
Rock Werchter: Iggy Pop, Beck et Last Shadow Puppets en bouquet final

Après quatre jours de dur labeur, les 7.200 bénévoles ont tout donné, tout mangé. Près de 8.300 pains, plus de 870 kilos de fromages engloutis : il fallait bien ça pour braver des conditions climatiques particulièrement difficiles. De la pluie, de la pluie et encore de la pluie. En 2016, face aux aléas de la météo, les organisateurs ont fait fort pour maintenir le festival à flot. Avec 4.000 tonnes de sable répandues sur le site et 7.000³ de copeaux étalés ici et là, Rock Werchter a fait valoir une logistique sans faille, une capacité de gestion à l’épreuve du temps. Au total, 145.000 visiteurs uniques ont marché dans la boue durant ces quatre jours, c'est 5.000 de moins qu'en 2015.
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Ce dimanche, le soleil est venu récompenser les vaillants festivaliers. Chauffé par ces rayons ultraviolets, l’iguane Iggy Pop s’empare de la Main Stage. Quand il n’arpente pas la planète en compagnie du super groupe venu lui prêter main forte pour enregistrer l’excellent "Post Pop Depression", le parrain des punks agite ses 69 printemps du côté de Rock Werchter. Sans Josh Homme (Queens of the Stone Age), Dean Fertita (The Dead Weather) ou Matt Helders (The Arctic Monkeys), James Osterberg produit de l’électricité à l’aide d’un groupe de vieux briscards. La peau qui pendille, le biceps hagard, Iggy est un vieil iguane. C’est sûr... Mais son agilité demeure intacte. Remuant, arrogant, boitant ou sautillant, l’animal en a encore sous le capot. Et, à l’allumage, il démarre toujours au quart de tour: No Fun, I Wanna Be Your Dog, The Passenger, Lust For Life. Iggy Pop a de la bouteille. Il sait comment tenir son public en haleine. Avec un show sans temps mort et une setlist irréprochable (1969, Sister Midnight ou Nightclubbling y passent), le blondinet au corps ratatiné remue parfaitement son mythe. Pour la légende. Coincé entre les jeunots (Foals et The Last Shadow Puppets), Iggy fait le boulot. Comme quoi, ce n’est pas à un vieil iguane qu’on apprend à faire la grimace.
Question grimaces, Alex Turner et Miles Kane en connaissent également un rayon. Polos Fred Perry immaculés sur les épaules, les garçons se différencient au niveau du pantalon. Ce dimanche, Alex défile en jaune, Miles en bleu. Les deux Last Shadow Puppets s’exécutent entre instruments classiques et décharges électriques. Épaulés par une section de cordes féminine et particulièrement souriante, les deux Anglais exilés sous les cocotiers de Los Angeles s’amusent à draguer les foules en accumulant les poses et autres clichés standards de la rock star. Fanfarons, ils dégainent un répertoire intelligemment agencé. Piochés dans leurs deux albums (le classique "The Age of the Understatement" et le récent "Everything You’ve Come To Expect"), les morceaux s’enfilent comme des perles sur un collier. Lunettes de soleil vissées sur le nez, Alex Turner s’empare du micro tel un golden boy lustrant un lingot. Quelque part entre l’univers impitoyable de Dallas et les machines à sous de Las Vegas, le leader des Arctic Monkeys se met Werchter dans la poche pour la cinquième fois de sa carrière (quatre fois avec ses singes, une fois sous son costume de Puppets). De David Bowie à Ennio Morricone, de Serge Gainsbourg à Scott Walker, le duo recycle l’élégance avec un savoir-faire qui sort le rock de l’ordinaire. En fin de parcours, les garçons tirent leur chapeau à Bowie en revisitant le Moonage Daydream de Ziggy Stardust. Excellente prestation.
De passage à Werchter pour la dernière date de sa tournée mondiale, Beck revisite sa discographie en ne gardant que les tubes : Devil’s Haircut, Mixed Bizness, The New Pollution, Sexx Laws, E-Pro, Where It’s At... Chapeau noir sur la tête, le chanteur donne un coup de guitare magique sur chacune de ses chansons. Dans le public, c’est la grosse fête. Sourires et mains en l’air: Beck Hansen réalise le cambriolage parfait. Près de vingt ans après son premier Werchter (c’était en 1997), l’artiste assure un train d’enfer à un show qui culmine avec le hit Loser. Repris en chœur par plus de 15.000 festivaliers totalement ragaillardis, l’hymne des années 1990 a encore de beaux jours devant lui. À l’image d’un Beck dont on attend le futur proche (un nouvel album annoncé pour octobre) avec impatience.
PHOTO: SOPHIE DELAPIERRE