
" Décidément, la forêt amazonienne n’a pas beaucoup de chance "

Le mois dernier, les révélations de la progression de la déforestation en l’Amazonie avaient fait frémir: +34% en mai, +88% en juin, +212% en juillet! Au moment où tout le monde songe à replanter des arbres pour éviter le grand barbecue d’adieu à l’humanité vers 2050, ce n’est pas une bonne nouvelle. L’hebdo anglais de haute tenue The Economist, pas exactement le genre bobo trémolo, lui a même consacré sa couve : " Veillée mortuaire pour l’Amazonie, la menace d’une déforestation galopante ".
Surnommée " le poumon de la Terre ", la forêt équatoriale brésilienne, la plus grande du monde, absorbe encore à elle seule 14% du CO2 de notre planète. On écrit " encore " parce que, ces trente dernières années, son exploitation intensive a diminué d’un tiers ce pouvoir magique d’épuration du globe. Pour ne rien arranger, elle est la proie de violents indendies en ce moment-même. Mais le président Jair Bolsonaro a pris une mesure radicale pour lutter contre la catastrophe annoncée. Il s’est débarrassé de celui qui a avait lancé l’alerte : Ricardo Galvao, le directeur de l’Institut national de recherches spatiales, organisme (notamment) chargé de monitorer l’état du trésor naturel.
Ses chiffres pourtant confirmés par l’Observatoire du climat, Bolsonaro les a qualifiés de mensongers. Puis son ministre de l’environnement, qu’on dit beaucoup trop proche des entreprises minières qui viennent de se voir offrir l’exploitation de terres indiennes en Amazonie, a corrigé: ils sont corrects, mais mal interprétés. Au fond, ça n’a pas d’importance. On n’en attendait pas moins d’un gouvernement d’extrême-droite qui, à l’instar de son modèle trumpiste, est ouvertement climato-sceptique et est prêt à accepter tous les crimes écologiques pour relancer une économie nationale en panne (sa ministre de l’agriculture est surnommée " la muse du pesticide ").
Le président Bolsonaro n’a évidemment pas manqué de dénoncer l’intrusion de l’étranger et de proclamer que l’Amazonie leur appartient, sous-entendu, on en fait ce qu’on veut, le Brésil d’abord. Il aurait pu s’en tenir à cette bravade, qui peut enflammer ses électeurs populaires comme ses amis milliardaires, mais s’il a nié la réalité de la déforestation, c’est qu’il a aussi promis à la communauté internationale de respecter l’accord de Paris sur le climat, une condition indispensable pour que l’Union européenne signe le déjà controversé traité de libre-échange avec les pays du Mercosur (l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay et… le Brésil). Un mensonge ne vient jamais seul. Maintenant, c’est l’Union européenne qui a la main. Voyons de quoi elle est capable…