ROCK WERCHTER 2015: le débrief de la journée de samedi

Lenny Kravitz, Prodigy, Noel Gallagher, Seinabo Sey: les vétérans au top et la star demain en toge rouge...

prodigy

> Lenny Kravitz

Top model, star de cinéma (notamment dans la saga "Hunger Games" et inusable showman, Lenny Kravitz débarque à la tombée de la nuit comme un maquereau au milieu de ses poules. Trois choristes, une batteuse et une bassiste pour lui tout seul, le playboy de 51 ans n’a toujours pas un seul cheveu blanc. C’est que Lenny n’a aucun souci à se faire. Sur scène, il reste incontestablement l’un des meilleurs du circuit. Concert à l’appui. Sur la plaine de Rock Werchter, l’Américain a empilé les tubes pendant près de deux heures. "American Woman, Mr. Cab Driver, It Ain’t Over Til It’s Over, Always On The Run, I Belong To You, Fly Away"… Avec tout ça, on en oublierait presque qu’il a sorti un nouvel album, le dispensable "Strut", en 2014. Sur scène, il parvient d’ailleurs à glisser deux titres de ce disque ("Dirty White Boots" et la plage titulaire) sans qu’on n’y trouve vraiment (rien) à redire. Démonstratif dans l'excellence, à fond dans la performance, Lenny se dépense sans compter. Irréprochable dans l'effort, il ajuste son foulard et emballe le festival. Guitare à la main, il s'en va défier ses musiciens un par un: Lenny contre le claviériste, Lenny contre la trompette magique, Lenny contre la batterie infernale ou Lenny contre le saxophone fou. Dans tous les cas, c’est un pur show à l’américaine avec des morceaux tirés en longueurs et, toujours, cette étincelle qui fait la différence. Les quinze minutes de "Mama Said", par exemple, passent comme une lettre à la poste. Accompagné de son guitariste (le demi-frère caché de Brian May et Alain Souchon), Lenny tricote du riff surpuissant et assure la cadence. Rock’n’roll et funky à mort. Et comment ne pas évoquer "Let Love Rule"? Dix-sept minutes sous la lune avec une foule qui hurle et Lenny sur la plaine pour quelques high five avec son public. Le concert s’achève sur "Are You Gonna Go My Way", bande-son électrique d’une bamboula collective totalement anachronique. Un grand moment de cette édition 2015.

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> Seinabo Sey

Nous l'avions placée dans notre "top 10 des artistes en 2016" après le festival Eurosonic. Et sa prestation, bien que trop courte, ce samedi sous le chapiteau KluB C de Rock Werchter nous a permis de nous rendre compte que nous ne sommes pas les seuls à croire au talent de cette chanteuse de 24 ans. Seinabo Sey est née à Stockholm, mais ce sont ses origines gambiennes qui font tout son charme. Emmenée par un groupe (guitare, batterie, clavier) qui sait s'effacer derrière son timbre impressionnant, Seinabo mélange soul et gospel, jazz et blues. Souvent comparée à Adèle, elle partage avec l'artiste anglaise le même naturel sur scène. "Notre avion a oublié de nous rendre nos bagages ce matin", lâche-t-elle avec sourire en début de concert avant de s'excuser pour son retard. "Nous n'avions pas fringues de rechange mais on s'est dit qu'on allait quand même venir à Werchter. Et nous avons bien fait. Je n'ai jamais chanté devant autant de monde". Visiblement émue par l'accueil du public qui connaît plusieurs de ses chansons par cœur alors qu'elle n'a pas encore d'album à son actif, Seinabo fait preuve de beaucoup d'aisance dans ses interprétations. Dans sa toge rouge, façon meneuse de chorale de gospel de Harlem, elle enroule l'assistance avec Poetic, sort une version poignante de Maudo (chanson dédiée à son père), impose son nouveau single officiel Hard Time et balance une reprise du tube "Rather be", bien plus émouvante que l'originale de Clean Bandit. Elle n'a joué qu'une trentaine de minutes, mais sa prestation laissera des traces.

> Noel Gallagher

En 2012, c'était son pote Vincent Kompany qui le présentait sur la scène de Werchter. Cette fois, le père Noel ne souhaite pas d'introduction et rentre dans le vif du sujet avec son solide groupe High Flying Birds. Depuis son départ d'Oasis en 2009, la rock star est à la cool. Ses deux albums solo ("Noel Gallagher's High Flying Birds" et "Chasing Yesterday") ont été encensés par la critique et sa tournée en salle, qui est passé au printemps dernier à l'Ancienne Belgique, affiche sold-out. Enrichies ça et là d'une section de cuivres façon "Northern soul", ses compositions ont vraiment de la gueule. Entre "Everybody's on the run, In the heat of the moment, Dream on" ou la ballade déchirante "If I have a gun", il place judicieusement quelques pépites d'Oasis qui font tanguer la foule sous le soleil couchant. On pense au toujours efficace "The Masterplan" ou au remuant "Digsy's Dinner". Mais Noel ne serait pas tout à fait Noel sans ses vannes. Et là encore, il fait très fort. Lorsqu'il cherche -et trouve- dans l'assistance un spectateur avec un drapeau mexicain pour lui dédier "The Mexican", il ne le lâche plus. "Tu es sûr que tu es un vrai Mexicain? Il est où ton sombrero? Tu ne serais pas Irlandais ou d'Antwerp, par hasard?" En fin de set, lorsque sa mission d'entertainer est accomplie, il demande au même Mexicain "c'est chouette votre festival? On en est au quantième jour? Troisième déjà? Putain de festival!" Et, comme espéré, il fait ses adieux en balançant une version apocalyptique de "Don't look back in anger" reprise par toute la plaine du Brabant flamand. Emotion, grand frisson...

> The Tallest Man On Earth.

Début d’après-midi. Un Suédois haut comme trois pommes arpente la scène dans sa chemise noire. Jens Kristian Mattson a l’accent de Bob Dylan et des airs de James Dean. Séducteur miniature, crooner de poche, l’homme s’est taillé une réputation sous un pseudonyme mystique et un peu longuet: The Tallest Man On Earth. De passage à Rock Werchter pour présenter son nouvel album "Dark Bird Is Home", le Scandinave déballe ses nouveaux morceaux en compagnie d’une formation dopée au maïs transgénique. Violon, guitare steel, batterie feutrée: ici, on déplie l’arsenal de la fête du cow-boy. Hyper arrangé, méga plan-plan, le nouveau répertoire s’offre un rodéo sur les terres de l’Amérique country. À Nashville, des groupes pareils, on doit pouvoir en dégoter à tous les coins de rue. À Werchter, The Tallest Man On Earth doit attendre que sa formation le laisse enfin seul sur scène pour prendre de l’envergure. Une guitare à la main, le chanteur traine alors sa voix sur des sentiers poussiéreux, des chemins autrefois empruntés par le diable et quelques héros du blues (Skip James, Son House et Robert Johnson). En solo, suant par-dessus les cordes de sa gratte, le Suédois décoche deux flèches et touche le public en plein cœur (Love is All et The Gardener). Impeccable. Là-dessus, une certitude s’impose: ce mec-là, c’est vraiment en célibataire qu’on le préfère.

> The Prodigy

Après Chemical Brothers jeudi et avant Underworld au Pukkelpop, c'est un autre revenant des années rave qui est venu foutre le boxon en festival. Et, une fois de plus, on se dit que les vétérans savent y faire pour galvaniser une foule, ce qui est encore loin d'être pas le cas de bon nombre de jeunes formations qui se retrouvent propulsées sur une grande scène sur foi d'un seul tube et crient après leur maman parce qu'ils ne savent pas captiver au-delà des premiers rangs. Mais revenons à ces tarés de The Prodigy. En 2015, le groupe est plus fédérateur que jamais et entend toujours nous secouer avec sa "pollution sonore". Batterie spartiate, riffs punk à la gratte, beats énormes assénés par le patron Liam Howlett... Voilà pour la musique.  Devant,  l'infatigable diable de Keith Flint avec sa coupe iroquois et le géant black Keith Flint avec ses peintures fluos assurent leur show et se démènent pour aller  chercher le dernier spectateur, vous savez celui qui s'est endormi dans l'herbe ou celle qui veut déjà retourner au camping. Les tubes font une fois de plus la différence ("Breathe, Firestarter, Voodoo people") avec, en fin de party, un "Smack my bitch up" qui n'a rien perdu de son impertinence. Quelle niaque. Pour rivaliser avec une telle énergie, Avicii et Calvin Harris doivent encore manger beaucoup de céréales.

Photo: Jean-Claude Guillaume

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