
Comment repérer les aliments qui nous empoisonnent

La revue française n’y va pas avec le dos de la cuillère. Et si 60 millions de consommateurs enfonce de nombreuses portes ouvertes, son dernier hors-série a le mérite de dresser un inventaire quasi exhaustif de la malbouffe. Des aliments trop sucrés/salés/gras aux additifs présents dans les produits transformés, des plats vegan ultra-suspects aux matières premières gorgées de pesticides. Premier constat: malgré les initiatives prises par les pouvoirs publics et les industriels pour contrer la malbouffe, on bouffe de plus en plus mal. En Belgique, on consomme ainsi deux fois plus de sucre que la quantité recommandée. Une régression corrélée par le boom du surpoids. Un Belge de plus de 15 ans sur cinq est d’ailleurs en surcharge pondérale.
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Le magazine épingle donc plus de 100 produits à proscrire. Avec des têtes de gondole déjà bien connues, dont le ketchup Heinz - 8 tomates pour 22 sucres - ou le Nesquik, “la boisson cacaotée la plus vendue au monde” (dixit Nestlé) qui contient en réalité 76 % de sucre. L’ennemi public numéro un est en effet souvent dissimulé dans les recettes avec des dénominations telles que fructose, dextrose ou maltodextrine. À tel point que 70 % des sucres que nous consommons sont ajoutés et cachés. Pas évident de les repérer, donc, même en scrutant les étiquettes. D’autres produits que l’on n’imaginait pas aussi édulcorés sont épinglés. Comme le Véritable Petit Beurre de LU (23 % de sucre) ou certaines bar-quettes de carottes râpées qui peuvent contenir dans leur vinaigrette un demi-morceau de sucre.
Le sel opère également ce genre d’intrusion aussi subtile que massive. 80 % de celui que nous absorbons provient d’ailleurs des aliments ultra-transformés. Des plats fabriqués “avec très peu de matières premières brutes (fruits, lait, viande..) et beaucoup d’additifs ou d’ingrédients reconstitués dans le but de leurrer le goût du consommateur”. À l’image de certains cubes de bouillon Maggi et leurs 63 % de sel. Avec quelles conséquences sur notre santé ? En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a épinglé les viandes transformées et les charcuteries comme cancérogènes probables. Un lien confirmé par une étude internationale publiée début 2018 dans le British Medical Journal. Les mauvaises graisses sont également passées au crible. À l’instar du Kinder Bueno qui, malgré le verre de lait et les noisettes en gros plan sur l’emballage, se révèle aussi gras que des rillettes.
Du vegan, mais douze additifs
Sauf que “les tartuffes du manger sain” n’ont pas froid aux yeux non plus, déplore la revue française. Laquelle en profite pour tacler ces produits “sans sucre”, “vegan” ou “sans gluten” qui se révèlent aussi peu recommandables, voire d’une qualité encore plus exécrable que leurs homologues traditionnels. Tel le Cordon-bleu Vegan Deli de l’enseigne Monoprix et ses 12 additifs. En gros, des mets supposés allégés qui remplacent un ingrédient honni par un autre. Autre exemple édifiant avec la sauce soja Kikkoman à teneur en sel réduite. Si elle contient 43 % de sel en moins que la classique, sa quantité de sucre, elle, a bondi de 550 %! Le magazine qualifie également cer-taines céréales pour enfants de “bombes de graisses”. Comme les marques Tresor et Extra Fruits de Kellogg’s. Mêmes remontrances en ce qui concerne les barres de céréales et, plus étonnant, les poêlées de légumes de Bonduelle ou Picard qui doivent être utilisées sans ajouter de matières grasses.
Mais la plus grande déception vient des yaourts. Alors que la réglementation française interdit l’ajout d’additifs dans ces préparations lactées, les grandes marques en incorporent en quantité dans les mélanges de fruits qui les parfument: neuf additifs dans le yaourt Carrefour aux fruits recette crémeuse, douze dans le panier de Yoplait nature sur fruits. “Le mélange de fruits sert en somme de cheval de Troie pour contourner la loi. Un subterfuge qui dénature un produit simple et bon pour la santé”, tacle le magazine. Avant de dresser la liste noire des 50 additifs “à proscrire”, dont le caramel E150d utilisé pour colorer les colas. Un additif classé cancérogène possible par le CIRC.
Bon, l’ultra-transformé n’est pas un problème en soi. C’est plutôt la (trop grande) place qu’on lui accorde
Pour l’Association française des industries alimentaires, ce dossier ne fait pourtant “qu’alimenter les peurs”. “On atteint aujourd’hui un niveau inédit d’industrialisation des aliments, confirme pourtant le diététicien Nicolas Guggenbühl. Bon, l’ultra-transformé n’est pas un problème en soi. C’est plutôt la (trop grande) place qu’on lui accorde.” Mais ne tombons pas non plus dans la caricature et relativisons cela en fonction des quantités réellement consommées. “Le ketchup, par exemple, ne se mange pas à la louche. Une portion n’apporte d’ailleurs pas plus de sucre qu’une pomme.” Même relativisme en ce qui concerne les sucres “cachés”. D’abord, se félicite Nicolas Guggenbühl, on n’a jamais eu autant d’infos sur les étiquettes. Ingrédients, composition nutritionnelle, présence d’allergènes… “Même si les producteurs vont utiliser cet arsenal réglementaire en leur faveur, il faut aussi faire preuve d’un peu de bon sens. Il est d’ailleurs impossible de masquer le goût du sucre. On ne trouvera donc pas de sucre ajouté dans un produit qui n’est pas sucré!”
Finalement, ne vaut-il pas mieux consommer un produit que l’on sait bourré de sucre plutôt que sa version allégée et ses additifs malsains? “Tout dépend de ce qu’on cherche. Si vous souhaitez perdre du poids ou que vous êtes diabétique, il vaut mieux consommer la version allégée. Quitte à augmenter la dose de sel ou d’additifs. Le bénéfice de l’absence de sucre sera en effet probablement bien supérieur au risque potentiel des édulcorants, par exemple.” Tout est aussi question d’équilibre. “Si vous mangez de temps en temps une tartine de pain complet avec de la pâte à tartiner, cela ne posera pas de problème.” En revanche, si vous consommez tous les jours du pain blanc avec du Nutella, vous avez solidement intérêt à compenser cette avalanche de sucre et de graisse.
Et maintenant, on mange quoi ?
Des produits sains, pardi! Et ce n’est pas si compliqué. De manière générale, on l’aura compris, il faut d’abord éviter les produits transformés. Retour donc aux matières premières comme les fruits et légumes, les noix, les graines, les viandes, les poissons ou les produits laitiers non transformés. On veillera également à diminuer sa consommation de viande rouge - dont l’excès de fer favorise l’apparition de cancers - à 500 grammes par semaine. Même logique en ce qui concerne les produits gorgés de sucres rapides. Préférez les sucres lents contenus dans les pâtes, le riz et le pain complet. Optez également, si votre budget le permet, pour des fruits et légumes bio. Si on y retrouve également des traces de pesticides - propagés par les cultures traditionnelles adjacentes, par exemple -, elles sont deux à trois fois moins présentes. Préférez également les produits locaux. Selon 60 millions de consommateurs, “plus un produit vient de loin, plus il risque d’avoir reçu un dernier pesticide après la récolte pour qu’il ne pourrisse pas en route”. Côté lipides, on veillera à manger un poisson gras une fois par semaine et on optera pour une huile riche en oméga 3 comme celle de colza ou de noix. Les nutritionnistes sont formels, il ne faut pas bannir tous les lipides mais plutôt éviter l’excès d’acides gras saturés.
Calculez le Nutri-Score
En attendant une potentielle signalétique apposée sur les produits, différents outils permettent de faire le tri entre malbouffe et nourriture plus saine. Échelonnée des lettres A (le plus sain) à E (le moins sain), la signalétique Nutri-Score n’est pas parfaite - elle ne comptabilise pas les additifs, ni obligatoire, mais certains fabricants ont accepté de jouer le jeu. Et si cette cotation est seulement apposée sur les étiquettes en France, le site de Test-Achats permet de connaître la cote des produits vendus en Belgique. Plus pratique encore, l’appli pour smartphone Open Food Facts permet de scanner un produit dans un magasin pour en connaître sa cote. “C’est un moyen très simple de résumer beaucoup d’informations, se réjouit le diététicien Nicolas Guggenbühl. Les études ont montré que cette signalétique est comprise par les couches sociales les plus inférieures. Ce qui est capital, car ce sont les populations les moins bien informées.” Alors pourquoi ne pas l’appliquer en Belgique? “Du côté des autorités, en tout cas, c’est le silence le plus complet !”