Sans immunité parlementaire, que risque Marc Tarabella ?

Marc Tarabella n'est désormais plus protégé par son immunité d'eurodéputé, mais cela ne veut pas dire qu'il risque immédiatement la mise en détention.

L'eurodéputé Marc Tarabella
L’eurodéputé belge Marc Tarabella, le 2 février 2023 à Bruxelles ©BelgaImage

Le Parlement européen a validé jeudi matin en plénière la levée de l'immunité parlementaire des deux eurodéputés auxquels s'intéresse la justice belge dans le cadre du "Qatargate", le socialiste belge Marc Tarabella et l'Italien Andrea Cozzolino.

Que permet la levée d'immunité parlementaire ?

La justice belge va donc pouvoir poursuivre son enquête sans entrave, y compris en passant, si elle le juge nécessaire, par une arrestation ou un renvoi devant le tribunal. Dans le cas de Marc Tarabella, l'immunité parlementaire n'empêchait pas les enquêteurs de l'entendre, mais cela n'a pas encore eu lieu. Le domicile du bourgmestre d'Anthisnes avait été en revanche perquisitionné en décembre, sans découverte probante connue.

Le Belge est lui-même demandeur d'être entendu et ne s'opposait pas à la levée de son immunité, tout comme Andrea Cozzolino. Le vote n'était donc qu'une formalité, dont l'issue ne faisait aucun doute. Les deux rapports de la commission des Affaires juridiques (de la rapporteure Manon Aubry), recommandant à la plénière de donner son feu vert à la demande de la justice belge de lever l'immunité des deux élus, ont été adoptés lors de votes à main levée dans l'hémicycle bruxellois, l'histoire de quelques secondes. On a pu y voir Marc Tarabella voter lui-même en faveur de sa levée d'immunité. Les deux hommes faisaient partie du deuxième plus important groupe politique de l'assemblée, celui des "socialistes et démocrates" (S&D, centre gauche), mais apparaissent désormais comme "non-inscrits" au Parlement européen.

Qu'est-il reproché à Marc Tarabella et Andrea Cozzolino ?

Le groupe, qui se trouve au centre de l'enquête pour faits présumés de corruption et ingérence de la part de pays tiers, avait décidé le 18 janvier d'exclure le Belge. L'Italien avait quant à lui suivi l'invitation à "s'auto-exclure". Niveau belge, le PS a également exclu Marc Tarabella. Ce dernier a toujours maintenu son innocence et affirmé ne jamais avoir reçu d'argent ou de cadeau, de la part du Qatar ou d'un autre pays, en échange de positions favorables dans les débats au sein du Parlement européen.

Les rapports adoptés révèlent certains des éléments sur lesquels se basait le parquet fédéral belge pour demander, dès la fin décembre, la levée d'immunité. "D'après l'enquête actuellement en cours, Marc Tarabella pourrait être impliqué dans des actes de corruption liés à l'ingérence d'un ou plusieurs États étrangers en vue d'influencer les débats et décisions prises au sein du Parlement européen", peut-on y lire. Le rapport fait aussi référence aux accusations du "repenti" Pier Antonio Panzeri, ex-eurodéputé du même groupe, selon lequel le Belge "aurait été récompensé à plusieurs reprises pour un montant global estimé de 120.000 à 140.000 euros", en argent liquide, pour avoir appuyé au sein du Parlement des positions en faveur d'un "État tiers" (le Qatar, NDLR). L'avocat de Marc Tarabella a appelé à plusieurs reprises à prendre avec des pincettes les affirmations de Pier Antonio Panzeri, qui selon lui a tout avantage à faire des aveux ronflants, de par son statut de repenti.

Pour Andrea Cozzolino, le rapport fait état, entre autres, de soupçons qu'il aurait participé, "après 2019, à un accord avec d'autres personnes qui prévoyait une collaboration afin de protéger les intérêts d'États étrangers au Parlement européen, notamment en empêchant l'adoption de résolutions parlementaires qui pourraient nuire aux intérêts de ces États, en échange de sommes d'argent".

Quid de la suite ?

Dans les deux cas, les faits suspectés peuvent constituer des infractions pénales de corruption publique, participation à une organisation criminelle et blanchiment d'argent. Quatre personnes sont déjà en détention préventive pour les mêmes motifs, dont l'ex-vice-présidente du Parlement européen Eva Kaili, son compagnon Francesco Giorgi, ex-assistant parlementaire d'Andrea Cozzolino et de Pier Antonio Panzeri. Ce dernier en fait également partie. Les États tiers cités dans l'enquête comprennent le Qatar et le Maroc. Certains parlent aussi de la Mauritanie.

Interrogé par la RTBF, Marc Verdussen, professeur de droit constitutionnel à l'UCLouvain, précise qu'"avec cette levée d’immunité, Marc Tarabella peut donc désormais être placé en détention préventive ou être traduit devant un juge pénal. Concrètement, il redevient un citoyen ordinaire et plaidera comme tel. Son sort ne sera pas différent de n’importe quel autre citoyen". Une mise en détention ne peut être décidée que par un juge d'instruction et les yeux se tournent désormais vers le parquet fédéral.

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