
Mogwai en mode Atomic aux Nuits

Avant " Atomic ", Mogwai s’était déjà frotté avec brio à des soundtacks. Personne n’a ainsi oublié le climat oppressant de leur musique sur les plans séquence de la série " Les revenants " (2015) ou le son de leurs guitares homériques qui accompagnaient les dribbles de Zidane dans " Zidane Un portrait du XXIè siècle " en 2013. Avec " Atomic ", paru en avril dernier, le gang post-rock de Glasgow place la barre encore plus haut. Réalisé par leur pote Mark Cousin et diffusé pour la première fois sur la BBC4, le documentaire " Atomic: Living in dread and promise " revient de manière percutante sur les dérives du nucléaire. Bref, c’est l’histoire de la folie humaine au travers d’archives bouleversantes. On y voit des brillants cerveaux (Einstein, Marie Curie, Rutherford) dans des laboratoires, les bombes A " Littler Boy " et " Fat man " larguées sur les populations civiles d’Hiroshima et de Nagasaki en 45, des campagnes de propagandes, des centrales nucléaires qui explosent, des personnes âgées souffrant de cancer à Tchernobyl, des rivières polluées en Asie, des manifs pour la paix réprimées à coups de matraque, des gamins brûlés, d’autres jouant à la guerre comme leurs aînés…
Pour s’imprégner des désastres pouvant être provoqués par l’énergie nucléaire et les faire ressentir au public, Mogwai s’est notamment rendu à Hiroshima. C’est dire si le groupe s’est investi dans ce travail qui est tout sauf une " commande ". Et c’est avec le même degré d’implication que le groupe se présente ce vendredi soir dans un Cirque Royal rempli à craquer. Alors que le film est projeté sur grand écran, les musiciens sont assis en demi-cercle devant la scène et jouent tapis dans l’ombre. Le son est puissant, à la limite du supportable, tout comme, du reste, certaines images du film. Mêlant claviers tortueux et grattes superposées, la musique instrumentale de Mogwai secoue les estomacs, interpelle les consciences mais reste aussi lumineuse à l’image de ce soleil incandescent qui illustre la pochette d' "Atomic ". Le disque est joué dans l’intégralité, mais pas dans le même ordre. Mogwai y ajoute quelques improvisations ou des lectures inédites (le thème troublant de Fatman décliné en Fatman 2 et Fatman 3). Au bout d’une heure trente d’une rare profondeur, on a du mal à reprendre nos esprits avant de poursuivre la fête sous le Châpiteau de Botanique avec Flavien Berger. Dans un entretien accordé au magazine Q, les membres de Mogwai considèrent " Atomic " comme l’un des projets les plus intenses et gratifiants qu’ils aient mené jusqu’ici. Ils en ont donné la preuve ce vendredi. Après Iggy Pop à Amsterdam, c’est personnellement le plus beau concert que noys ayons vu en ce début d’année…
PHOTO VINCENT PHILBERT KMERON