
Procès des attentats de Bruxelles : "L'islam n'est pas à confondre avec les actes ignobles qui ont été commis", témoigne l’épouse d’une victime

Lors de son témoignage devant la cour d'assises chargée de juger les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles, l'épouse d'une victime grièvement blessée par la première explosion à l'aéroport de Zaventem a tenu à s'adresser directement aux accusés présents dans le box.
Loubna Selassi leur a demandé quel dieu les avait obligés à infliger toute cette peine et ces souffrances. "Ma religion, l'islam n'est pas à confondre avec les actes ignobles qui ont été commis", leur a-t-elle lancé. Les attaques ont coûté une jambe à son mari. "Le 22 mars 2016 à 07h58. À partir de cette date, ma vie ne sera plus jamais la même", a-t- elle commencé. "Il y a un avant et un après le 22 mars."
Tout au long de son récit, Loubna Selassi a rappelé les épreuves de vie auxquelles son mari, ses enfants et elle sont confrontés au quotidien depuis sept ans, et notamment leur combat avec les assurances et l'expertise judiciaire qui dure depuis lors.
À la fin de son témoignage, cette assistante administrative a voulu s'adresser aux accusés. Après un long silence, entrecoupé de sanglots étouffés, et tout en serrant une balle anti-stress entre les mains, elle les a interpellés. "En dépit de toutes les souffrances auxquelles je suis confrontée, je prie chaque jour pour le bien-être de ma famille et je me demande quel dieu vous oblige à causer de telles peines et souffrances, quel dieu vous oblige à infliger ces atrocités."
"J'ai souvent pensé à vos familles, qui se trouvent elles aussi dans une situation innommable", a-t-elle adressé aux 10 hommes jugés (dont un, présumé mort en Syrie, fait défaut), alors que plusieurs des accusés avaient les yeux rivés au sol.
"Je tiens à rappeler que ma religion, l'islam, n'est pas à confondre avec ces actes ignobles qui ont été commis", a souligné la témoin.
"Les accusés ont le choix de ne pas rester dans la salle et de négocier un nouveau box" en adéquation avec les droits humains, a encore relevé Loubna Selassi. "Et nous en tant que victimes dans tout cela? Mon mari se sent enfermé non pas dans un box mais dans son nouveau corps."
"J'ai souvent entendu que les accusés se plaignaient de ne plus avoir de vie. Mais est-ce que pour nous, c'est encore une vie ?", a-t-elle questionné, prise par les larmes. "Cela fait sept ans que nous n'avons pas vu nos enfants grandir", a-t-elle regretté, dans un moment particulièrement difficile de son témoignage.
"Nos enfants (qui avaient 7 ans et 9 ans à l'époque des faits, NDLR) ne comprennent pas pourquoi des gens avaient décidé de mourir et d'en blesser et tuer d'autres qui n'avaient rien demandé", a-t-elle encore raconté.
Eux qui allaient à l'école et avaient des activités extrascolaires avant les attentats ont en quelque sorte perdu leurs parents ce 22 mars 2016, a-t-elle décrit. Le premier mois suivant les attaques, Loubna Selassi est en effet restée à l'hôpital avec son mari, ne parvenant pas à le quitter. L'hospitalisation durera trois mois au total, durant lesquels elle mettra sa vie professionnelle de côté et se partagera entre ses enfants et leur père.
"Ce qui est violent et traumatisant, c'est que je n'ai pas pu m'occuper de mes enfants pendant tout ce temps", se souvient-elle.
Pour leur père, il est désormais impossible de jouer au football avec les enfants, de faire du vélo, de voyager, d'aller à la plage, liste Loubna Selassi. "C'est une douleur permanente de voir l'incompréhension et la tristesse dans les yeux de nos deux enfants."
Ils sont désormais âgés de 16 et 14 ans et ont un parcours scolaire bouleversé, sans activités extrascolaires à ce jour. Les attentats du 22 mars 2016 sont "au coeur de leur vie aujourd'hui. Toute notre vie a été chamboulée, c'est tout notre cocon familial qui a été touché. Le 22 mars a privé mes enfants de leur père, de leur mère et de leur insouciance."