Le séisme des César provoque encore des répliques : toutes les réactions

Roman Polanski, accusé de viol, n’en finit pas de faire des vagues. Pour ou contre, les deux camps ont déterré la hache de guerre à l’occasion de la remise du César du meilleur réalisateur.

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Depuis la récompense attribuée à Roman Polanski vendredi dernier, les réactions ne manquent pas. C’est un véritable feu de forêt qui embrase désormais le cinéma français. Deux camps se dessinent : l'un « pro-Haenel », saluant la sortie de l’actrice qui a quitté la salle au moment de l’annonce du prix, et un camp « pro-Polanski » qui n’hésite pas à défendre le réalisateur.

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De nombreux femmes et personnalités politiques avec Adèle Haenel

Adèle Haenel, qui déclare a posteriori que « ce qu’ils ont fait [avec ce prix], c’est nous renvoyer au silence », n’était d’ailleurs pas seule à partir de la cérémonie, étant notamment accompagnée de Céline Sciamma voire, plus tard dans la soirée, de Florence Foresti « écœurée » par l’événement. Ce geste de révolte a été salué par des personnalités comme l’actrice Rose McGowan ou encore Alexandra Lamy qui écrit sur Instagram « avec tout mon soutien ». L’écrivaine Leïla Slimani, qui a elle aussi quitté la salle Pleyel où se sont tenus les César, a tenu à s’exprimer sur le sujet à France Inter, parlant d’un « moment tout à fait particulier, une sorte de révolution culturelle. […] On est dans un changement de paradigme. Choisir son camp, là, c’est dire : ça n’est plus comme avant, ça ne va plus être possible, le silence c’est terminé ».

D’autres regrettent de ne pas en avoir fait autant et applaudissent. C’est le cas de l’actrice Sara Forestier : « On aurait dû partir et quitter la salle par rangées (...) Ce qui m'intéresse beaucoup c'est ce qui va changer les choses dans le quotidien des femmes et en ce qui concerne mon métier […] Je pense qu'il y a un point de non-retour après cette cérémonie des César », conclut-elle. Idem pour l’écrivaine et réalisatrice Virginie Despentes qui a publié dans Libération un texte s’adressant aux « puissants, boss, chefs, gros bonnets ». Elle y délivre un message empli de colère : « Le monde que vous avez créé pour régner dessus comme des minables est irrespirable. On se lève et on se casse. C'est terminé ! ».

Tout comme l’animatrice Sandrine Quétier qui affirme qu’elle aurait « aimé être là pour quitter la salle avec [Adèle Haenel] », la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, soutient qu’elle aurait elle aussi déserté les lieux si elle avait été présente. Elle précise qu’elle « considère que Roman Polanski est une personnalité qui aujourd’hui n’a pas assumé ses responsabilités dans des crimes, y compris des crimes avérés, confirmés, puisqu’il y a encore une affaire pendante aux États-Unis ». Du ministre de la Culture Franck Riester à Jean-Luc Mélenchon en passant par Rachida Dati, la classe politique semble être du même avis.

La contre-attaque des proches de Polanski et des médias de droite

Face à de telles critiques, l’autre camp n’est pas resté les bras croisés. Alors que la femme de Roman Polanski, Emmanuelle Seigner, a décidé de protester en quittant les réseaux sociaux, sa sœur, Mathilde Seigner, a applaudi le film de Polanski : « Bravo ! Quand le suffrage du vote l’emporte sur la vox populi ». Carla Bruni a quant à elle soutenu Fanny Ardant qui a beaucoup fait parler d’elle en affirmant être « très heureuse pour [Polanski] ». Mais à part celles-ci, peu de stars ont osé soutenir le réalisateur primé, si ce n’est peut-être Jean Dujardin, acteur du dernier film de Polanski, qui a écrit un mystérieux message sur les réseaux sociaux : « Je me casse, ça pue dans ce pays ».

Les contre-attaques les plus fortes se sont fait sentir dans des médias traditionnellement classés à droite. C’est le cas du « Figaro » qui enchaîne les chroniqueurs critiques de la sortie d’Haenel. On y trouve par exemple les tribunes d’Alexandre Devecchio (« César, le cinéma victime de la tyrannie des minorités »), de Gilles William Goldnadel (« Le César de la déclaration la plus stupide est attribué à la comédienne Adèle Haenel ») ou encore de Barbara Lefebvre (« Rien à charge contre Ladj Ly, tout à charge contre Polanski », en référence au réalisateur des « Misérables » condamné pour des affaires de violence en 2011 et 2012).

L’atmosphère était particulièrement tendue aussi sur le plateau de CNews lors de l’émission polémique « L’Heure des Pros ». « C'est horrible, c'est un lynchage, c'est une meute ! Aucune nuance, aucune contradiction n'est tolérée. Appeler Polanski 'Atchoum', c'est-à-dire le traiter de nain, c'est infect », s’indigne Elisabeth Lévy. Jacques Séguéla ose même demander ce « qui se serait passé si Polanski était noir », ce à quoi Jean Messiha répond : « Rien. On l’aurait applaudi ».

Dans ce climat particulièrement pesant, une personne se distingue par sa modération : Claire Denis. Sa position est d’ailleurs particulière, étant l’une des deux femmes, avec Emmanuelle Bercot, à avoir annoncé le nom de Polanski pour le prix. « Emmanuelle et moi devions rendre compte d'un vote, pas rendre un verdict », dit-elle. Claire Denis veut faire la part des choses, n’appréciant pas « qu'au cours de la soirée, on marmonne le nom de Polanski ou qu'on lui donne des surnoms », comme l’a fait Florence Foresti, tout en déclarant qu’elle n’est pas « insensible à la douleur des autres, bien au contraire ». « Un jour, on se parlera avec ceux qui ont quitté la salle. Ce vendredi soir, nous n'avions pas les moyens d'entamer un débat », conclut-elle.

 

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