
Le mariage homosexuel adopté il y a 20 ans: comment les partis ont-ils voté à l'époque?

Le 30 janvier 2003, la Chambre des représentants accueillait plus de public qu'à l'accoutumée. Ce jour-là, les députés belges devaient trancher: fallait-il autoriser les mariages pour les couples de même sexe ou pas? Après débat, la réponse s'est avérée être positive. Une décision assez révolutionnaire pour l'époque. Avant la Belgique, seuls les Pays-Bas avaient fait de même près de deux ans plus tôt. Tous les élus n'étaient toutefois pas d'accord avec la majorité. Un bon tiers d'entre eux ont soit voté contre, soit préféré l'abstention. Apparaissait alors la division entre députés conservateurs et progressistes. Mais contrairement à ce que l'on pourrait croire, cela ne recoupait pas la frontière entre la droite et la gauche.
Le MR, trublion du gouvernement
En 2003, la proposition de loi était présentée par les différents partis du gouvernement en place à l'époque, celui de Guy Verhofstadt. On y trouvait le PS et son équivalent flamand sp.a (ancêtre de Vooruit), les libéraux du VLD (prédécesseur de l'Open Vld) et du MR, ainsi qu'Écolo avec son partenaire néerlandophone Agalev (qui deviendra quelques mois plus tard Groen).
Logiquement, le texte aurait logiquement dû être soutenu par tous ces partis, qui ensemble représentaient la majorité de la Chambre. En pratique, cela a été un peu plus compliqué. «Tous les partis l'ont accepté relativement facilement, sauf les libéraux francophones du MR», se souvient Magda Aelvoet (Agalev), qui était ministre de la Santé lors des négociations sur le sujet. «J'ai alors pris l'initiative d'une conversation directe entre l'ancien vice-Premier ministre Louis Michel (MR) et les associations LGBT. Quand j'ai revu Louis peu après lors d'une réunion, il m'a dit : 'Ah Magda, j'ai vu tes amis, et c'est d'accord!'», explique-t-elle à De Zondag.
Elle précise aussi qu'un des principaux sujets de tension, c'était de savoir quel nom donner à ce type d'union. Le terme «mariage» ne faisait pas unanimité. Mais «lorsque mon cabinet a déclaré qu'il fallait changer pas moins de 1.300 lois si on voulait donner les mêmes droits aux homosexuels, tout le monde était convaincu de choisir le mot 'mariage'», dit-elle.
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Le MR a donc fini par lâcher du lest, sans toutefois se réjouir de la proposition de loi. Le parti a d'ailleurs été accusé d'avoir enlevé de la proposition de loi les droits à l'adoption pour les personnes de même sexe (ce qui ne sera accordé qu'en 2006). «On regrette qu'à cause d'un veto du MR on n'ait pas eu le droit à la parentalité. C'est vraiment regrettable qu'on ait introduit cette discrimination», affirmait alors à La Libre la porte-parole du mouvement holebi, Anke Hintjens.
Les libéraux et socio-chrétiens plus conservateurs au sud qu'au nord
Arrive alors le vote final à la Chambre des représentants. Plusieurs partis votent en chœur pour. C'est le cas des socialistes et des écologistes des deux moitiés du pays. Au VLD, seul un député, Jef Valkeniers, s'était abstenu, le reste ayant voté pour. Plus étonnant: les nationalistes de la N-VA et les démocrates-chrétiens du CD&V, deux partis pourtant très ancrés à droite, ont globalement voté pour. Les premiers n'accusaient que d'une abstention (Frieda Brepoels) et les seconds de trois (dont le futur Premier ministre Herman Van Rompuy et l'ancien ministre de la Justice Tony Van Parys).
Au MR, la consigne était que chacun vote en son âme et conscience. En conséquence, le résultat a été très partagé. Six députés MR avaient voté pour (Daniel Bacquelaine, Jacques Simonet, Olivier Maingain, Olivier Chastel, Corinne De Permentier et Denis D'hondt). Neuf autres ont voté contre, dont le futur ministre de la Mobilité François Bellot. C'était aussi le cas de Jacqueline Herzet, bourgmestre de Rixensart, qui avait déclaré que célébrer des mariages homosexuels dans sa commune lui demanderait «un sérieux effort sur [elle]-même».
Au CdH (aujourd'hui Les Engagés), l'influence socio-chrétienne était encore très importante. Sur les 10 députés du parti, deux ont voté contre (le bourgmestre d'Attert Josy Arens et celui de Herve André Smets) et quatre se sont abstenus (dont le bourgmestre de Mouscron Jean-Pierre Detremmerie et le bourgmestre de Dinant Richard Fournaux).
Enfin, deux partis ont vu tous leurs députés voter contre et sans surprise, ils sont à l'extrême-droite. Il s'agit du Vlaams Blok, ancêtre du Vlaams Belang, et du Front national (car oui, il y avait à cette époque un député d'extrême-droite francophone).
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Aujourd'hui, Statbel constate généralement que chaque année, près de 2,5-3% des mariages célébrés sont le fait de personnes de même sexe. Ce type d'union est très largement accepté par la population, même si certaines franges restent foncièrement conservatrices. Selon un sondage publié par Ipsos en 2021, 72% des Belges soutiennent le mariage homosexuel, 19% sont contre et 10% ne se prononcent pas.