
Les Ardentes : Dan San s’envole, Cat Power envoûte

Samedi soir, en marge de la déferlante hip-hop, Les Ardentes reçoivent Dan San dans l’enceinte métallique du HF6. Régional de l’étape, le groupe se donne à fond, quelques heures seulement avant de prendre l’avion pour aller défendre son dernier bébé ("Shelter") sur les routes du Canada. Chemises blanches, pantalons noirs, attitude classe et distinguée, les six musiciens débarquent tirés à quatre épingles. Au cœur d’un light show minimaliste et sophistiqué, la formation liégeoise sublime les morceaux de son dernier album. ‘Red Line’, ‘Dream’, ‘America’, ‘The Call’ : leurs chansons créent un véritable cocon, une enveloppe soyeuse qui englobe la salle au-delà des bavardages et du brouhaha de la foule. Harmonies mélancoliques, refrains épiques : Dan San emmène sa musique vers de nouveaux sommets. Ambassadeur de la pop belge, Dan San est en train de se faire une place au soleil, quelque part entre Girls In Hawaïï et Balthazar. Après une magnifique reprise de David Bowie (‘Heroes’), la troupe achève sa prestation en rang serré. Seul derrière ses partenaires, le batteur termine le travail en martelant ses fûts jusqu’à l’implosion finale. Magnifique. Dan San peut s’envoler le cœur léger. Et voyager loin, très loin.
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Dans l’Aquarium, Kurt Vile enfonce la semelle de sa Converse sur une pédale de disto. Ancien dealer d’électricité pour The War On Drugs, le guitariste de Philadelphie traîne aujourd’hui sa tignasse à travers l’histoire du rock. D’une voix nonchalante, Kurt Vile emprunte le ton désabusé de Bob Dylan et monte à bord de la Cadillac de Springsteen. Derrière sa musique, c’est toute l’Amérique d’autrefois qui défile. Un peu mou, pas vraiment concerné, l’artiste se contente d’assurer. Sans forcer son talent. Les morceaux de son dernier essai ("B’lieve i'm goin down...") carburent à l’électricité mais dégagent très peu d’énergie. Un show convaincant, mais pas transcendant.
Samedi soir, pour approcher la grâce de près, de très près, il suffisait de circuler dans les travées d’un HF6 totalement déserté par les fans de Pharrell Williams (à peu près 90 % des festivaliers). Devant une assistance clairsemée, l’Américaine Cat Power va pourtant livrer un concert parfait, authentique et habité. Le visage tiré, le corps métamorphosé par le poids des années, Chan Marshall bouleverse l’auditoire dès ses premiers tours de chant. Touchante, consciente des réalités d’un monde détraqué, l’artiste arbore un « flingue interdit » sur le revers de sa chemise. Un badge hautement symbolique à l’heure où les extrémismes manifestent leurs velléités dans le feu et le sang… Bruxelles, Bagdad, Dallas, Istanbul : le temps d’un soir, Cat Power embarque les misères de l’humanité dans des hymnes à l’amour, à la paix. Des chansons fragiles, troublantes, belles à pleurer. Derrière elle, trois musiciens qu’on dirait sortis d’un « rockumentaire » assurent un service extraordinaire. Le son est tout bonnement irréprochable. Sur la corde raide, Cat Power nous sort un numéro. Malgré ses quintes de toux, les parlottes d'un auditoire dispersé. Malgré tout. Dans l’abnégation, cette voix du siècle assure jusqu’au bout. Sacrifiée sur l’autel d’une programmation largement dévouées aux musiques urbaines, la diva du folk alternatif quitte Les Ardentes sur quelques mots susurrés en français : « Je t’aime, je t’aime, je t’aime… » Sentiments partagés, à 100 %. Un des temps forts du festival.