Le but de la réforme fiscale de Van Peteghem est-il réellement d’aider les moins bien lotis ?

Le gouvernement dit revoir à la hausse le salaire net des travailleurs, en particulier des bas revenus et de la classe moyenne. Pourtant, ce qu’il donne d’une main est repris de l’autre.

Van Peteghem
© PhotoNews

Une bonne réforme peut servir à enrichir les ménages. Le projet présenté la semaine dernière serait de ce calibre, à en croire les ­belles annonces du ministre Van Peteghem. Le principal objectif mis en avant dans sa proposition de 15 pages est clair: “Augmenter la partie nette du revenu de tous ceux qui travaillent”. Génial. Le responsable des Finances a donné des exemples concrets. L’employé moyen toucherait un revenu net supplémentaire de 835 euros par an. Autre illustration: un célibataire payé 3.200 € brut par mois gagnerait 1.660 €. Comment le ministre compte-t-il procéder? En augmentant la première tranche de revenus exemptés d’impôts (de 10.160 à 13.500 €) et en relevant le plafond de la tranche des plus hauts revenus. Actuellement, chaque euro perçu au-delà de 46.440 € est imposé à 50 %. La réforme prévoit de placer le curseur à 60.000 €.

Merci le ministre pour penser avant tout à la classe moyenne et aux bas revenus? Pas si vite. La proposition ne s’arrête pas là. Elle prévoit une révision de la TVA. La norme reste de 21 %, mais un seul taux réduit à 9 % serait appliqué au lieu de deux (6 et 12 %), sauf pour l’électricité, le gaz naturel ou l’eau de distribution (6 %). Vous suivez? À nouveau, le ministre a insisté sur la bonne nouvelle: exonération totale sur certains produits de première nécessité comme les fruits et légumes, les médicaments, les tampons ou les transports en commun. Sauf que rien n’est jamais gratuit. La taxe augmenterait sur la viande, les produits laitiers ou le pain. Le pain, vraiment? On commence à douter. Le but de cette réforme est-il réellement d’aider les moins bien lotis?

L’économiste Philippe Defeyt n’est pas convaincu. Il prend l’exemple d’une maman célibataire de deux enfants qui travaille à temps partiel. Elle gagne 1.800 € brut par mois, soit 1.719 € net. “Si le projet avancé par le ministre des Finances se concrétise, son revenu mensuel net sera toujours de 1.719 €. C’est facile à comprendre: elle ne paie déjà pas de précompte aujourd’hui. Dans une telle situation, et il y en a beaucoup d’autres sem­blables, il ne sert à rien d’augmenter la quotité exonérée d’impôt, le net mensuel restera inchangé”, explique-t-il. Quant à l’avantage moyen de 835 €, “la grande majorité des ­travailleurs en profitera pleinement, y compris les très hauts revenus” et “les salaires plus élevés profiteront également de l’extension de la tranche taxée à 45 %”.

 

Philippe Defeyt conclut: “S’il y a un ­consensus pour augmenter les revenus nets de la classe moyenne et des salariés même à revenus très élevés, il faut le respecter: c’est un choix démocratique. Mais ne pas soutenir mieux les personnes qui travaillent pour de petits revenus, et cela vaut pour les indépendants comme pour les salariés, est incompréhensible au vu des objectifs annoncés par le gouvernement”. La preuve qu’entre les annonces et les actes, il y a parfois un fossé.

Taxer le patrimoine

Jusqu’ici, le changement de fiscalité se ­concentrait principalement sur le travail. Demain, elle pourrait glisser davantage vers la consommation et le patrimoine. Bien que la question d’une taxation sur les plus-values ou les loyers perçus ne soit pas à l’ordre du jour, le vice-Premier ministre a choisi de doubler la taxe sur les comptes-titres supérieurs à 1 million d’euros. Cela pourrait rapporter 400 millions de plus à l’État par an. Au total, le plan de Van Peteghem est estimé à 4,35 milliards d’euros de dépenses. Mais le ministre compte sur des “effets retour” pour atteindre l’équi­libre. En augmentant les salaires, il espère booster la consommation et le taux d’emploi.

Un défi politique

L’objectif du ministre Van Peteghem est d’appliquer sa réforme dès le 1er  janvier 2024. Le chemin s’annonce sinueux. Certes, le Premier ministre Alexander De Croo a qualifié le projet de “base solide”, mais il n’en demeure pas moins qu’une ”base”. Le chef du gouvernement vise trois objectifs. Un: le travail doit rapporter plus. Deux: les PME doivent créer des emplois. Trois: les budgets ne doivent pas être impactés. Autrement dit, il n’y aura pas de cadeaux aux citoyens ou travailleurs. ­Précisons que la proposition a peu de ­chances de passer en l’état. PS et Écolo s’y opposent. Même le MR n’est pas pleinement satisfait… Le ministre des Classes moyennes et des Indépendants, David Clarinval, notamment, refuse la hausse de la TVA.

La première nécessité en 2023

L’exonération de la TVA sur les fruits et lé­gumes, les tampons, les couches, les transports en commun… La notion de “première nécessité” est en constante évolution. Actuellement, certains produits alimentaires, ­pharmaceutiques, d’hygiène, de nettoyage, les fournitures scolaires, l’énergie, l’eau, etc. sont déjà considérés comme étant de “première nécessité”. Mais ce n’est pas qu’une question fiscale. L’accès aux services postiers, menacé dans certains coins reculés de Wallonie, est souvent un débat. Tout comme l’accès à Internet et à un forfait mobile. Le Réseau des ombudsmans défend depuis la pandémie la garantie de tarifs accessibles et une connexion de qualité à tous les Belges, où qu’ils vivent.

L'anecdote

Si la réforme passe, le prix de l’ensemble des caddies belges augmenterait d’un seul coup de… 1,5 milliard d’euros en raison de la nouvelle TVA à 9 %. Cette estimation de Comeos démontre que l’exonération sur les légumes cache une hausse de la taxation globale.

Sur le même sujet
Plus d'actualité