ruysen, la réponse est dans l’offre. “Dans un marché où l’offre et la demande sont en équilibre, les prix n’augmentent pas. Mais actuellement, il y a trop peu d’offres. On est dans une situation avec une grande demande au niveau des acquéreurs pour la vente, et au niveau des locataires pour des biens de qualité. Mais il y a très peu de produits sur le marché qui répondent à ça.” L’expert de Trevi estime qu’en plus des prix de construction élevés, la difficulté d’obtention d’un permis est problématique. “Un riverain voire deux peuvent parvenir à bloquer un projet de 170 appartements. On attend souvent cinq ou six ans pour avoir un permis, donc beaucoup de gens renoncent à lancer des projets. À Bruxelles, il y a chaque année moins de biens neufs qui arrivent sur le marché. En 2022, il n’y en avait que 700 nouveaux. C’est très peu. Donc on a une énorme pénurie de biens neufs de qualité. L’autre grand problème, c’est que pour ­améliorer les grands immeubles des années 70-80, on doit réaliser des travaux dans lesquels personne n’ose se lancer. Pour rendre ces logements plus attractifs pour les locataires et augmenter l’offre de biens de qualité, il faut trouver des stimuli appelés à motiver les investisseurs.”

Gel des indexations

Un mauvais stimulus, selon lui, est le gel de l’indexation des loyers en cas de performance PEB insuffisante. Une fausse bonne idée qui pousse une partie des propriétaires non pas à améliorer leur bien, faute de moyens, mais à attendre la fin du bail pour changer de locataires et augmenter le loyer. “Ceux qui peuvent faire des travaux le font, mais ce n’est pas possible pour tout le monde. L’effet pervers, c’est le changement de locataire et donc encore plus de gens finiront exclus du marché locatif. L’idée est bonne en théorie mais pas en pratique.”

Malgré la difficulté à atteindre la propriété, Kim Ruysen insiste: “Si vous pouvez acheter, achetez. On reste dans un marché d’acquéreurs. Si vous demandez à n’importe qui quel est l’investissement le plus safe, tout le monde dira l’immobilier.” Tous? Non! ­Certains irréductibles ne voient pas l’achat d’un bien personnel comme une fin en soi. C’est notamment le cas de Juliette. Elle avait pourtant été, à un moment, assez loin dans les démarches pour acheter. “Je suis passée par la phase où je voulais être propriétaire mais ça ne s’est pas fait et tant mieux. Je suis très contente de pouvoir garder cette liberté de ne pas être attachée à un prêt. Je sais qu’on peut ­revendre mais ç’aurait été pour moi un frein à plein d’autres projets. Ça prend énormément d’énergie et de projections. Franchement, ce n’a jamais été un truc qui m’a fait rêver.

Elle est rejointe par Romain, encore un peu plus radical. “Certains de mes potes ont acheté, et je ne les envie pas. Le stress du prêt, la perte de toutes tes économies, les travaux… Je ne vois rien de mal à rester locataire toute sa vie.” Et quand on lui sort la maxime de circonstance - “à la retraite, vous serez contents d’avoir quelque chose” -, il répond: “Ça va paraître glauque et j’en suis désolé, mais entre le cancer, le réchauffement climatique, la guerre, le taf… J’avoue que je refuse de penser à une pension que je n’atteindrai peut-être pas”. Précision importante: les parents de Romain sont propriétaires et donc un jour, il bénéficiera, au moins en partie, d’un bien.

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