Le CETA pour les nuls

Ces quatre lettres ont attiré les regards du monde entier sur la Wallonie. Mais qu’est donc exactement ce traité de libre-échange entre le Canada et l’Europe dont personne n’avait jamais entendu parler avant? 

Le CETA pour les nuls _Belga

La Wallonie a envahi les écrans de toute l’Europe. Actuellement, il est trop tôt pour savoir si cela représentera un impact négatif ou positif sur l’image de la Région à long terme… Mais pourquoi ce traité de libre-échange avec le Canada (CETA) a-t-il secoué la Belgique et l’Europe? Que peut-on lire dans ce texte qui a fait de Paul Magnette le héros des francophones? Ce traité a-t-il vraiment été modifié? Pas pour le Premier ministre Charles Michel qui évoque “une norme de droit international à laquelle nous n’avons pas touché une virgule” et “un bon accord”. 
Des propos qui ont fait sourire Paul Magnette: ”Le Premier ministre n’a dit que la moitié de la phrase. Il ne dit pas qu’à côté du traité, on a négocié des textes de plusieurs dizaines de pages qui apportent des amendements au traité ou des précisions”, s’est-il défendu lors de l’émission Jeudi en prime sur la RTBF. Magnette va à présent   devoir gérer en partie la déception d’un public qui a cru qu’il allait résister jusqu’au bout à cet accord. “Je n’ai jamais dit cela. J’ai toujours eu la volonté d’aboutir à un  accord qui soit bon pour les Wallons et l’Europe” . Retour sur ce moment politique particulier en 16 questions.

En quoi Paul Magnette a-t-il fait changer le texte? 

“Il n’y aura jamais d’arbitrage privé dans ce type d’accords commerciaux. Toutes les normes sociales, environnementales, et les services publics sont mieux protégés. Une évaluation à intervalles réguliers des effets socioéconomiques et environnementaux de l’application provisoire du Ceta est prévue. Si cela met en danger notre économie, nous pourrons réagir. Enfin, une clause de sauvegarde agricole pourra être activée en cas de   déséquilibre” affirme  le grand timonier wallon. 

Mais au fait, CETA, cela veut dire quoi?

L’acronyme CETA fait référence au “Comprehensive Economic and Trade Agreement”. Il s’agit d’un accord commercial “de nouvelle génération” entre le Canada et l’Europe pour évoquer les questions de diminution du coût des droits de douane (produits de la mer, automobile…), de brevets, etc.

Que représente le Canada pour nous? 

Le douzième partenaire commercial de l’U.E. alors que celle-ci est la deuxième partenaire du Canada. 

Était-on les seuls à dire non?

Outre les Bruxellois et la Fédération Wallonie-Bruxelles, plusieurs régions (Pologne, Allemagne, Autriche, Finlande, Pays-Bas) ont fait part de certaines objections sans toutefois affirmer leur “non” avec une telle force.

Des pressions sur les épaules wallonnes? 

Clairement, l’avenir du versement des fonds européens a été évoqué. À titre d’exemple, le programme Feder intervient pour près de un milliard d’euros pour plus de 400 projets wallons. En cette période de crise économique et de relance wallonne, la Région ne pouvait se passer de ces moyens.

Depuis quand le Fédéral était-il au courant du problème Wallon?

Six mois ! Le Parlement wallon avait approuvé une résolution contre le Ceta et Paul Magnette avait dit qu’il ne donnerait pas les pouvoirs spéciaux au ministre fédéral des Affaires étrangères Didier Reynders.

Les USA vont-ils nous envahir? 

Les autorités wallonnes craignaient surtout pour l’avenir de leur secteur agricole et alimentaire. Les plus inquiets rappelaient que plus de 70 % des entreprises US présentes en Europe ont un pied au Canada.

Les produits wallons mieux protégés? 

Le combat se situait au niveau des normes sanitaires et des indications géographiques. Aucun produit wallon ni même belge ne figurait dans la liste des appellations d’origine protégée du Ceta. À ce niveau, “le bœuf aux hormones” a été médiatiquement efficace pour interpeller la population. La qualité de notre alimentation est au centre des attentions. “On sait que 80 % de la viande bovine canadienne est produite avec hormones” notait le ministre wallon René Collin. 

Un danger pour nos agriculteurs? 

Le cœur du combat du cdH dans le binôme wallon avec le PS. La crainte de voir débarquer les produits des grandes   exploitations aux méthodes intensives dans une agriculture européenne en crise était inconcevable. Sa priorité: aider les circuits courts. Les plus favorables au texte originel soulignaient les débouchés intéressants de ce traité notamment pour les fromages européens.

Les services publics étaient-ils en danger? 

Lorsqu’il a dit “non”, Paul Magnette a rapidement brandi le danger d’un tel traité pour nos services publics (Santé, Sécurité sociale, Enseignement…). Le Premier wallon ne tenait absolument pas à ce qu’un jour une entreprise privée se sentant flouée dans un secteur vienne réclamer des compensations. Une déclaration sur les services de mutuelle a été ajoutée: ceux-ci sont considérés comme d’intérêt général et exclus des services financiers.

Le CETA est-il dangereux pour les PME? 

Le “non” wallon n’était pas seulement destiné à protéger le monde agricole. Les responsables politiques craignaient un Ceta trop taillé pour les grandes entreprises. Surtout que le réflexe des PME wallonnes n’est pas encore assez tourné vers la “grande exportation”. Pour rappel, à l’échelle européenne, 99,3 % des PME n’exportent pas hors des frontières. 

Le CETA va-t-il créer des emplois?

Le débat existe. Certains experts affirment que la croissance que le traité provoquera en Europe permettra la création de nombreux emplois. Pour les détracteurs, le Ceta risque de causer 200.000 pertes d’emploi dans l’UE.

L’État protégé contre les entreprises?

C’était l’une des questions qui inquiétaient le plus Paul Magnette. Mieux encadrer les affrontements potentiels entre multinationales et autorités publiques. Il est prévu la mise en place d’un tribunal permanent. L’important, pour lui, est d’être certain que les juges qui y siégeront seront totalement indépendants et impartiaux. 

Où était le ministre wallon de l’économie?

Silencieux. Discret. Jean-Claude Marcourt a rappelé qu’il partageait les positions de Paul Magnette… mais il a su garder une retenue indispensable pour lui qui discute tous les jours avec les patrons des sociétés qui investissent en Wallonie. 

Des Wallons ont-ils défendu le CETA? 

La directrice générale de l’AWEX (Agence wallonne à l’exportation), Pascale Delcomminette, a fait une sortie remarquée en faveur d’une signature du traité. André Antoine, président du Parlement wallon, n’avait pas manqué de s’en offusquer. 

Pourquoi le CETA dérange Bart De Wever?

Le Ceta est revenu comme un boomerang au visage de Bart De Wever. Il a toujours réclamé “davantage de compétences” pour les parlements régionaux…. et aujourd’hui, sur un débat de fond, c’est la Wallonie qui est à la pointe du débat.

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