
Rapport de la BNB: un bilan économique 2022 "contrasté" pour la Belgique

"2022, j'ai envie de dire: quelle année! Une année pleine de contrastes, avec le retour de la guerre en Europe, une inflation extrême mais aussi une forte croissance économique et des créations d'emplois record. Une année aussi où la bataille du gaz a été gagnée", a résumé le gouverneur de la Banque nationale de Belgique (BNB), Pierre Wunsch, en préambule à la présentation du rapport annuel de la vénérable institution belge, publié vendredi.
2022 a aussi été l'année d'un "game changer" au niveau de la politique climatique européenne, selon le gouverneur, avec l'approfondissement du système ETS d'échange de quotas d'émission de CO2 et l'extension du paquet "Fit for 55", sorte de feuille de route qui doit conduire l'Union européenne à réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre.
Une croissance à 3,1% et baisse du taux de chômage
Les chiffres confirment cette impression d'année extraordinaire. Malgré la guerre en Ukraine, les pénuries et les problèmes dans les chaînes d'approvisionnement, la flambée des prix de l'énergie et l'inflation galopante, l'année s'est soldée sur une croissance économique de 3,1% en Belgique et de 3,4% dans la zone euro. Comme Janus, l'année a néanmoins présenté deux visages: une forte croissance en première partie d'exercice et un net ralentissement au second semestre.
Le choc inflationniste (10,3% d'inflation en Belgique en 2022, 8,4% dans la zone euro), d'une ampleur qui n'avait plus été vue depuis des décennies, a été "relativement comparable à ce qu'on a connu dans les années 70 avec les chocs pétroliers". Mais alors que la demande d'emploi avait explosé dans les années 70 pour conduire à un chômage de masse, il n'en a pas du tout été de même en 2022 puisque le taux de chômage a continué à baisser. "C'est un choc comparable en ampleur mais la réaction du marché du travail a été très différente. C'est un succès au niveau européen et belge", estime le gouverneur de la BNB.
Baisse de consommation du gaz de 15 à 20%
Pierre Wunsch a également mis en exergue un autre tour de force: l'Europe a pratiquement réussi, en quelques mois à peine, à se passer du gaz russe, tout en voyant baisser les prix du gaz qui avaient un moment culminé à des niveaux insensés de plus de 300 euros le MWh. Cela grâce au recours à d'autres fournisseurs, Norvège en tête, au gaz naturel liquéfié (GNL) et à l'effort de la population qui a diminué sa consommation de 15 à 20%, selon les pays. "Ici même, à la BNB, nous avons baissé le chauffage", sourit le gouverneur.
Un hiver peu rigoureux a également donné un coup de pouce bienvenu. En ce début d'année 2023 les prix du gaz sont ainsi repassés sous les 50 euros le MWh. Ce qui reste toutefois deux fois plus élevé que les prix de 20 euros MWh d'avant la guerre. "Nous venions de niveaux de stockage historiquement bas en 2021 et nous avons atteint un niveau historiquement élevé. On est parvenu à renverser la situation dans le courant de l'année 2022", a encore salué M. Wunsch.
Au total, selon les estimations, le nombre d'emplois nets supplémentaires dans l'économie belge s'élèverait à 101.000 en 2022, ce qui représente la plus forte hausse depuis le début des mesures en 1953, il y a près de 70 ans. En termes nets, les rangs des salariés se sont ainsi gonflés de 86.000 unités en 2022 et ceux des indépendants de 15.000 unités. En 2021, dans la foulée du rebond post-covid, plus de 88 000 emplois supplémentaires avaient été créés dans notre pays.
De moins en moins de Belges propriétaires
L'accessibilité à la propriété s'est encore dégradée en 2022 pour retomber "à un niveau historiquement bas", constate la Banque nationale de Belgique (BNB) dans son rapport annuel publié vendredi.
Cette détérioration est due à la forte hausse des prix des logements, depuis 2020, et à la remontée sensible des taux hypothécaires. La BNB détermine l'accessibilité à la propriété sur base de l'évolution de la charge de remboursement d'un emprunt hypothécaire assorti d'une quotité de 80% de la valeur du logement et d'une durée de 20 ans. La charge de remboursement mesure la part du revenu disponible net des ménages qui doit être consacrée au remboursement d'un nouvel emprunt hypothécaire. Or, cette charge, qui avait déjà augmenté de 24,4% fin 2019 à 24,7% fin 2021, a grimpé à 27,1% au troisième trimestre 2022.
En matière immobilière, tous les Belges ne sont pas logés à la même enseigne face à l'inflation galopante. Celle-ci est plutôt une aubaine pour les travailleurs qui ont déjà contracté un emprunt hypothécaire à taux fixe. Car si la mensualité remboursée reste fixe, les revenus des travailleurs ont été indexés via l'indexation automatique des salaires. De ce fait, le poids de la mensualité par rapport aux revenus s'est allégé. La donne est revanche très différente pour les candidats acquéreurs, qui se voient donc confrontés à des taux hypothécaires, des prix immobiliers et des prix des matériaux de construction en (forte) hausse.
L'écart salarial grandit entre la Belgique et ses voisins
On le pensait solutionné. Peut-être pas pour de bon, mais tout de même. Or, l'écart salarial entre la Belgique et ses trois principaux voisins a refait surface. Il s'est creusé depuis la fin de la crise sanitaire et pourrait atteindre près de 6% en 2024, avertit la Banque nationale de Belgique (BNB) dans son rapport annuel, publié vendredi.
Déficit et dette publics trop élevés, coût du vieillissement, taux d'emploi trop faible..., "la Belgique fait face à une série de défis structurels que l'on connaît depuis des années mais un nouveau revient s'ajouter: le handicap salarial", résume le gouverneur de la BNB, Pierre Wunsch. L'origine du problème se trouve dans l'inflation galopante qui a atteint en 2022 des niveaux qui n'avaient plus été vus depuis plus de 40 ans. Cette inflation se répercute sur les salaires, qui progressent grâce au mécanisme d'indexation automatique. Un système qui permet de protéger le pouvoir d'achat des travailleurs mais qui augmente au passage les coûts des entreprises.
Résultat, l'écart salarial cumulé entre la Belgique et ses principaux voisins, qui avait été éliminé en 2019 à coups de modération salariale et de saut d'index, a fortement progressé et atteindrait, selon certaines projections, 5,7% à l'horizon 2024, "flirtant avec les niveaux record observés durant les années 2007-2008", selon la BNB.