Pour être belle de la vulve

Socialement acceptée par les “millennials”, la chirurgie esthétique conquiert des nouveaux territoires. Après le nez, les oreilles et le ventre, elle s'étend à l’entrejambe. La nymphoplastie, intervention qui vise à raccourcir les petites lèvres de la vulve, connaît une demande croissante.

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Dans le cabinet du Dr Raad, gynécologue, les patientes demandent des nymphoplasties depuis plus de vingt ans. Cette opération, encore confidentielle, se répand depuis une dizaine d’années. 1254 femmes belges sont passées sur le billard en 2016 selon l'American Society of Aesthetic Plastic Surgery. Une intervention de plus en plus pratiquée, si on en croit un rapport de l’INAMI publié en 2015, puisqu’en sept ans, cette pratique a bondi de 70%. Pour les chirurgiens, les patientes y recourent principalement pour des raisons esthétiques.

Le “sexe de la Barbie”

Ou comme un abricot, lisse, imberbe, rose… Une vulve prégénitale. Ces standards sont connus sous le nom du “sexe de la barbie”, ou du non-sexe. Pour celles dont la vulve ne correspond pas à ce modèle nord-occidental, regarder en bas peut devenir insupportable. Les raisons qui motivent cette intervention sont nombreuses. L’épilation intégrale révèle ce que la toison pubienne voilait. Les vêtements moulants rendent le sexe ultra-visible, et forment des vilains camel toe  (littéralement « orteil de chameau »). La pornographie mainstream véhicule des standards d’anatomies féminines éloignées de la réalité. “Je voyais bien que les filles dans le porno n’avaient pas les mêmes lèvres que moi…” explique Fanny. Cette étudiante en communication a demandé cette opération à sa majorité après mûre réflexion. Le Dr Raad s’assure toujours que la décision soit celle de la patiente, non de leur partenaire. Auquel cas, il refuse d’opérer.

Le gynécologue maintient que la subjectivité et l’image de soi priment : “Des tas de femmes ont des petites lèvres asymétriques et longues sans que cela pose un problème.” Si pour Fanny, les raisons étaient avant tout médicales, le résultat esthétique est loin de lui déplaire. “Maintenant ma vulve est super belle, enfin selon les films porno”. Elle est consciente de l’imagerie qui influence sa vision. Pourtant, elle n’avait jamais essuyé de remarques négatives avant son opération. “Je ne me suis jamais dit que c’était anormal, même si je me posais des questions évidemment” confie l’étudiante.

Le bouche-à-oreille popularise également la pratique. “Je reçois des jeunes filles qui disent que leur copines sont venues me voir et qu’elles veulent la même chose” témoigne le chirurgien. Mais elles n’obtiendront jamais un résultat identique. “Si elles veulent une symétrie parfaite, ça n’existe pas” indique le docteur à ses patientes. D’après ce dernier, dans 90% des cas les raisons d’une nymphoplastie sont esthétiques.

Pour son projet 101 vaginas, Philip Werner a phototographié les parties génitales de femmes.

La peau dans la dentelle

La gêne était physique avant d’être esthétique pour Fanny. Cette fan d’équitation se souvient “descendre du cheval avec un sexe qui saigne”. La douleur dépassait le cadre sportif : “je ne pouvais pas mettre de la lingerie en dentelle, mes lèvres se coincaient dedans alors c’était horrible pour me déshabiller”.

En Belgique, les critères médicaux définissant l’hypertrophie vulvaire et justifiant son but réparateur sont quasi inexistants. Certains estiment qu’il y a un développement excessif des petites lèvres à partir de 4 cm. La réduction est donc laissé à l’appréciation de la patiente et du praticien. Mais sans justification médicale, il n’y a aucune prise en charge de la mutuelle. Une opération qui n’est pas anodine, que ce soit au niveau physique, comme d’un point de vue financier : les frais s’élèvent à un montant variant de 1000 à 3000 euros.  

"Soyez fières de vos lèvres et dites-le au monde entier" clame le blog Courageous Cunts

Douloureuse cicatrisation

Quand Fanny a repris connaissance dans la salle de réveil, elle l’a aussitôt perdu. “Deux minutes après le réveil, j’ai éclaté en sanglots. La douleur était tellement intense, c’était horrible”, raconte la jeune fille. Pour s'asseoir et faire pipi normalement, ça lui a pris plus d’une semaine. Si les risques sont moindres, ils restent néanmoins présents et causent principalement des saignements. “Les petites lèvres sont du papier de cigarette. Parfois ça lâche et il faut reprendre six mois ou un an après” explique le Dr Raad. Quant aux problèmes sexuels, ils sont extrêmement rares.

Les préjugés sévissent aussi. Fanny s’est gardé d’ébruiter son expérience par crainte des opinions malveillantes: “Dès que tu te fais opérer à cet endroit, on te met dans la case de la fille qui a trop fait l’amour ou qui s’est trop masturbé, donc ses lèvres pendent”.

Cruelle beauté, assujettissante société, puissants complexes. Etre bien dans sa culotte passe aussi par la tête. De nombreuses initiatives le martèlent : votre sexe est beau, prônons la diversité et arrêtons l’uniformité. Longue vie aux vulves !

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