Tous à poil?

Se dénuder pour choquer: la pratique, popularisée par les Femen, a le vent en poupe. Mais quel jugement notre société porte-t-elle vraiment sur la nudité en public?

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Sommes-nous plus prudes ou plus exhibitionnistes qu’avant?

Dossier complet dans le Moustique du 10 juillet.

Et en famille?

"Quand j’étais petit déjà, je finissais toujours par enlever mon pyjama, à me retrouver nu dans mon lit. J’aimais ça. A la maison, il n’y avait pas d’exhibitionnisme mais pas de pudeur non plus. La salle de bains n’était jamais fermée. J’ai pris mon bain avec mes frères et mes cousins assez tard. En vacances, mon père nageait sans maillot."

Cette enfance "nature" a probablement influencé Jérôme Lejoly. Cet homme de 47 ans se définit comme un "nudien" (nudiste au quotidien). A Bruxelles, on peut le croiser dans des lieux publics ou même sur son vélo. "Il n’y a pas d’intention malsaine dans ma démarche, affirme-t-il. Je veux juste confronter les gens à leur manière d’appréhender la nudité, les pousser à s’interroger sur ce qui éventuellement les dérange."

Cet expert-comptable employé dans une banque est nu "dès qu’il le peut". A commencer par chez lui, bien sûr, et notamment devant sa fille aujourd’hui adolescente. "Depuis qu’elle est en mesure de comprendre et de parler, je lui demande si cela la gêne, poursuit Jérôme Lejoly. Elle me répond que non, mais elle ne recherche pas la nudité non plus. Elle ferme pour sa part la porte de la salle de bains. Et bien sûr je ne rentre pas."

Qu'en pense Jean-Yves Hayez? Pour ce pédopsychiatre, auteur de La sexualité des enfants (éditions Odile Jacob), la nudité fait effectivement partie de certaines cultures familiales. "Cette état ne suscite alors aucune émotion. Et les enfants y participent sans aucune gêne." Mais attention: certains petits, entre quatre et six ans, peuvent regarder les corps avec un rien d’excitation. "S’ils veulent toujours toucher le zizi de papa ou les seins de maman, s’ils veulent sans cesse rentrer dans la salle de bains lorsqu’un de ses parents s’y trouve, mieux vaut éviter ce genre de situation. Par respect pour lui."

Colo naturiste

A l’inverse, un enfant peut se sentir gêné face à la nudité de son père ou de sa mère. Sa pudeur peut différer de celle de ses géniteurs. "Il faut alors veiller à la respecter, à ne pas paraître intrusif, poursuit le pédopsychiatre. Surtout à l’adolescence. Certains parents peuvent aussi adopter une attitude provocante pour exciter leur ado, plus ou moins consciemment. Ceux-là doivent s’interroger…"

Avec la puberté, le besoin d’intimité s’installe souvent. "Quand les poils poussent, les salles de bains se ferment", résume un généraliste. Pour Jean-Yves Hayez, cette attitude est effectivement saine. "Dans certaines familles, même à cet âge, la nudité ne pose pas problème. Mais généralement, les premiers désirs sexuels apparaissent vers 12-13 ans. Il convient alors de laisser aux jeunes la possibilité de s’isoler." Ce que n'a pas fait Jérôme Lejoly. Au contraire, il a pris part à des colos naturistes dès qu'il était ado. "Cela m’a beaucoup aidé à passer le cap de la transformation de mon corps", affirme le comptable.

Aborder la nudité de manière sereine dès l’enfance, sans perversion ni voyeurisme, faciliterait-il les rapports au corps à l’âge adulte, au sien et à celui des autres? Une étude le prétend, qui a interrogé 1.400 futurs infirmiers, leur demandant s’ils avaient eu une expérience de la nudité dans l’espace familial. But de l'étude: mesurer l’impact de cette expérience sur leur aisance dans les contacts physiques avec les malades. "60 % d’entre eux ont répondu positivement", relate Jacques Marquet, sociologue et professeur à l’Ecole de sexologie et des sciences de la famille de l’UCL. 

En fait, c'est ne jamais se montrer nu devant sa progéniture qui pourrait, à l'extrême, poser problème, et générer des doutes ou une culpabilité indue. "Il est important que l’enfant puisse voir ses parents nus, qu’il sache que le corps est appréciable", poursuit Jean-Yves Hayez. Ce n’est pas Jérôme Lejoly qui le contredira. "Je pense que trop de pudeur à la maison peut créer des frustrations et des inhibitions. Ma fille en primaire se plaignait par exemple que certains camarades s’amusaient à regarder dans la culotte des autres… Elle n’aimait pas ce jeu malsain. Sur les plages naturistes, le contrôle social est très important et on apprend aux enfants à repérer les regards qui se perdent ou les attitudes inappropriées. Ce que les "textiles" ne font pas."

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