
Nouveau record de migrants traversant à la Manche à cause du Brexit

Au moins 482 migrants ont traversé la Manche mercredi pour gagner les côtes anglaises, a indiqué jeudi le ministère britannique de l'Intérieur, un record portant à plus de 10.000 le nombre de personnes ayant effectué la dangereuse traversée cette année. Le précédent record journalier, avec 430 arrivées en une journée, avait été atteint le 19 juillet.
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Si le ministère ne communique pas de bilan cumulé, selon le décompte de l'agence de presse britannique PA, plus de 10.000 personnes ont effectué depuis le début de l'année la traversée du détroit, l'un des plus fréquentés au monde, à bord de petites embarcations, soit bien plus que lors de toute l'année dernière (plus de 8.000). Mercredi, les autorités françaises ont intercepté huit traversées, empêchant ainsi 246 personnes d'atteindre le Royaume-Uni, selon le ministère de l'Intérieur britannique.
Le paradoxe du Brexit
Ces chiffres sont d’autant plus étonnants lorsqu’ils sont remis en perspective. Selon la Préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord, en 2016, seulement 164 personnes ont tenté ou réussi à traverser illégalement la Manche. En 2017, il n’y en avait que 47. Puis avec l’approche du Brexit, ce chiffre a littéralement explosé. En 2018, il s’établissait à 586, puis à 2.758 en 2019 et enfin à 9.551 en 2020. Cela veut dire que cette année, ce précédent record a déjà été dépassé, malgré la crise sanitaire.
Cette concordance temporelle avec la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne n’est pas le fruit du hasard selon François Gemenne, chercheur à l’université de Liège et spécialiste des migrations. Comme il l’a expliqué à France Info, ce phénomène «est largement le fait du Brexit». «À cause du Brexit, beaucoup de migrants craignent qu'il soit plus difficile après de rejoindre l'Angleterre et tentent leur va-tout. Rien ne laisse penser pourtant que ce sera plus difficile après le Brexit qu'avant. Mais les passeurs tentent d'en convaincre les migrants», déclare-t-il. Le plus paradoxal dans l’histoire, c’est que lors du référendum sur le Brexit, 47% de ceux qui ont voté pour le «Leave» l’ont fait pour que le Royaume-Uni «contrôle ses frontières et mette en place sa propre politique d’immigration», selon un sondage Survation pour ITN.
Des lois toujours plus dures
En attendant, aujourd’hui, le ton ne cesse de monter au Royaume-Uni. Selon le commandant Dan O'Mahoney, chargé de la "menace clandestine" en Manche, "ces chiffres sont inacceptables, c'est pourquoi nous agissons sur tous les fronts". "Les forces de l'ordre démantèlent les gangs de passeurs" et "le travail conjoint avec les Français a permis de doubler le nombre d'agents de police sur les plages françaises", a-t-il ajouté. La question est régulièrement à l'origine de frictions entre Londres et Paris, mais le Royaume-Uni s'est engagé fin juillet à payer à la France 62,7 millions d'euros en 2021-2022 pour financer le renforcement de la présence des forces de l'ordre françaises sur les côtes.
Le Parlement britannique a commencé avant la trêve estivale à adopter la réforme du système d'asile de la ministre de l'Intérieur Priti Patel, marquant un durcissement promis dans le cadre du Brexit. Présentée par la ministre comme "juste mais ferme" mais dénoncée par des associations de défense des droits humains, elle vise à décourager l'immigration illégale et prévoit de traiter différemment les demandeurs d'asile selon qu'ils soient arrivés dans le pays légalement ou illégalement. Le projet de loi prévoit d'augmenter à quatre ans, contre six mois actuellement, la peine de prison encourue par les migrants qui cherchent à entrer illégalement dans le pays et de porter à la prison à vie - contre 14 ans d'emprisonnement actuellement - la peine maximale encourue par les passeurs.