
Vers des territoires "zéro chômeur"?

La crise sanitaire étant passée par là, on se doutait bien que les chiffres du chômage post-confinement ne seraient pas vraiment resplendissants. C’est en effet le cas : selon l’Onem, le chômage en Belgique a augmenté de 3,4% en juillet 2020, par rapport à l’année précédente. Au niveau régional, cette augmentation est légèrement plus prononcée à Bruxelles (+3,8%) qu’en Flandre (+3,6%) ou qu’en Wallonie (3%). Analysant la situation dans la capitale, Grégor Chapelle, directeur de l’office régional bruxellois de l’emploi (Actiris) plaidait ce jeudi dans les colonnes de l’Écho en faveur des TZCLD pour tenter de redresser la barre.
Les TZCLD ? Derrière cet acronyme barbare, se cache une promesse : celle des « Territoires zéro chômeurs de longue durée ». Un concept que l’on doit à nos voisins français et dont la philosophie est de montrer qu’en finançant des postes non rentables au sein de structures localement implantées, l’État fait des économies en prestations sociales et en coûts indirects du chômage.
Expérience concluante
Comment cela fonctionne-t-il en pratique ? Sur un « territoire » de plus ou moins 10.000 habitants et comptant un taux de chômage fort élevé, se constitue un comité composé d’acteurs locaux (politiques, associations, syndicats, entrepreneurs privés). Ce comité est chargé d’identifier les besoins non satisfaits localement. En fonction de ceux-ci, une entreprise à But d’emploi (EBE) est ensuite créée. Sur base de leur parcours, de leurs compétences ou de leur adhésion au projet, les chômeurs de longue durée ou les bénéficiaires de l’aide sociale résidant dans le périmètre ciblé sont alors engagés par l’EBE. Celle-ci ne peut entrer en concurrence avec le privé ou d’autres structures publiques opérant localement.
Actuellement testé dans 10 territoires français, le dispositif a par exemple permis d’embaucher 94 salariés en CDI à Prémery, dans la Nièvre.« Pour créer ces emplois on a dû développer des activités qui vont des activités bois et forêts en passant par une recyclerie, du maraîchage, de l'aide aux populations, aux collectivités, aux entreprises, toutes les personnes qui travaillent chez nous sont pratiquement toutes embauchées à temps-plein et ont des activités multiples », expliquait à Francebleu Marie-Laure Brunet, coordinatrice de l’EBE locale. Jugée positive, l’expérience va s’étendre : l’Assemblée nationale a adopté ce mercredi 16 septembre une proposition de loi créant 50 nouveaux TZCLD dans l’hexagone.
Des économies pour la collectivité
L’idée intéresse également en Belgique. À la demande du PS et d’Ecolo, la Wallonie et Bruxelles ont inscrit le projet dans leur déclaration de politique régionale (DPR). La Région wallonne est d’ailleurs bien décidée à se lancer. Trois zones ont déjà été retenues- deux dans le Hainaut et une au Luxembourg. L’expérience est censée être menée entre 2020 et 2024, et doit déboucher sur 40 équivalents temps plein par site. À Bruxelles aussi, on s’apprête à créer trois territoires, concernant 180 chômeurs en tout. La Région a chargé Dulbea, le centre d’études économiques de l’ULB, de quantifier le coût d’un TZCLD.
Verdict ? Le coût (en salaire et en dépenses de fonctionnement de l’entreprise) que représentera la remise au travail d’une personne inactive n’en sera en réalité pas un. En fonction des scénarios envisagés (chômeur complet indemnisé, bénéficiaire de l’aide sociale, personne sans allocation, personne handicapée), travailler plutôt que rester inactif fait économiser par an et par personne entre 1.312 et 3.145 euros à la collectivité. Cette dernière aurait en outre bien plus à perdre en maintenant quelqu’un dans l’inactivité, que ce soit au niveau fiscal (impôts des personnes physiques et TVA) ou au niveau social (impact sur les dépenses de santé).
Donc, bonne nouvelle ? Probablement oui, mais tout dépend pour qui. En l’état, la création d’un TZCLD en Belgique ferait surtout l’affaire du fédéral, qui économiserait des allocations de chômage et augmenterait ses recettes fiscales, tandis que les Régions financeraient seules l’expérience. À moins de sceller un accord de coopération, dans lequel le fédéral accepte de maintenir l’allocation de chômage versée et de l’utiliser pour couvrir une partie du salaire de la personne engagée. Perspective presque aussi utopique qu'éradiquer le chômage en Belgique...