
Mehdi Bayat: «Moi aussi, j'ai souffert du complexe carolo»

Lui qui, à un moment de sa vie, passait chez le coiffeur avant chaque match, a changé, évolué. Loin des superstitions, il avance vite pour que son club grandisse et, qu'un jour, les Zèbres prennent durablement la route de la Coupe d’Europe... Aux côtés de l’aéroport carolo, un exemple parmi d'autres de réussite de la première ville francophone.
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Pour vous tout commence grâce aux échecs de votre oncle?
Mehdi Bayat - Lorsque mon oncle m'a dit de relancer la dynamique commerciale du club, c'était un vrai défi. A Charleroi, j'ai immédiatement été bien accueilli. Les Carolos sont attachants et ouverts à une nouvelle tête qui débarque.
Vous connaissiez la ville ?
M. B. - Pas du tout. Pour mon premier RDV commercial, j'ai repris le listing des anciens commerciaux du club et j'ai été à mon premier RDV au boulevard Tirou dans un magasin de meuble. J'ai mis 45 minutes du Stade au boulevard Tirou. Je me suis perdu. J'ai demandé mon chemin à des Carolos... mais je suis revenu avec un contrat. Mon premier. J'y ai vu un signe positif.
Assez rare, en effet...
M. B. - Aujourd'hui, ce magasin est toujours sponsor du club et je m'occupe personnellement de ce contrat. J'ai beaucoup de plaisir à y retourner.
Charleroi a toujours une image contrastée aujourd'hui ?
M. B. - Moi aussi, j'ai souffert du complexe carolo. J'ai vu et entendu comment les gens de l'extérieur parlaient de Charleroi. La ville mérite mieux... Elle possède de nombreux atouts comme première ville francophone de Belgique. Et quand je dis cela, je n'en veux pas aux Liégeois.
J'ai vu et entendu comment les gens de l'extérieur parlaient de Charleroi.
Avoir des partenaires commerciaux, c'est plus facile aujourd'hui ?
M. B. - Evidemment, tout a changé! Trois-cent partenaires sont intéressés par notre projet contre une vingtaine au début. Quand, j'ai repris le club en septembre 2012, nous avons poursuivi ce travail de fond.
Vous travaillez sur la durée, dans un monde qui veut des résultats chaque week-end...
M. B. - J'ai conscience de ce paradoxe. Il est essentiel que les gens ou les supporters comprennent qu'il faut du temps pour réaliser des projets sérieux. Cela nous a permis de mettre sur pied des fondations solides.
Pourtant au début, les supporters n'adhéraient pas forcement, ils étaient déçus.
M. B. - Mon plan 3-6-9 est un projet à moyen et à long terme. J'ai pris le temps de l'expliquer aux supporters qui, au début, ne le comprenaient pas, parce que j'étais notamment obligé de vendre des joueurs pour faire face à la réalité budgétaire. Je me suis dit alors que je devais être plus pédagogue. C'était indispensable pour fédérer toutes les forces autour du club. Si au bout du projet 3-6-9, je réussis ou j'échoue, les supporters auront des éléments objectifs à opposer ou pas. Et je leur ai dit: «Si je respecte ma ligne de conduite, soutenez-moi! C'est un projet fédérateur.»
Comment choisissez-vous les futurs joueurs ?
M. B. - Quand je choisis un joueur, je veux absolument voir s'il correspond au projet humainement et sportivement. Je veux voir son état d'esprit, c'est plus important que le foot. Tout le vestiaire est réellement investi dans le projet du club. Pendant les stages, je parle avec chaque joueur pour qu'il intègre pleinement le projet.
Quand je choisis un joueur, je veux absolument voir s'il correspond au projet humainement et sportivement.
En quoi êtes-vous différent des autres dirigeants de clubs ?
M. B. - Ma philosophie est claire, le club doit dépendre du travail de son personnel et pas d'un seul sponsor qui met tout en danger suivant son financement. Je tiens aussi à ce que chaque membre de notre personnel - des joueurs au secrétariat, en passant par le steward - s'identifie à notre projet.
Le travail, rien que le travail ?
M. B. - Nous avons une ligne de conduite et un projet. Nous y investissons beaucoup de temps et de travail. Le travail, c'est le secret de notre réussite actuelle.
Le travail fera de Charleroi un grand club?
M. B. - On n'est pas encore un grand club, mais on veut travailler pour en devenir un... et le rester! Je veux rendre le club à la ville. Nous vivons une année exceptionnelle. Depuis le début du championnat, nous sommes soit premier soit second. Avec Felice Mazzu, nous tenons notre ligne de conduite. On peut tout réussir à partir du moment où on a la volonté de travailler.
On n'est pas encore un grand club, mais on veut travailler pour en devenir un... et le rester!
Le Sporting aide Charleroi à se redresser ?
M. B. - On est tombé à un bon moment où la ville est en reconstruction avec les projets de Paul Magnette. La ville se redresse et nous sommes pour l'instant aussi au sommet du foot. Avec Rive gauche, au centre ville de Charelroi, le potentiel économique de Charleroi est très grand. Il y a un essor extraordinaire. Les réussites économiques de Charleroi sont nombreuses: l'aéroport, le Biopark, la Sonaca, les biotechnologies... Les gens ne doivent pas avoir peur d'investir à Charleroi et même de revenir y vivre. Plus que jamais, il faut être fier d'être Carolo.
Quel est le plus grand défaut de Charleroi ?
M. B. - L'absence d'une université dans la ville est une faiblesse. On peut transformer cela en réfléchissant à la mise en place de structures innovantes d'enseignement. Je ne crois plus trop à l’enseignement généraliste mais créons un pôle d'enseignement évolutif pour pouvoir répondre aux changements permanents de notre société.
En sport, vous voyez plus grand. Vous vous investissez à la Fédération de football à Bruxelles ?
M. B. - Oui, il était important d'aller à la Fédération pour représenter Charleroi pour rendre le club plus visible, plus fort. Il avait connu une période difficile avec mon oncle en termes d'image à la Fédération. Si on améliore le football belge, on améliore indirectement l'environnement pour Charleroi.
Vous feriez de la politique à Charleroi ?
M. B. - Mon rôle, c'est déjà de la politique participative. C'est un devoir envers la ville et les supporters. On n'a pas besoin de faire partie d'un parti politique pour améliorer la ville. On a un vrai rôle sociétal. On participe à la cityparade, au carnaval avec un char, on essaie d'être présent aux manifestations culturelles, économiques...
On n'a pas besoin de faire partie d'un parti politique pour améliorer la ville. On a un vrai rôle sociétal.
Le Club joue un rôle sociale aussi. C'est indispensable pour vous ?
M. B. - La Fondation du Sporting est importante, elle s'investit dans des projets de la ville ou dans des écoles comme à l'école Saint-Paul à Mont-Sur-Marchienne avec une classe inclusive adaptée pour un enfant trisomique. La classe et la cours de récréation ont été aménagées. Tous les enfants profitent de ces échanges. On veut aider et faire du bien. La Fondation Sporting de Charleroi, créée en 2015 soutient notamment la Belgian Homeless Cup, le Cécifoot, le Télévie ou encore Viva For Life.
Les jeunes joueurs sont «des têtes bien faites»?
M. B. - Au niveau scolaire, on a un partenariat avec l'Athenée Vauban pour le pôle élite. Parfois, si nos joueurs ne sont pas bons à l'école, ils sont sanctionnés sur le terrain. On a aussi mis en place des cours de remédiation scolaire dans le stade. Pour les jeunes qui ont la volonté et qui veulent travailler et apprendre, le Sporting est là pour les soutenir.
Vous tenez à faire du Sporting un club qui dépasse Charleroi ?
M. B. - On a la volonté de poursuivre les améliorations de l'école de jeunes. On doit jouer notre rôle dans le bassin (Mons, Namur, Couvin, Brabant wallon). Notre formation va ensuite rejaillir sur les joueurs qui n'arrivent pas en premier en équipe amateur. On veut d'ailleurs développer et améliorer les partenariats avec les équipes amateurs.
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