
Les impôts, c’est fait pour les gilets jaunes, pas pour les gilets dorés

Chez ces gens-là, ça doit faire très clette de payer tous ses impôts honnêtement. Au golf, si on avoue à ceux de son espèce qu’on ne fait pas de la grosse fraude fiscale, on a un gage. Chez ces gens-là, il y a(vait) Carlos Ghosn. Un magicien de la gestion, à ce qu’on a pu voir. Et une star au Japon. Patron français de Nissan depuis 1999, il redressera au pas de charge la marque japonaise au bord du gouffre, notamment en l’adossant à Renault puis à Mitsubishi. Et tout ça est aujourd’hui devenu le n°1 mondial du secteur auto. D’où l’icône qu’il est (était) en terre nipponne. Une idole évidemment sur-méga-rémunérée : rien que de 2009 à 2016, entre ses revenus chez Nissan, chez Renault et des rawettes chez Mitsubishi, le vénéré Carlos a palpé plus de 100 millions d’euros.
Mais un jour, dans sa tête, le gars se dit : j’en veux encore plus. Beaucoup plus. Et donc je vais tripoter les comptes de ma boîte pour dissimuler au fisc (japonais) une partie de mes rémunérations chez Nissan. Ce qui dure depuis des années : des revenus, il en a caché pour 8 milliards de yens en tout. 62 millions d’euros ! Tant qu’à faire, je vais aussi utiliser des biens de l’entreprise à mon profit personnel. Et puisque je suis très famille, je vais encore payer ma petite sœur 100.000 dollars par an (depuis 2002 !) pour un travail de “conseil” bidon dont on ne trouve aujourd’hui aucune trace chez Nissan.
Dénoncé par sa propre entreprise à la suite d’un audit interne, le fier Carlos a été arrêté à Tokyo. Il risque jusqu’à 10 ans de prison. Et il est déjà remplacé à la présidence du groupe automobile. Question : quand on amasse plus de 15 millions par an, c’est-à-dire 500 fois le salaire de ses petits employés, quand on est adulé pour son talent, quand on a tout et bien plus que plus, quel est ce nic-nac qui déraille dans la boîte crânienne ? Pourquoi tripatouiller pour collectionner encore plus de mégatonnes d’argent fou, quitte à valser un jour en taule ? J’ai peut-être une réponse… Chez ces gens-là, n’y aurait-il pas une sorte de délectation perverse à se dire que les impôts, c’est fait pour les gilets jaunes, pas pour les gilets dorés. Elle est plus forte que tout, cette délectation.
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