
Le roi Philippe au Congo: «Une volonté de faire amende honorable du passé»

En visite d'Etat en République démocratique du Congo, le roi Philippe a exprimé à Kinshasa ses « profonds regrets pour les blessures du passé » quant à « un passé colonial basé sur l’exploitation et la domination ». Des regrets, donc, mais pas d'excuse. Le roi n'a en somme fait que réitérer ce qu'il avait déjà dit dans une lettre ouverte au peuple congolais publiée il y a deux ans.
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Pour Pedro Monaville, Historien belgo-congolais, professeur d’Histoire à l’Université de New York Abu Dhabi, interrogé par France 24, ce discours est « un pas en avant, mais qui aurait pu aller plus loin ». Si cela n'a pas été le cas, c'est probablement dû au fait que « la commission parlementaire sur le passé colonial n'a toujours pas rendu ses conclusions, ce qui a sans doute limité ce que le roi pouvait dire à Kinshasa ». Il note néanmoins une volonté de Philippe de « faire amende honorable du passé et de rétablir la relation entre la Belgique et la RDC ».
Pour autant, le devoir de mémoire de la Belgique face à son passé colonial demeure. Pedro Monaville nous donnait son point de vue d'Historien sur la question il y a quelques mois, au moment des revendications Black Lives Matter en Belgique qui ont suivi le meurtre de George Floyd aux Etats-Unis.
La Belgique a-t-elle un devoir de mémoire à faire concernant la colonisation ?
Beaucoup de personnes travaillent dessus depuis pas mal de temps. Mais, la question a longtemps été laissée de côté par le politique. Une des raisons est selon moi due à la structure de l’Etat. La fin de la colonisation correspond plus ou moins au début de la fédéralisation du pays. L’Etat central devient moins important, les communautés n’ont pas d’intérêt à s’occuper de la question coloniale pour différentes raisons. Celle-ci a donc été laissée à un lobby de nostalgiques de la colonisation qui ont un relais dans la sphère politique, principalement à droite. Si bien que l’espace de discussion a été laissé aux mains de personnes ayant un rapport au passé colonial. Il y a aujourd'hui une nouvelle opportunité pour rendre visible toute une série de questions sur le racisme et le passé colonial de la Belgique, notamment avec l’émergence de Belges d’origine africaine qui se sont appropriés cette question coloniale.
Quelles sont les conséquences du vide politique sur la question coloniale?
Elle a laissé entretenir cette vision paternaliste de la colonisation qui est un déni de la réalité de l’expérience coloniale et un déni du racisme. C’est un peu le problème de la Belgique, ce côté paternaliste façon Tintin au Congo qui a longtemps été l’image dominante. Il y a une absence de filtres par rapport aux Africains : "Les bons petits noirs, ils sont comme des enfants, mais ils sont marrants, on s’amuse bien avec eux". Cette image paternaliste édulcore la réalité de la colonisation qui a été violente jusqu'au bout. Résultat, les pouvoirs publics n’ont pas aidé les Belges d’origine africaine à construire une identité propre de Belge d’origine africaine. Parce qu’il y avait peu d’espace dans lequel ils pouvaient entendre un discours qui puisse valider leur histoire ou simplement qui leur donnait accès à leur histoire. Pas forcément une histoire centrée sur la colonisation, mais une histoire africaine qui permette de construire une image positive de soi et de se situer par rapport à tout cela.