
Ballons espions: notre ciel est-il aussi exposé que l'espace aérien américain?

Depuis début février, les Américains sont sur le qui-vive. Après avoir abattu un ballon chinois supposé espion, Washington a réservé le même sort à trois autres objets dont la nature est pour l'heure encore mystérieuse. Tout ça en l'espace de seulement quelques jours. De notre côté de l'Atlantique, pour l'instant, rien de similaire n'a été déclaré. Reste que les mésaventures des États-Unis posent question, y compris sur les capacités de l'Europe et de la Belgique à faire face à des intrus volants. Un sujet assez délicat pour la sécurité nationale.
Des ballons espions au-dessus de l'Europe ?
Cette atmosphère est d'autant plus pesante que les USA affirment qu'ils ne sont pas les seuls visés. Selon Washington, il y aurait eu au moins une vingtaine de ballons chinois similaires à celui détruit le 4 février, et ce dans le monde entier: Amérique latin, Inde, Vietnam, Taïwan, Philippines ou encore Japon. Selon des titres de presse américains comme le Wall Street Journal, ces dispositifs seraient notamment envoyés depuis l'île chinoise de Hainan et la Mongolie.
Est-ce que l'Europe de l'Ouest a été survolée par ce type d'appareil ? Pour l'instant, aucun pays n'a confirmé cela. Interrogé par Le Monde, le gouvernement français n'a rien indiqué à ce propos, se contentant de rappeler que l'espace aérien supérieur était une "zone souveraine". Au Royaume-Uni, le Premier ministre Rishi Sunak a refusé de commenter les questions sur la présence de ballons espions au-dessus du royaume britannique. Interrogé par la VRT, un membre de l'Armée de l'air belge, Alain Burton, affirme ne pas avoir eu connaissance d'un cas similaire en Belgique.
Comment répondre à la menace ?
Reste que l'incident sino-américain pose la question de savoir comment réagir si la même chose devait se produire en Europe. Rishi Sunak a par exemple déclaré que le gouvernement britannique ferait "tout ce qu'il faut pour assurer la sécurité du pays". "Le Royaume-Uni et ses alliés examineront ce que ces intrusions dans l'espace aérien signifient pour notre sécurité. Cette évolution est un autre signe de la façon dont l'image de la menace mondiale s'aggrave", a ajouté le secrétaire à la Défense britannique Ben Wallace. La Grande-Bretagne a pour l'heure précisé qu'elle dispose de jets Typhoon pour assurer la sécurité de son espace aérien.
Florent Parmentier, enseignant à Sciences Po en France, explique au média Atlantico que "pour se protéger de tels ballons espions, il faut savoir quelles signatures numériques ils ont émis pour voir s’il existe des moyens efficaces pour suivre ce type de ballon à l'avenir. L’étude des débris de ce type de ballon sera utile pour examiner la technologie, reconstruire la chaîne d'approvisionnement, découvrir qui a aidé à le construire et quels en étaient les composants importants". Cela tombe bien: les États-Unis viennent d'annoncer avoir récupéré d'"importants débris" issus du ballon détruit début février, dont de nombreux composants électroniques.
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Et en Belgique ?
L'Europe peut donc se préparer à une répétition du scénario américain au-dessus de son propre sol, grâce aux informations qui lui parviendront. Mais imaginons que cela arrive maintenant, comment réagirait un pays comme la Belgique? Chez nous, comme l'explique Alain Burton, il y a deux types de cibles: les menaces militaires classiques, gérées par l'OTAN, et les menaces civiles, gérées au niveau national. Lorsqu'un tel objet est détecté, une procédure se met en marche, avec une analyse du risque, un appel au ministère de la Défense puis une décision commune avec le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur.
Le souci, c'est que la Belgique a non seulement un territoire restreint mais aussi densément peuplé. Abattre un objet ou même un avion dans le ciel belge pourrait s'avérer être particulièrement délicat. "Nous sommes donc plus susceptibles d'examiner d'autres contre-mesures, comme un meilleur camouflage", précise Kenneth Lasoen, spécialiste des services de renseignement à l'Université d'Anvers.
Dans tous les cas, il faudrait se préparer à un avenir plus tendu sur le plan des relations internationales, donc un risque accru d'incidents comme ceux survenus en Amérique du Nord. "La rivalité américano-chinoise s'intensifie, il y aura plus de pression sur les Européens, dont l'approche de la Chine est très diversifiée, pour choisir leur camp", déclare Ricardo Borges de Castro, responsable du programme Europe dans le monde au Centre de politique européenne. "La réalité est que si le monde devient de plus en plus dominé par deux pôles - les États-Unis et la Chine - l'UE et les Européens devront choisir leur camp aussi longtemps que la sécurité et la défense de l'Europe dépendront du parapluie américain".