
Émeutes et pillages: pourquoi les Chiliens sont en colère ?

Tout aurait commencé avec un ticket de métro. Son prix passait le 6 octobre de 800 à 830 pesos (soit de 0,99€ à 1,03€). Une augmentation qui succède à une autre de 20 pesos en janvier dernier, et qui a fait cette fois-ci figure de "goutte d’eau faisant déborder le vase" dans un pays où les inégalités sont de plus en plus fortes. Face aux manifestations considérables de vendredi, le président Sebastián Piñera a décrété le soir-même l’état d’urgence pour quinze jours dans la capitale chilienne. Depuis, un couvre-feu a également été instauré dans plusieurs régions du pays et 10.000 policiers et militaires ont été déployés. Le bilan officiel de ce week-end mouvementé est de 11 morts, 1.463 arrestations et 156 policiers blessés. Il s’agit des pires émeutes que le Chili ait connu depuis des décennies. "Nous vivons de très hauts niveaux de délinquance, de pillages et de saccages", a déclaré le ministre de la Défense Alberto Espina.
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#EvasionMasivaALas18 for three days there has been a developing movement in Santiago de Chile against metro fare increases. Starting with secondary school students and now becoming more general, mass non payment of fares has been organised pic.twitter.com/dgp6Pa70tq
— Jorge Martin (@marxistJorge) October 17, 2019
Mais si l’Histoire nous a bien appris quelque chose, c’est qu’un peuple ne se soulève pas pour rien… Le mouvement de contestation chilien n’a actuellement ni dirigeants visibles ni revendications spécifiques. Malgré la suspension de la hausse du prix du ticket de métro samedi soir, les soulèvements ne se sont pas pour autant arrêtés. Les Chiliens en auraient tout simplement marre de voir les inégalités se creuser et de vivre dans un pays où l’accès aux soins de santé et à l’éducation, ainsi que le système des retraites, relèvent presque uniquement du secteur privé. "Le gouvernement a augmenté le tarif des tickets de métro dans un pays où des gens ont déjà du mal à finir le mois", explique au journal L'Express l'éditeur Armando Uribe-Echeverr qui compare le mal-être global à celui des gilets jaunes en France.
Déconnecté de ce que vit son peuple, Sebastián Piñera avait déclaré quelques jours avant le début des émeutes que son pays faisait figure "d’oasis" en Amérique latine. "Le Chili est présenté comme l'un des pays les plus stables et les plus attrayants de l'Amérique latine. C'est vrai, mais c'est aussi l'un des plus inégalitaires", a également déclaré Armando Uribe-Echeverr. Après l’Afrique du Sud et le Costa Rica, le pays est le troisième du classement des inégalités de revenus dressé par l’OCDE (l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques).
La présence des forces armées dans la rue (une première depuis la fin de la dictature du général Pinochet en 1990) n’a pas aidé à apaiser les manifestants. Ce lundi post-émeutes, les files se sont accumulées devant les stations essence survivantes, ainsi que les supermarchés encore entiers. La station de métro La Moneda, située près du palais présidentiel, a rouvert ses portes ce matin, sous surveillance militaire. Le réseau de bus n’a repris que partiellement et les cours ont été suspendus dans la quasi-totalité des écoles et universités de la capitale.