Nos animaux sont trop gros

La moitié de nos chiens et chats sont en surpoids, voire carrément obèses. Un véritable problème de société et de maltraitance animale.

Des études ont montré un lien entre le surpoids des propriétaires et celui de leur animal. - BELGA

Micha a six ans. Sa maîtresse l’a amené dans la toute nouvelle clinique de l’obésité animale de l’université de Gand. Il y vient une fois par semaine. L’assistante en tablier blanc fait monter le chien dans un bain physiothérapeutique après lui avoir passé un petit gilet de sauvetage. L’eau monte doucement tandis que le tapis roulant destiné à faire courir Micha se met en route. “L’eau est à trente degrés pour que ce soit un moment de détente”, signale l’assistante. “L’obésité provoque souvent des problèmes d’articulation que nous traitons notamment grâce à cette méthode”, explique Marie-Céline Hotta, vétérinaire et résidente à la clinique, tout en palpant les amas graisseux d’Elsa. “Elle a un score de 7 au body condition score qui va jusque 10. On ne voit plus sa taille et elle a de la graisse sur les côtés.” Marie-Céline Hotta pointe sur un graphique avec des courbes où la chienne se situe. La situation d’Elsa est moins grave que celle de Marcha, un bouvier brainois, arrivé à la clinique en juillet 2020 et qui pesait 49 kilos. “La propriétaire a remarqué qu’elle avait du mal à finir ses promenades et est venue nous voir. Aujourd’hui, Marcha fait 41 kilos, ce qui est idéal. Il a fallu 23 semaines de régime et une propriétaire très motivée pour y arriver.

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La Healthy Weight Clinic de Gand vient d’ouvrir en mai. Elle est multiculturelle. Le personnel y parle tant le néerlandais que le français ou même l’anglais et l’espagnol et travaille aussi à distance en collaboration avec le vétérinaire de l’animal. “Les gens sous-estiment en général le surpoids de leur animal. Ici, nous faisons un check-up général, y compris le tartre de la dentition. Nous évaluons les mensurations mais aussi le mode de vie de l’animal.” Qui donne à manger à l’animal? Plusieurs animaux cohabitent-ils? Se bagarrent-ils pour la nourriture? Les promenades sont-elles quotidiennes? “Puis, nous dressons un plan nutritionnel et d’activités, en nous adaptant aussi au propriétaire. On effectue un contrôle trois semaines plus tard. Le chien ne doit pas perdre trop vite sinon il perd du muscle et pas trop lentement sinon ce n’est pas efficace”, expose l’experte.

Le poids de son maître

Ces cinq dernières années, le nombre d’animaux obèses n’empire pas. “Mais on est arrivé à un animal sur deux en surpoids. C’est énorme. C’est un phénomène qui s’est développé ces quinze dernières années”, estime Marie-Céline Hotta. Par le passé, l’animal était surtout à la ferme, il recevait quelques restes et bougeait beaucoup. Le monde a changé, la vie des animaux aussi. “L’obésité animale est le reflet de notre société. C’est lié à la sédentarité de la population en général, rapporte Marianne Diez, professeure en nutrition animale à la Faculté de médecine vétérinaire de l’ULiège. Il y a désormais des gens qui prennent des chiens pour faire du canicross, pour courir, mais c’est très récent. Énormément de chiens font très peu de promenades. La plupart ne sortent même pas une demi-heure par jour. Souvent, on me parle de sorties de dix à quinze minutes. Quant aux chats, ils sont souvent maintenus à l’intérieur des maisons et appartements avec peu de possibilités de se dépenser. Un chat n’est pas fait pour dormir à longueur de temps sur un radiateur avec pour seule sortie un balcon.

chat

- Pexels

Et puis, certaines personnes aiment un animal dodu. Les bouledogues anglais les mieux cotés dans les concours sont les plus gros. Et le bouvier bernois, chien de travail à l’origine, est devenu un chien de compagnie. Plus il est gros, dans le style nounours, plus il est apprécié. Certaines races de chiens comme le labrador - qui possède un gène qui l’empêche de sentir la sensation de satiété - ou le golden ont, eux, tendance à grossir. Il y a de surcroît des facteurs sociologiques. “Des études ont montré un lien entre le surpoids des propriétaires et celui de leur animal. Ils font moins attention à leur alimentation comme à celle de leur animal”, souligne Marie-Céline Hotta.

Surconsommation de croquettes

La stérilisation aggrave aussi l’obésité car, pour des raisons hormonales, les dépenses énergétiques sont moindres et l’appétit, du chat en particulier, augmente. “Peu de propriétaires savent que lorsque l’animal est castré ou stérilisé, ses besoins énergétiques descendent de 30 %. L’alimentation sèche a aussi un rôle”, pointe Marianne Diez qui compare les croquettes à de la lessive concentrée par rapport à de la poudre normale. Les croquettes sont quatre à cinq fois plus concentrées que l’alimentation humide. “Clairement, il y a une surconsommation assez générale de croquettes”, dit-elle. Pour Marie-Céline Hotta, cependant, ce n’est pas tellement les croquettes qui sont en cause mais les friandises, les os et tous les restes de table donnés en extra. “Le chat va parfois régulièrement chez les voisins demander de la nourriture ou chasser des souris. Ce sont des extras qui lui font prendre du poids.

L’obésité, une maladie, entraîne une qualité de vie moindre pour l’animal. Le chien va boiter, le chat ne plus faire sa toilette. Un animal obèse va vivre jusqu’à deux ans et demi en moins. Il va développer des maladies comme du diabète de type II (surtout les chats), des problèmes d’articulations (surtout les chiens) ou des problèmes urinaires. Nourrir trop son animal s’apparente ainsi à une forme de maltraitance. Eugénie, une dame âgée, avait ainsi deux chihuahuas auxquels elle voulait donner le meilleur. Lorsque les deux chiens ont eu sept ans, ils ne pouvaient plus bouger, ils étaient malheureux. Eugénie a amèrement regretté d’avoir trop nourri ses chihuahuas. “Elle pensait que c’était de l’amour, mais c’était juste de l’engraissement. Et au final, c’est peu de plaisir pour tout le monde quand un chien a une rupture des ligaments croisés. L’excès pondéral ne se répartit pas mieux parce que l’animal est sur quatre pattes”, commente l’experte de l’ULiège.

chien

Certains propriétaires récompensent leur chien avec une gamelle après la promenade. Mais la récompense, c’est justement... la promenade. “Les gens appliquent leur vision anthropomorphique en achetant des friandises comme ils offrent des bonbons à tout bout de champ à leurs enfants. Ils méconnaissent leurs animaux et ne savent pas comment communiquer avec eux autrement qu’en les nourrissant.” Ça vaut pour tous les animaux. Le problème est général. Des canaris sont obèses. Entre 20 et 50 % des chevaux sont trop gros. Surtout les poneys, les fjords, les haflingers, les races plus rustiques. On les soigne aussi à la clinique de Gand mais plutôt à distance. Même les serpents sont concernés. “Ce n’est pas un sujet futile ou léger, conclut Marianne Diez. C’est un véritable problème de société et d’éducation aux besoins essentiels des animaux. Aimer son animal, c’est ne pas l’engraisser.”

Conseil : gare à l’open bar

L’alimentation cuisinée soi-même demande temps et argent. Autant miser sur des croquettes de qualité. “Il faut surtout donner les justes proportions et bien mesurer”, recommande Marie-Céline Hotta. Un chien mange trois fois par jour. Une fois le matin, une fois en fin d’après-midi et puis avant d’aller dormir. Un chat mange jusqu’à six fois par jour. “Il vaut mieux prévenir que guérir. On conseille de peser son animal une fois par semaine avant le repas. Un chat qui prend un kilo, c’est comme un humain qui en prend vingt. Mais même quelques grammes de perdus vont faire la différence pour l’animal qui grimpera mieux les escaliers, par exemple”, se réjouit-elle tout en dispensant quelques conseils. La gamelle du chien sera pesée. Il existe même désormais des balances numériques dans lesquelles on peut directement placer la gamelle. Des sortes de puzzles ont été créés pour obliger l’animal à manger plus lentement. Il existe aussi des colliers trackers qu’on peut lui mettre autour du cou et reliés à une appli qui compte ses pas et permet de savoir si l’animal est actif ou pas. “On peut aussi cacher les croquettes dans la maison pour faire jouer et bouger son chat.” Pas d’illusion: le régime sera difficile. Un chat qui doit maigrir va être demandeur. Un chien va aboyer quand la famille est à table. “Ce sont des années de mauvaises habitudes à modifier”, signale Marianne Diez.

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