L’écart salarial (très) loin d’être comblé en Europe

Au rythme actuel, l’écart salarial hommes-femmes en Europe ne sera pas résorbé avant… 2104, alerte la Confédération européenne des syndicats (CES). En Belgique, cet écart a tendance à baisser ces dernières années. Mais il reste encore beaucoup à faire.

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1% en huit ans. Selon les calculs de la Confédération européenne des syndicats (CES), l’écart salarial (à travail égal) entre hommes et femmes s’est résorbé d’autant en Europe. Si les inégalités salariales entre les deux sexes sont en baisse sur le continent, elles le sont donc à une allure d’escargot grabataire. À ce train-là, les femmes devront attendre 84 ans en moyenne pour parvenir à l’égalité des salaires, selon la CES. En Allemagne et en Tchéquie, les femmes devront lanterner jusqu’en 2121, rien de moins. En France, on est encore bien moins pressé : les différences de rémunération s’y aplanissent presque à l’échelle géologique (l’écart a baissé de 0,1% depuis 2010), de sorte qu’à ce rythme, la question sera réglée dans… 1.000 ans. Et sans mesures contraignantes, l’écart salarial continuera même de croître dans neuf pays européens, dont la Pologne et le Portugal.

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« Ursula von der Leyen a suscité l’espoir de vrais changements en promettant de mettre en place des mesures contraignantes en faveur de la transparence salariale au cours des 100 premiers jours de son mandat, a déclaré la Secrétaire générale adjointe de la CES, Esther Lynch. Cette promesse semble toutefois avoir disparu de l’agenda sous la pression de militants anti-femmes et anti-égalité ainsi que des préjugés profondément ancrés auxquels les femmes sont confrontées lorsqu’elles réclament l’égalité ».

Dans le collimateur du CES : le report de la publication de la directive sur la transparence des rémunérations, initialement prévue le 4 novembre, et qui a été déplacé au 15 décembre. La Confédération craint que la directive ne voit finalement pas le jour, et a écrit à la Présidente de la Commission européenne.

La Belgique bonne élève

À rebours de ces chiffres, la Belgique. Si la tendance observée se poursuit, l’égalité salariale hommes/femmes devrait y être atteinte en 2028, selon le CES. Le syndicat européen s’appuie ainsi sur les chiffres 2020 de Statbel, selon lesquels les femmes gagnaient en moyenne en 2018 un salaire horaire inférieur de 6% à celui des hommes, contre 10,2 % en 2010. Des chiffres encourageants, qui doivent toutefois être légèrement tempérés. Fin 2019, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes publiait son dernier recensement concernant l’écart salarial hommes/femmes. Sur base des salaires annuels bruts, l’Institut relevait un écart de 9,6% pour 2017.

Une différence plus importante par rapport aux chiffres de Statbel (3 points de %), et qui ne peut totalement s’expliquer par le fait que les données de Stabel datent de 2018. « Nous utilisons une méthodologie un peu différente, explique-t-on du côté de l’Institut. Le but est de gommer les effets du temps partiel sur les écarts de salaires ». Majoritairement féminin, le temps partiel a un impact important qui fausse la comparaison. L’écart de 9,6% avancé par l’Institut est donc un indicateur corrigé, qui compare ce que les femmes et les hommes auraient gagné s’ils avaient travaillé tous les deux à temps plein. Sans correction liée à la durée de travail, l’écart salarial a en effet plutôt l’air d’un gouffre, puisqu’il s’élevait à 23.7% sur base des salaires annuels bruts. « Malgré des données un peu différentes, on constate toutefois la même tendance que celle observée à partir des chiffres de Statbel : l’écart salarial tend à se résorber en Belgique », précise-t-on à l’Institut.

Le coût de l’inégalité

C’est donc la répartition du temps de travail qui explique notamment les différences de rémunération. Avec un marché de travail fort inégalitaire, les femmes sont bien souvent cantonnées à des jobs à temps partiel. « La cause principale de l’écart salarial réside dans la répartition inégale du travail rémunéré et des tâches de soins non payées, avançait en 2019 Michel Pasteel, directeur de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes. Puis vient la ségrégation sur le marché du travail. (…) Un important déséquilibre persiste entre les métiers mal payés et les secteurs où les femmes sont sur-représentées, et les métiers beaucoup mieux payés et les secteurs où les hommes représentent la majorité ».

Un déséquilibre qui, en plus d’être indéfendable moralement, est coûteux économiquement. En prenant pour référence l’année 2013, l’économiste Olivier Derruine calculait qu’en cas d’égalité salariale, l’ensemble des travailleuses belges aurait dû percevoir un surplus de 3,6 milliards d’euros par an. Un surplus bienvenu, en partie récupérable pour la collectivité via la consommation, et l’impôt. « En appliquant un taux de prélèvement d’environ 30% pour avoir une estimation (grossière) des recettes fiscales additionnelles qu’une plus grande égalité salariale entre les sexes amènerait, on arrive à 1,1 milliard, pointait Olivier Derruine. Si l’on rapporte ce montant à l’ensemble de la législature, cela fait près de 5,4 milliards, soit à peu près 1/3 des 17 milliards d’euros d’économies budgétaires envisagés par le gouvernement Michel ».

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