
Cabinettards: combien gagnent-ils?

Le chef de cabinet d’un ministre wallon peut gagner un salaire mensuel de 3.900 euros brut. Il peut aussi très bien recevoir chaque mois sur son compte en banque 5.510 euros brut. L’arrêté ministériel prévoit en effet une fourchette comprise entre 46.910 et 66.116 euros laissée à la discrétion du mandataire. Gageons alors que les montants inscrits sur les fiches de paie des chefs cab du sud du pays s’approchent majoritairement de la rémunération maximale autorisée. Parce que 3.900 euros brut s'avère une somme peu élevée au regard des horaires pratiqués (facilement 70h/semaine), des sacrifices demandés et des lourdes responsabilités exercées. Parce que aussi le chef de cabinet est une personne de confiance: le ministre ou le parti l’ont choisi pour tenir les rênes du navire. La tâche est difficile. Il s’agit d’avoir la main sur les différents dossiers et négociations en cours, contrôler la communication et diriger une équipe qui monte aisément de 50 à 60 personnes. Une indemnité forfaitaire annuelle de 1.812,45 € pour frais de séjour peut également lui être octroyée. Les chiffres sont identiques du côté de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
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Pécules de vacances et 13e mois
Comme les autres membres du cabinet, un chef de cabinet bénéficie d’allocations familiales, de l'allocation de naissance, de l'allocation de foyer ou de résidence, de celle de fin d'année, du pécule de vacances, mais aussi de chèques-repas (non combinables avec les frais de séjour). Et le salaire des autres membres de l’équipe ? Le même arrêté ministériel de 2014 prévoit les rémunérations annuelles minimales et maximales pour chacun d’eux. Quatre catégories sont distinguées : les membres de niveau 1, les collaborateurs, les experts et les techniciens de surface. Les premiers touchent entre 21.112 € et 56.517 €, les seconds 13.257 € et 39.981 € et les troisièmes 13.257 € et 66.115 €. Quant aux derniers, le salaire s’élève à 13.257 € et 20.235 €. Pour être considéré comme niveau 1, il faut posséder un diplôme d'enseignement supérieur ou justifier d’une expérience justifiée équivalente. Certaines catégories de travailleurs reçoivent des bonus plus ou moins appréciables.
Une grille barémique... théorique
C’est le cas du personnel préposé à l'accueil qui perçoit une indemnité mensuelle pour tenue vestimentaire soignée d'un montant de 49,58 €. Et des chauffeurs qui reçoivent 272,22 € en plus par mois, voire 476,38 € pour le chauffeur personnel du ministre. Notons que les grilles barémiques s’avèrent… théoriques. Chaque travailleur peut en effet toucher davantage que le barème prévu. Par décision motivée, moyennant l'accord du ministre-président et le respect des crédits budgétaires alloués au cabinet, le ministre peut majorer le traitement de certains collaborateurs. Et aucun montant n’est prévu noir sur blanc cette fois-ci. Un chef cab ou un autre membre de l’équipe peut donc gagner davantage que ce qui a été mentionné ci-dessus. "C'est généralement le cas. Il existe souvent une clause de sauvegarde dans notre contrat qui nous garantit le salaire touché chez notre employeur précédent. Le montant peut parfois être beaucoup plus élevé", explique un ancien chef de cabinet. Du côté bruxellois, les chiffres sont sensiblement identiques. Un chef de cabinet touche ainsi en théorie une rémunération de base annuelle entre 48 281 € et 64 889 €. Soit par exemple autant qu’un directeur général d’OIP comme Bruxelles Environnement.
Une prime pour les fonctionnaires détachés
Parler rémunération dans les cabinets ministériels nécessite également de revenir sur les deux types de travailleurs qui s’y côtoient : les détachés de la fonction publique et les autres. Les chiffres cités ci-dessus concernent ces derniers. Les premiers conservent la rémunération versée par leur administration à laquelle se rajoute une indemnité versée par le cabinet. Le chiffre s’élève à 8.507 euros pour les chefs de cabinet, 2.381 et 4.423 euros pour un collaborateur classique et 2.381 euros pour les techniciens de surface. "Je fais le même job que mon collègue, mais je suis payé directement sur les fonds du cabinet et lui est payée par son administration. Si je coûte plus cher au cabinet, il gagne entre 400 et 600 euros en plus que moi. Il attendra jusqu'au bout la fin du gouvernent actuel, car ce n'est pas dans son intérêt financier de retourner plus tôt", explique un collaborateur. "Moi, j'étais détaché et je recevais une prime mensuelle de 580 euros nets", indique un chef cab du sud du pays. S’il y a fourchette de rémunération, c’est par ailleurs qu’il y a marge de négociation. Dans ce cadre, la loi de l’offre et la demande joue évidemment pleinement son rôle.
La politisation encouragée
Pour Marie Göransson, professeure à l’ULB et auteure d’une thèse de doctorat sur les cabinets, le cas des fonctionnaires détachés est particulièrement intéressant à étudier. La technique a pour défaut de politiser les administrations. Les principaux concernés reviennent en effet plus tard dans leur service initial désormais accolés d’une étiquette politique. Mais elle facilite le recrutement d'équipes pléthoriques. Le salaire reste en effet souvent à charge de leur administration. Mais pas toujours. Certains OIP ou le Forem réclament parfois le paiement du salaire. "Le recours aux fonctionnaires détachés dépend des ministres et des partis. Dans l’administration, il va falloir vous remplacer et cela crée quand même un surcoût. Certains partis le font plus que d’autres. Il s’agit des partis qui sont depuis longtemps au pouvoir et susceptibles d’avoir plus facilement des relais dans l’administration tels que le PS, le CDH ou le CD&V", explique la chercheuse.
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