
Interdire la consommation d’alcool sur le piétonnier: vraie ou fausse bonne idée?

Une interdiction "complètement incontrôlable" pour le MR, une bonne décision pour la N-VA… La décision du bourgmestre de la Ville de Bruxelles d’interdire toute consommation d’alcool sur son piétonnier entre minuit et 6h du matin divise les partis. Concrètement, Philippe Close aimerait voir cette mesure instaurée dès janvier 2020, dans à peine trois mois. À l’exception des terrasses des bars de la principale artère du centre-ville, les citoyens ne pourront donc plus boire de l’alcool dans une zone pilote de 500 mètres autour de la Bourse.
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Cette décision vient d’un constat global sur la faible fréquentation de cette nouvelle voie piétonne due à l’insécurité qui y règne le soir. "On ne peut pas parler d'explosion de criminalité" nuance l’homme politique sur les ondes d’RTL, "mais il faut traiter le problème, on ne peut pas vouloir un grand espace public libéré mais constater que les gens n'osent pas y aller". Du côté de la police, on observe tout de même une augmentation des arrestations dans la zone piétonne du centre-ville : "nous en enregistrons 605 pour la période allant de début janvier à fin août 2019 contre 515 en 2018", nous confirme-t-on par mail.
"Des zombies sous drogue ou sous alcool"
Le principal problème pour Philippe Close ? "Les personnes en état d'ébriété permanente, qui ne sont plus maîtres d'elles-mêmes". Une situation également observée par les habitants de la zone. "À partir de 18h30/19h le piétonnier semble être laissé à la merci d’une 'faune' de sans-papiers/sans-abris, les commerces sont fermés à l’exception des magasins de nuits et des bars, la police, pourtant proche, est aux abonnés absents… Se balader sur une artère à moitié toujours en construction où les seules autres personnes croisées semblent être des zombies sous drogue ou sous alcool n’aide certainement pas à se sentir en sécurité", témoigne Baptiste, habitant du quartier depuis 2015 (une époque où les voitures glissaient encore sur le macadam du Boulevard Aanspach). Il est vrai que les travaux prennent leur temps… Mis en place le 29 juin 2015, le chantier devrait se terminer d’ici le premier trimestre 2020. Pour les habitants du centre-ville, le quotidien rime donc avec bruits de foreuse et poussières depuis cinq ans.
Même son de cloche chez Marine qui a habité le quartier pendant sept ans et a décidé de le quitter cet été. "Je n’étais pas à l’aise quand je rentrais seule de soirée, voire même parfois du boulot en hiver vers 19h. Il y a beaucoup de gens bourrés ou drogués, le plus souvent des hommes. C’est aussi un endroit, de jour comme de nuit, où les remarques sexistes et le harcèlement de rue sont très présents. Quand j’y habitais, je me prenais des remarques au moins une fois par jour. C’était très lourd et le soir, seule, dans la pénombre, ça ne rassure pas vraiment. Je passais également systématiquement devant l’ancien magasin Base devant lequel une bande de mecs dealaient de la drogue aux yeux et à la vue de tous", explique-t-elle.
Que dit la loi ?
En entendant ces témoignages, on ne peut s’empêcher de se poser une question: puisque être en état d’ivresse dans un lieu public est légalement interdit (arrêté-loi du 14 novembre 1939), pourquoi encore tant de personnes en flagrant état d’ébriété circulent librement sur le piétonnier bruxellois ? Pour y répondre, il suffit de regarder de plus près la loi belge. Celle-ci stipule que "quiconque est trouvé en état d'ivresse dans un lieu public peut, le cas échéant, faire l'objet d'une arrestation administrative" à deux conditions: "l'individu cause un désordre ou un scandale dans ce lieu public" ou "représente un danger pour autrui ou pour lui-même". Il ne suffit donc pas d’être complètement saoul pour être arrêté par la police. En instaurant cette nouvelle mesure, le bourgmestre espère peut-être pouvoir procéder à plus d’arrestations en traitant le problème à la source.
Police: no comment
Pour Julien, habitant du piétonnier depuis quatre ans, la décision de Philippe Close vise surtout à éloigner "les SDF ou les ‘marginaux’, soit les personnes les plus concernées par les problèmes d’alcool en rue". Il souhaiterait surtout que cette mesure amène "une présence policière plus importante, mais aussi davantage de travailleurs sociaux pour venir en aide à ces personnes qui n'ont plus que la rue comme logement. Ça, ce serait le top".
Côté police, on ne désire pas trop commenter la décision du bourgmestre bruxellois. Contactées par nos soins, les forces de l’ordre du centre-ville nous répondront juste : "Nos services s’attellent sur le piétonnier comme en tout autre lieu de notre territoire à combattre toutes les formes d'incivilités et de nuisances de nature à troubler la tranquillité, la salubrité et la sécurité publiques".
Projet ambitieux pour réduire la pollution de l’air, le bruit et le stress liés à la circulation automobile, le piétonnier souffre malheureusement de nombreuses nuisances. Il faudra une bonne gouvernance et de la prévention de la part de la Ville de Bruxelles pour que cette zone devienne l'endroit paisible qu'on nous avait promis.