Le confinement des enfants a accentué les inégalités sociales de santé

D'ordinaire déjà, tous les enfants ne sont pas égaux face à la santé. La suspension de l'école pendant trois mois aura probablement accentué les inégalités. Certaines mauvaises habitudes et cas de négligence pourraient avoir des conséquences irréversibles.

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Tout au long du confinement, on l'a assez entendu : les Belges ne sont pas tous égaux. Certains vivent dans des villas de campagne. D'autres dans des studios minuscules au centre-ville. Certains vivent seuls, d'autres dans des familles nombreuses. Ce qu'on a moins entendu, c'est que les principales victimes sont sans aucun doute les enfants. Les études pointent le fait qu'ils ont globalement été plus nombreux à traîner devant la télé, la tablette ou les jeux vidéo, à manger des crasses et été se coucher à pas d'heure. Avec l'arrêt des deux heures de sport hebdomadaires à l'école et la fermeture des clubs et des pleines de jeux, ils ont également été moins actifs.

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On comprend, évidemment, que certains sacrifices ont dû être acceptés par les parents en télétravail. Mais, prévient la Professeure Françoise Smets, Cheffe de Clinique pédiatrique à Saint-Luc, Vice-présidente de la Société belge de pédiatrie et doyenne de la faculté de médecine et de médecine dentaire de l'UCLouvain, il faut rester attentif au fait que ces mauvaises habitudes ne deviennent pas chroniques. Or ce risque existerait surtout dans les familles les moins favorisées. Les deux mois de vacances d'été qui arrivent accentuent cette probabilité… "Le confinement a pu augmenter les inégalités au niveau des apprentissages. On sait que la santé sera à un moment ou un autre de la vie de chacun influencée par le niveau d'éducation. Certains enfants moins favorisés ont probablement plus décroché que les autres par le fait que l'encadrement à la maison ait été moins optimal. Cela pourrait avoir à moyen ou long terme un impact négatif sur leur santé."

Maltraitance et négligence

Mais le Pr. Smets refuse de dramatiser : "Si on n'avait pas repris l'école le 8 juin, on aurait connu une activité de mi-mars à début septembre à la maison. Cette augmentation de consommation d'écran est longue dans la durée. Selon l'âge et les caractéristiques socio-culturels, cela pourrait avoir des impacts prolongés. Mais pas sur le développement du cerveau, sauf peut-être pour les très jeunes." Et on ne parle même pas des victimes de maltraitance ou de négligence.

Ces inégalités sociales de santé ne datent évidemment pas de cette crise sanitaire. Dans une étude sur la santé des enfants sortie à la veille du confinement, le duo OMS-Unicef relevait déjà les inégalités. La responsable des droits de l'enfant de l'Unicef Maud Dominicy m'expliquait déjà : "L’extrême pauvreté́ est une grande menace pour la santé des enfants, lorsque les parents ne sont plus en mesure de fournir à leurs enfants les soins émotionnels qui sont essentiels à leur développement et à leur bien-être. Il ne s'agit pas de blâmer les parents : les familles sont prises dans le cercle vicieux de pauvreté́ et l'État ne parvient pas à̀ reconnaître les besoins des enfants dans ces environnements extrêmement marginaux."

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Les soins dentaires : un cas d'école

L'exemple des soins dentaires est révélateur de ces inégalités. Les chiffres de l'agence intermutualiste (AIM) sont effrayants : 58 % des moins de 4 ans n'ont jamais recours au dentiste. Ils sont encore 16 % jusqu'à 15 ans et 15 % jusqu'à 18. Parmi ceux qui s'y rendent, seule une petite majorité le fait chaque année et encore une plus discrète portion y va de façon préventive. Brigitte Mathieu est chargée des projets bucco-dentaires au service de promotion Infor Santé de la Mutualité chrétienne pour le Hainaut. En mars, elle m'expliquait : "Des différences existent selon le profil socio-économique et culturel, c'est clair. Mais je ne veux pas caricaturer. On constate des croyances erronées et de mauvaises habitudes dans toutes les couches sociales ! Encore ce matin lors d'une réunion avec des professionnels, certains ont avoué donner de l'eau aromatisée ou mettre un peu de grenadine dans le biberon."

À Brigitte Matthieu de terminer : "La solution passera par l'éducation des enfants et la sensibilisation des parents. Il faut apprendre aux gens l'impact d'une mauvaise alimentation, l'importance des soins, les dangers du sucre et quel produit en contient. Certains ne se rendent pas compte de la quantité de sucre présente dans une cannette de soda, par exemple. Certains ne pensent pas non plus à donner de l'eau à leurs enfants avant de se rendre à l'école, par exemple, ou fournissent des boîtes à tartine déséquilibrées. Certaines solutions existent. Des écoles proposent des fontaines à eau ou fournissent des fruits. Il faut poursuivre dans cette voie…"

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