
Des OGM de nouvelle génération bientôt autorisés ?

C’est un type de maïs. Matricule : MON 810. Voilà le seul organisme génétiquement modifié (OGM) dont la culture et l’utilisation industrielle sont pour l’instant autorisées par l’Union européenne. Le seul, mais jusqu’à quand ? Des associations environnementales s’inquiètent de la possible arrivée de « nouveaux » OGM, 20 ans après les premières exploitations de soja ou de colza sur le continent américain.
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Afin de commercialiser leurs produits, les industriels font valoir de nouvelles techniques de manipulation du génome pour ainsi espérer sortir du cadre des réglementations européennes. C’est en tout cas ce qu’avance Nature et Progrès, qui a publié une brochure sur la question.
Ciseaux génétiques
En introduisant dans le génome d’une plante un, voire plusieurs gènes d’une autre espèce, on obtient un OGM « classique ». Dans le cas d’un nouvel OGM, on fonctionne différemment, via la mutagenèse. « On utilise des ciseaux génétiques faits de protéines, qui coupent l'ADN de l’hôte en des endroits précis, expliquait à Belga Catherine Wattiez, de l’association Nature et Progrès Belgique. L'hôte est ensuite réparé par des mécanismes propres à la cellule. Cette réparation change le génome ». Mais les deux méthodes ont la même finalité : donner une propriété particulière à la plante modifiée, comme celle de résister aux projections de pesticides.
Et pour leurs détracteurs, dans les deux cas, ces manipulations du vivant ne sont pas sans danger. Ils redoutent des erreurs génétiques, avec « des effets sanitaires et environnementaux délétères inattendus ». « Ceux-ci risquent également de participer de façon non négligeable à la destruction des écosystèmes en partie responsable de l'émergence de zoonoses (maladies infectieuses atteignant les animaux et transmissible à l’homme, NDLR) pandémiques, telle que celle que nous vivons actuellement », pointe Nature et Progrès. La survie de certaines espèces animales pourraient même être remise en question, avec la technique du «forçage génétique » (utilisée pour les OGM de nouvelle génération).
Les lobbys en embuscade ?
En 2018, la Cour de Justice de l’UE rendait sur le sujet un avis attendu. La Cour affirmait que « les organismes obtenus par mutagenèse constituent des OGM et sont, en principe, soumis aux obligations prévues par la directive sur les OGM ». À ce titre, ils doivent donc être traçables, étiquetés et faire l’objet d’une analyse préalable des risques pour la santé et l’environnement. Mais au printemps dernier, le Conseil européen jugeait que « des progrès substantiels dans la mise au point de nouvelles techniques de sélection ont été réalisés, créant des incertitudes quant à savoir si ces nouvelles techniques de sélection relèvent ou non de la définition d’un OGM ».
Le Conseil européen commandait dans la foulée une étude sur la transformation du vivant. Et en mai, la commissaire à la Santé Stella Kyriakides lançait qu’il « pourrait y avoir une modification de la législation existante relative aux OGM à l’issue de cette étude ». C’est en avril 2021 que la Commission doit rendre son rapport. Une échéance stratégique pour les géants de l’industrie phytosanitaires, qui, craignent les associations environnementales, s’agitent en coulisse. « Le lobby des biotechnologies œuvre à la déréglementation de ces nouveau OGM », pointe ainsi Nature et Progrès. Bayer & co ne devront en tout cas pas peser de toute leur influence auprès de certains États européens, dont l’Allemagne. Contrairement aux positions généralement défendues par les écologistes, les Verts allemands se sont dits favorables aux nouvelles techniques de génie génétique.