
George Floyd, dernier visage des violences policières aux États-Unis

« Je ne peux pas respirer ». George Floyd est menotté, ventre à terre, coincé sous le poids d'un policier qui l'immobilise avec un genou sur le cou. Pendant de longues minutes, l'homme de 46 ans se plaint de ne pas pouvoir respirer et d'avoir mal. Il hurle pour sa maman, pour sa vie, dans un cri d'alarme qui brise le coeur. Le policier, lui, reste impassible, tandis que son collègue tente de contenir les témoins inquiets. Les images de son arrestation sont insoutenables. George Floyd semble désormais inconscient. Il mourra quelques instants plus tard à l’hôpital.
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Avant la diffusion de la vidéo de l'interpellation, filmée par une passante à Minneapolis, le rapport de police faisait état d'un suspect « sous influence », qui aurait résisté avec violence aux forces de l'ordre. Ce dernier serait mort d'un « accident médical », lundi vers 20 heures. Un récit drastiquement différent de la réalité. La caméra de surveillance du restaurant devant lequel il a été arrêté a permis de démentir la version de la police. On y voit Floyd, les mains menottées dans le dos, n'opposant aucune résistance lorsqu'un policier le conduit vers une voiture de patrouille. Le FBI a annoncé l’ouverture d’une enquête mardi.
Deux Amériques
Depuis lors, les manifestations s'enchaînent dans les rues de Minneapolis, et ailleurs, pour réclamer « justice pour George Floyd ». Mardi, la foule, démarrant du lieu où il a perdu la vie, scandait ses derniers mots, « Je ne peux plus respirer ». Dans la soirée, des affrontements ont éclaté entre les manifestants et les forces de l’ordre qui, en tenue anti-émeutes, ont fait usage de gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes. « Un contraste saisissant avec les manifestants anti-confinement dans ce même Etat le mois dernier, où la présence policière était minime », compare le média américain Vox.
Remember how police treated white protestors who threatened actual violence a few weeks ago.
Two very different United States pic.twitter.com/imQjW2S24k
— Taryn Jay ?? (@TarynJay5) May 27, 2020
Traitement de faveur
Les quatre policiers impliqués dans la mort de George Floyd ont été limogés, mais laissés en liberté. Une punition loin d'être suffisante pour la famille du défunt, qui souhaite une condamnation pour meurtre. « Je veux que ces policiers soient inculpés pour meurtre, car c’est exactement ce qu’ils ont fait, ils ont commis un meurtre contre mon frère », a affirmé sur la chaîne NBC Bridgett Floyd, la sœur de George Floyd. « J’ai la foi et je crois que justice sera rendue. »
Le maire de Minneapolis Jacob Frey s’est également demandé mercredi « pourquoi l’homme qui a tué George Floyd n’est pas en prison », affirmant que « si vous ou moi avions fait ça, nous serions en ce moment derrière les barreaux ». L'usage excessif de la force par la police n'a aucune excuse: la méthode d'immobilisation utilisée dans ce cas est interdite, a confirmé le maire.
De nombreuses personnalités ont dénoncé une violence injustifiée et scandaleuse de la part des policiers à l’encontre des personnes noires. La sénatrice Kamala Harris, ancienne procureure générale de Californie, a ainsi fustigé une « exécution publique » dans une société marquée par le racisme, tandis que la star de la NBA LeBron James a publié une photo de l'ancien joueur de football américain, Colin Kaepernick, boycottant, genou à terre, l'hymne national pour protester contre les violences policières visant les Noirs. « Vous comprenez maintenant? Ou c’est toujours aussi confus pour vous? »
L'histoire se répète
La mort de George Floyd est douloureusement familière, près de six ans après le décès d'Eric Garner. En 2014, cet homme noir non armé avait, lui aussi, été asphyxié lors de son arrestation par des policiers blancs à New York. Ses derniers mots - les mêmes que George Floyd -, répétés à onze reprises, étaient devenus un cri de ralliement pour le mouvement Black Lives Matter. Eric Garner avait été arrêté pour vente illicite de cigarettes à l'unité, alors que George Floyd était, lui, soupçonné d’avoir utilisé un faux billet dans une épicerie. Il aura fallu cinq ans pour que le policier responsable de la mort du premier soit limogé, sans jamais avoir été poursuivi en justice.
Il ne faut remonter très loin pour retrouver d'autres décès causés par des policiers ou anciens policiers aux Etats-Unis. Fin février, en Géorgie, Ahmaud Arbery a été abattu en pleine rue par un ancien policier blanc et son fils. Ce n'est que deux mois et demi plus tard, lorsque la vidéo de son meurtre est devenue virale, que les deux hommes furent arrêtés et inculpés. En mars, dans le Kentucky, Breonna Taylor, une ambulancière de 26 ans, a été abattue, chez elle, en pleine nuit, par des policiers dans le cadre d'une enquête qui ne la concernait pas.
Plus récemment encore, ce lundi, un autre fait raciste, sans fin tragique cette fois, a suscité l'indignation sur les réseaux sociaux: la fausse dénonciation d'un promeneur noir par une femme blanche à New York. Lorsque Christian Cooper, passionné d'ornithologie, demande à cette dernière de tenir son chien en laisse dans un secteur de Central Park où c'est obligatoire, elle refuse et menace d'appeler la police. « Je vais leur dire qu’il y a un Afro-Américain qui met ma vie en danger », l’entend-on dire dans la vidéo diffusée sur Twitter.
Les innombrables morts d'hommes et de femmes noirs sont une forme de « génocide », selon Benjamin Crump, un avocat des droits civiques connu pour défendre des victimes noires de bavures policières. Parmi les affaires qu'il a prises en charge, on compte notamment Trayvon Martin, Michael Brown, Tamir Rice, Ahmaud Arbery, Breonna Taylor ainsi que George Floyd. « Combien de morts faudra-t-il avant que le profilage racial et la minimisation des vies noires par la police ne cessent enfin? »